La Private Notice Question (PNQ) de Xavier-Luc Duval a braqué l’attention sur la situation financière du Sugar Insurance Fund Board (SIFB). La situation est assez inquiétante pour que la méfiance s’installe et que la communauté des planteurs soupçonne sa compagnie d’assurance d’avoir sciemment faussé les chiffres de la récolte pour ne pas avoir à payer de compensation.
Publicité
Les finances du SIFB souffrent ces dernières années. La raison : les aides financières accordées aux planteurs face à la chute des prix du sucre ne font pas partie de la mission de cet organisme qui doit normalement compenser les planteurs uniquement en cas de mauvaises récoltes dues au climat. C’est cette situation qui aurait poussé le SIFB à faire preuve de ‘créativité’ avec les chiffres pour ne pas compenser les planteurs pour cette année, selon certains au niveau de la communauté des planteurs.
C’est ce contexte financier particulier qui éveille des soupçons autour des conditions dans lesquelles le SIFB a surévalué la récolte de sucre au niveau national, rendant toute une communauté de planteurs, petits comme gros, inéligible à une compensation financière. Une surévaluation qui a fait l’objet de la Private Notice Question (PNQ) du leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, mercredi. Si ce dernier parle de fraude au SIFB, on se défend d’agir autrement que dans l’intérêt de la communauté des planteurs.
La fraude présumée a trait au calcul de la compensation à payer aux planteurs. Pour qu’elle le soit, il faut que le SIFB estime que la coupe relève d’un « Event Year ». Dans le jargon, il s’agit d’une année où le sucre produit est inférieur à la moyenne. Cette moyenne est calculée sur les cinq meilleures années de récolte parmi les huit années précédentes. Pour qu’une récolte soit qualifiée comme «Event Year », la production doit être inférieure à la normale par plus de 17 %.
Parmi les planteurs, on a aussi pris note que la Finance Act de cette année a porté ce seuil à 20 %. C’est ce qui sera appliqué pour la prochaine récolte. Ce qui prouve que le SIFB a moins de marge pour effectuer des paiements et alimente les craintes qu’il y ait eu un boycott organisé afin de préserver les réserves de l’assurance des planteurs.
C’est ce que sous-entend le rapport rédigé par l’Operations Manager du SIFB sur lequel Xavier-Luc Duval s’est basé pour la PNQ. « It leaves the impression that such a decision has intervened expressly in between the first and last run of Comp-Prem (NdLR : le calcul de la compensation à payer et la prime à réclamer aux planteurs) 2017 to debar all planters from a general insurance compensation claim given that the threshold to trigger a declaration of Event Year was on the borderline to being satisfied. »
Le même rapport souligne de grosses anomalies dans les comptes de la Compagnie sucrière de Bel-Ombre qui affiche une production sucrière de 999,9 % comparée à la normale. Un chiffre impossible qui aurait dû alerter tout le monde au SIFB. Le chiffre réel était de 92,3 %. Vu l’importance de cette compagnie pour les moulins opérés par Omnicane et Medine, c’est tout le chiffre de la récolte qui a été faussé en conséquence.
Autre décision du SIFB que le rapport considère comme une anomalie : le fait de ne pas considérer les cinq meilleures années de récolte pour calculer la moyenne pour les planteurs qui ne s’occupent pas convenablement de leurs terres. Mesure qui a affecté 1 560 planteurs, selon le rapport. Le document conclut que les planteurs de la région de Medine et Omnicane auraient dû être compensés.
Toutefois, pour Oodaye Lochun, président du SIFB, il s’agit tout simplement d’un malentendu. « Bel Ombre se trouve à la fois dans le factory area d’Omnicane et de Medine, explique-t-il, pendant huit ans, les chiffres de ses récoltes n’ont pas été versés chez Medine, ce qui lui donne une moyenne de zéro sur cette période. C’est par erreur qu’on s’est basé sur ce chiffre pour calculer la moyenne. » D’où la récolte de 999,9% supérieure à la moyenne. Alors que Bel-Ombre devait payer une prime de Rs 1,6 million, elle n’a payé que Rs 140 000. Elle n’a pas non plus touché de compensation.
