Interview

Dr Kevin Teerovengadum : «Une quarantaine de nouveaux cas de cancer chez l’enfant sont recensés chaque année»

Le 15 février était la Journée internationale du cancer chez les enfants. Une quarantaine de nouveaux cas sont recensés annuellement à Maurice. Entretien avec le Dr Kevin Teerovengadum, chirurgien en pédiatrie de l’Ex hôpital Apollo Bramwell.

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Quels sont les cancers les plus fréquents chez les enfants ?
Il faut d’abord noter que les cancers chez les enfants sont très différents de ceux chez l’adulte. Ils sont heureusement beaucoup plus rares que chez l’adulte. Ce n’est, toutefois, pas une maladie exceptionnelle, car il y a environ 40 nouveaux cas de cancers chez l’enfant et l’adolescent par an à Maurice. Dans un tiers des cas, ce sont des leucémies (cancer du sang) et des lymphomes (cancers des ganglions lymphatiques) et un tiers sont des tumeurs cérébrales. Le dernier tiers rassemble différents types de « cancers solides » touchant les différents organes : rein, foie, muscles, etc.

Pour certains types de cancer chez les adultes, la vie sédentaire, l’alimentation, l’alcool ou encore la cigarette sont cités comme les facteurs de risque. Qu’en est-il chez les enfants ?
C’est vrai que les facteurs environnementaux jouent un rôle moins important dans le cancer de l’enfant. C’est ce qui explique que les parents vivent la maladie comme une vraie injustice et se demandent : « Pourquoi mon enfant ? Qu’a-t-il fait pour mériter cela ? »

Est-ce que ces cancers peuvent être prévenus ?
Le plus souvent, c’est impossible.

Quels sont les signes et symptômes pouvant indiquer qu’un cancer est en train de se développer ?
Le diagnostic de leucémie aiguë est le plus souvent établi au vu du résultat d’une prise de sang effectuée à l’occasion d’une infection qui traîne, d’une fatigue inhabituelle, d’une anémie, des « bleus » à répétition.

Le diagnostic des autres cancers est le plus souvent fait après la découverte d’une grosseur à l’examen, d’une augmentation de volume d’un ganglion (lymphome) ou d’une augmentation de volume d’un organe (gros rein, gros foie, grosse rate, etc.)

Sinon, d’autres signes peuvent être un trouble de la vision (rétinoblastome), des maux de tête ou un syndrome neurologique (neuroblastome, tumeurs du cerveau) et, comme tous les cancers, une perte de poids, un manque d’appétit ou une fatigue inhabituelle et persistante.

Au moment du diagnostic, le médecin de famille est le plus souvent en première ligne. Celui-ci, dans la mesure du possible, doit rassurer les parents et référer, au plus vite, le patient vers le centre spécialisé.

Les cancers de l’enfant sont extrêmement différents de ceux qu’on observe chez l’adulte. Ils ont une évolution très rapide. De ce fait, les symptômes arrivent finalement de manière assez brutale, avec des enfants qui auront jusqu’au dernier moment un comportement tout à fait normal. Ensuite, de manière subite, en une quinzaine de jours, ils vont développer des signes importants : de la fatigue et des signes en rapport avec la localisation de la maladie.

Les parents se culpabilisent souvent, car ils ont parfois remarqué des petits signes plusieurs semaines avant. Cela alors que l’enfant a conservé un comportement normal, ce qui ne leur a pas donné des raisons de s’inquiéter au début.

Les cancers de l’enfant sont extrêmement différents de ceux de l’adulte

Les cancers de l’enfant peuvent-ils être traités ? Quelles sont les chances de guérison ?
Des progrès considérables ont été réalisés dans ces maladies qui, dans les années 1960-70, avaient un pronostic extrêmement sombre. Durant les cinquante dernières années, le taux de survie est passé de 20 % à 80 % en France.

Qu’en est-il de la situation à Maurice ?
Je dirais que le taux global de survie des cancers de l’enfant à Maurice est de moins de 50 %. Mais il y a des cancers (par exemple, certaines leucémies) où le pronostic est meilleur.
Un progrès notable a été la mise sur pied d’un centre national pour les cancers de l’enfant à l’hôpital Victoria en 2009 (Child Cancer Ward).

Avant, les enfants étaient soignés dans les différents hôpitaux régionaux et dans les salles où étaient aussi traités les patients adultes. La salle dispose d’infirmières et de médecins (pédiatres et cancérologues), qui font un travail extraordinaire.

Toutefois, en tant que chirurgien pédiatre, je suis persuadé que si l’on avait l’expertise d’un spécialiste des cancers de l’enfant (hémato-oncologue pédiatrique) à plein temps à l’hôpital public, la prise en charge serait encore meilleure.

Il faut aussi savoir qu’il y a des technologies auxquelles on n’a pas accès à Maurice. Par exemple, l’immuno phénotypage des leucémies aiguës (la biologie moléculaire est peu développée dans nos laboratoires), la greffe de moelle osseuse (lorsque le cancer nécessite une chimiothérapie plus lourde et intensive), le PET scan pour évaluer les métastases à distance, le IMRT (radiothérapie conformationnelle, beaucoup plus précise et donc plus adaptée à l’enfant).

C’est quoi, le port-à-cath docteur ?
Le port-à-cath ou chambre implantable est un dispositif que le chirurgien place sous la peau au moment du diagnostic du cancer pour faciliter l’administration de chimiothérapie intraveineuse. L’intérêt est accru chez l’enfant, car les enfants ont souvent des veines plus petites et plus difficiles à trouver que les adultes.

Maladies rares

Les cancers de l’enfant sont classés comme « maladies rares ». La recherche avance, malheureusement, doucement dans ce domaine par manque de fonds. Selon le Dr Teerovengadum, on comprend aujourd’hui que parfois l’enfant à des mutations de certains gènes dits « pro-oncogènes ». Ces gènes deviennent « instables » et prédisposent ces enfants à développer des cancers. Il considère qu’une meilleure compréhension permettra un meilleur traitement des cancers de l’enfant à travers la biologie moléculaire et la génétique à l’avenir.

 

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