L’heure est aux grandes réformes dans les secteurs-clés en perdition et les finances publiques. Maurice ne peut continuer à opérer avec des mesures palliatives qu’on annonce de temps à autre pour surmonter les difficultés. Ce dont le pays requiert est un enchaînement de réformes et une volonté de les mettre à exécution, quitte à déplaire. Voilà l’essentiel des entretiens ci-dessous.
Beas Cheekhooree, président de la MEXA : «Développons une industrie robuste...»
La Mauritius Export Association, face aux secousses constantes dans le secteur manufacturier, s’est engagée dans un exercice de réflexion qui aboutira à une nouvelle vision dans la durée pour le secteur manufacturier. Pour le président de la MEXA, nous devons faire preuve de créativité et de témérité.
« La MEXA travaille sur un plan stratégique pour l’industrie manufacturière dans son ensemble. Une des initiatives est d’intégrer les PME dans l’Export Supply Chain et ainsi développer une plate-forme manufacturière robuste, diversifiée et résiliente. L’objectif est d’augmenter considérablement la contribution du secteur à notre Produit Intérieur Brut. »
« Donc, poursuit Beas Cheekhooree, on réfléchit sur plusieurs aspects entre autres – l’identification des segments dans lesquels l’industrie manufacturière mauricienne pourrait investir, trouver les nouveaux marchés susceptibles d’absorber nos produits et qui nous sont plus favorables. C’est évident. Les facteurs ayant contribué au succès de l’industrie manufacturière locale ne sont plus d’actualité. La demande a évolué. Nos marchés ont évolué. Les clients demandent le ‘just in time’ de plus en plus. Nous ne disposons plus de cet avantage compétitif d’antan. Nos coûts de production sont en hausse. »
Selon le président de le MEXA, « les coûts du fret aérien et maritime ont augmenté considérablement. Tous ces facteurs effritent notre compétitivité. Nous devons débourser davantage pour acheminer nos produits vers ces marchés traditionnels. Il ne faut pas oublier que nous importons l’ensemble de nos besoins en matières premières. Nous ne pouvons plus continuer sur cette trajectoire. Nous avons un grand besoin d’investir dans la nouvelle technologie de fabrication. Inclure la recherche et développement dans nos entreprises. »
Devesh Dukhira, CEO du Mauritius Sugar Syndicate : «Une réforme structurelle de l’industrie sucrière devient urgente»
Le prix du sucre sur le marché mondial est cyclique de nature. Nous sommes à présent pris dans une phase où le cours est au plus bas parce qu’il y a une surabondance, alors que certains producteurs, comme en Inde, bénéficient de prix garantis et continuent donc à produire en grande quantité, indépendamment du cours mondial. L’avenir pour Maurice serait de se concentrer sur les sucres à valeur ajoutée, explique Devesh Dukhira, Chief Executive Officer du Mauritius Sugar Syndicate.
« La consommation globale en sucre progresse de 1,5-2,0 % en moyenne chaque année. Pour répondre à ce besoin additionnel, qui est de l’ordre de 3,0 – 3,5 millions de tonnes, les producteurs ayant les moyens doivent augmenter leur capacité, ce qui demande de l’investissement, et ce qui ne pourra se faire si le prix mondial ne redevient pas attrayant. Aujourd’hui, le cours est en dessous du coût moyen de production. Et tenant compte de l’offre et de la demande, le prix aura à s’ajuster avant que la production puisse reprendre. Ce réajustement est évident car le sucre est une commodité avec un prix cyclique.
Maurice n’est pas un gros producteur. De ce fait, il est important qu’on se positionne dans des marchés niches en produisant des sucres à valeur ajoutée pour répondre à la demande croissante dans ces segments spécifiques. Nous avons d’ailleurs plus de 40 années d’expérience dans la production et la vente des sucres spéciaux. Nous en commercialisons déjà dans une cinquantaine de pays, ou nous sommes considérés comme des pionniers. L’objectif est de consolider notre position, voire diversifier davantage nos marchés pour ces sucres. »
La croissance annuelle de Maurice
Fin mars, Statistics Mauritius communiquera son bulletin sur la santé économique du pays en 2018. Ces chiffres porteront sur le dernier trimestre. À partir de là, l’agence officielle des données partagera ses perspectives pour 2019. Elle mettra l’accent sur les secteurs qui seront les moteurs de la croissance. Le chiffre à suivre sera l’expansion économique pour l’année en cours. Est-ce que Statistics Mauritius révisera ses estimations de 4% pour s’aligner sur celles des organisations reconnues telles que la Banque de Maurice, le groupe MCB ou le Fonds monétaire international ? Ces instances tablent sur une croissance de 3.9%.
Exportations par région
Eric Ng, économiste : «Sans réforme, la croissance serait de 3 % à 3,5 %»
économiste et directeur de la firme PluriConseil, Eric Ng jette un regard critique sur l’évolution de la croissance. Il estime que des réformes majeures sont requises pour donner une nouvelle impulsion à l’économie tout en assainissant les finances publiques : « Gardons les pieds sur terre. Soyons vigilants. Les 10 prochaines années seront difficiles, une situation reflétant le contexte international et l’inaction au cours de la décennie écoulée. Renverser la tendance et apporter une bonne dynamique de croissance ne seront possibles qu’avec la concrétisation de réformes courageuses avec une vision et stratégies cohérentes dans l’ensemble.
Sans un changement structurel, la nouvelle norme sera une croissance de 3 % à 3,5 %. Nous savons tous qu’un tel niveau n’est pas suffisant pour mettre le pays sur une trajectoire de développement soutenu, la création d’emplois et de richesses. Ce faisant, nous serons une nation de bureaucrates et de fonctionnaires au lieu de devenir un pays d’entrepreneurs. Est-ce que l’Etat sera une source d’emplois ?
Sur la présente trajectoire, les finances publiques seront davantage sous pression. D’une part, il y a les subventions sociales. D’autre part, nous assisterons à une explosion dans le montant alloué à la pension universelle. Sans réformes, une fois de plus, l’Etat ne pourra investir. À l’échelle nationale, le taux de l’épargne est passé sous la barre des 10 %. Or, pour un pays en développement, l’épargne est essentielle. »
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