Quant aux critiques du rapport sur la décision de pénaliser les planteurs qui n’assurent pas l’entretien de leurs terres, Oodaye Lochun estime que c’est un des éléments qui discrédite le rapport : « Quand un planteur ne s’occupe pas de son champ et ne replante pas chaque huit ans par exemple, ou ne met plus de sel, il est normal que la productivité baisse. On ne peut pas les compenser pour leur négligence non plus. »
Qu’en est-il du seuil qui passe à 20 % ? « C’est une recommandation de notre actuaire, explique-t-il, sur les deux dernières années, nous avons déboursé un total de Rs 2 milliards en compensations et aides financières. L’année dernière, nous avons payé environ Rs 450 millions. Mais, il faut un minimum de réserves et si on conserve les 17 %, on ne les aura plus. »
Les calculs sont encore en cours pour une éventuelle compensation des planteurs de la zone d’Omnicane et Medine. « Quand il y a eu une erreur, il faut tout vérifier manuellement, cela demande du temps, explique Oodaye Lochun, en plus, le chef de la section concernée est en congé. Nous n’avons pas encore calculé le montant de la compensation. C’est en cours.» Le paiement sera fait, promet-il, même si le délai légal est déjà passé.
Le SIFB a du mal à respirer
La moitié des fonds du SIFB, estimés à Rs 4 milliards, est placée dans divers investissements, comme sur le marché boursier. En termes de liquidité, il reste tout juste la somme nécessaire pour soutenir les planteurs en cas d’intempéries. C’est ce qu’apprenait Oodaye Lochun au Défi Quotidien en septembre 2017. À l’époque, la décision du gouvernement d’aider financièrement les planteurs face à la chute du prix du sucre allait coûter Rs 500 millions au SIFB. Son actuaire avait confirmé que cette somme le rapprocherait dangereusement du point de rupture. L’année précédente, les investissements du SIFB avaient rapporté Rs 120 millions. Les prévisions pour les primes récoltées auprès des planteurs étaient de Rs 170 millions.
Quand le PM essaie de gagner du temps
L’incident qui aura retenu l’attention durant la PNQ de mardi c’est le retard de Mahen Seeruttun qui est arrivé plus de cinq minutes après l’heure. Il s’est fait remonter les bretelles par la Speaker, Maya Hanoomanjee, pour n’avoir même pas pris la peine de la prévenir qu’il ne serait pas à l’heure. Pravind Jugnauth a tenté de meubler le temps en expliquant pourquoi il ne répondait pas à la PNQ alors qu’en tant que ministre des Finances, il est responsable du SIFB.
Xavier-Luc Duval estime qu’il y a eu détournement
Xavier-Luc Duval n’y est pas passé par quatre chemins dans sa PNQ. Il est d’avis qu’il y a eu détournement de Rs 450 millions au détriment des petits planteurs et que l’affaire devrait être référée à la police. Le leader du Parti mauricien social-démocrate a beaucoup insisté sur le fait que les comptes de 1 560 petits planteurs avaient été trafiqués, faisant l’impasse sur le fait que même les grosses compagnies sucrières avaient fait les frais de la situation.
Mahen Seeruttun a répété les mêmes choses pendant trente minutes, notamment que PricewaterhouseCoopers (PWC) avait été chargée de mener un « forensic audit » sur les circonstances de la surévaluation de la récolte de sucre. Il a à maintes reprises refusé de se prononcer sur le rapport sur lequel s’est appuyé le leader de l’opposition, vu le refus de ce dernier de déposer une copie à l’Assemblée nationale, préférant plutôt le remettre à la presse.
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !