Le service de santé publique n’est certes pas parfait aux yeux de certains. Il figure néanmoins parmi les meilleurs de la région et du continent africain. C’est l’avis du Dr Ismet Nawoor, Regional Health Director de l’hôpital Dr A. G. Jeetoo. Mais il avoue qu’il peut être amélioré, à condition qu’il y ait une meilleure utilisation des services de santé primaires.
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« Les patients devraient être aussi satisfaits en quittant un établissement hospitalier qu’en quittant un hôtel. »
Le service de santé publique essuie souvent des critiques. Est-ce justifié ?
Pour avoir travaillé de très longues années dans le service public et exercé aussi en tant que gynécologue dans le privé, je pense que les services de santé que propose Maurice figurent parmi les meilleurs de la région et d’Afrique. Nous avons un taux de mortalité maternelle et infantile très faible, dans le service public comme dans le privé. Les membres du personnel médical sont qualifiés et efficaces.
Mais il est tout aussi vrai qu’il y a encore beaucoup à faire pour améliorer le service. Selon les analyses que nous avons faites, les plaintes du public se limitent à la manière dont le service a été fourni. Mais le professionnalisme du personnel n’est pas remis en question. Nous estimons donc que l’accueil, la communication et le temps accordé aux patients doivent être revus. C’est une attention particulière et un service personnalisé dont le public souhaite bénéficier dans les hôpitaux. C’est ce qui fait un peu défaut dans le système actuel.
Pourquoi ?
À cause de l’affluence des patients dans tous les hôpitaux… Il est difficile d’accorder beaucoup de temps à chacun d’eux. C’est un des reproches que nous entendons le plus souvent, car les traitements que nous offrons sont, eux, adéquats. Mais voyons l’aspect pratique des choses : c’est impossible d’offrir un service personnalisé, comme c’est le cas chez un médecin du privé, en raison de nombreux patients dans le service public.
Que préconisez-vous ?
Une décentralisation du service qui a déjà commencé, mais sur laquelle nous devons mettre l’accent et devons mieux communiquer afin que la population soit consciente des facilités mises à sa disposition. Les hôpitaux sont réservés aux traitements spécialisés, aux cas urgents comme les accidents ou aux maladies chroniques aiguës.
Pour les autres traitements, il y a les services de santé primaires que sont les Area Health Centres, les Community Health Centres et les médicliniques. Avant de se rendre dans l’un des hôpitaux pour un problème « bénin », les membres du public devraient d’abord se rendre au centre de santé le plus proche de leur domicile. Si le cas ne peut être traité dans cet établissement, il sera référé à l’hôpital. Pourquoi faut-il se rendre à l’hôpital alors que nous offrons un service de proximité à travers les centres de santé primaires ?
Ces centres de santé disposent de plusieurs facilités pour divers traitements. Pourquoi les patients rechignent-ils à y aller, selon vous ?
Il y a cette mauvaise perception selon laquelle ce seraient des « ti dokter » qui exerceraient dans les centres de santé primaires. Ce qui est totalement faux. Dans les médicliniques et les Area Health Centres, il y a des spécialistes (en pédiatrie, gynécologie, médecine interne, etc.) et des infirmiers qui sont tout aussi qualifiés que ceux des hôpitaux, où ils sont appelés à exercer également.
Si le public profitait des facilités mises à sa disposition à travers le service de proximité qu’offre ces centres de santé primaires, l’affluence dans les hôpitaux diminuerait. Cela permettrait aux membres du personnel hospitalier d’accorder un peu plus de temps à chaque patient.
Est-ce la seule cause des longues files d’attente dans les hôpitaux ?
Cette situation n’est pas spécifique à Maurice. Ce qu’il faut savoir également c’est que le temps d’attente dans les hôpitaux, tel qu’il est affiché, est de deux heures au minimum. À l’étranger, cela va d’une demi-journée à une journée. Avec le système de rotation mis en place, il y a un nombre suffisant de médecins pour traiter les patients dans les différents départements.
Nous devons faire la part des choses. Les patients doivent accepter qu’il faut un minimum de temps d’attente avant de recevoir un traitement. C’est comme cela dans tous les services : bureaux de poste, banques, services publics, etc. À travers le système de tri, les cas urgents sont traités en priorité. Nous essayons autant que possible de réduire les files d’attente en nous adaptant à la demande. Là où il faut redéployer du personnel, nous le faisons.
Les plaintes du public sont donc injustifiées ?
Dans certains cas elles peuvent être justifiées, car on peut oublier de recevoir un patient et le laisser attendre trop longtemps sans communiquer avec lui. Nous péchons sans doute de ce côté-là, ce qui pourrait expliquer l’insatisfaction de certains patients. Nous devons donc améliorer notre communication et informer les patients afin qu’ils soient conscients que leur cas a été pris en considération et que leur tour viendra.
Il arrive que des patients doivent attendre de longues heures avant d’être admis dans une salle. Avons-nous une population si malade qu’il n’y a pas assez de places ?
C’est une bonne question. Mais je ne dirais pas que nous avons un taux de malades trop élevé. Dans certains cas, des patients se rendent à l’hôpital pour des raisons « bénignes » alors qu’ils auraient dû aller au dispensaire au préalable. Quand ils vont à l’hôpital, ils surchargent la somme de travail du médecin. Ce dernier aurait pu utiliser ce temps-là pour s’occuper d’un cas plus urgent.
Dommage que certains patients n’arrivent pas à comprendre ce que signifie la prévention. Du coup, nous avons un gros problème en ce qui concerne des maladies non transmissibles (diabète, hypertension, maladies cardiovasculaires et cancer). Il faut expliquer aux enfants, dès leur plus jeune âge, ce qu’ils peuvent consommer et ce qu’il doivent éviter pour réduire les risques de maladie. La population doit être consciente de l’importance de cette démarche et prendre les mesures qui s’imposent pour rester en bonne santé.
Vous avez évoqué un problème de communication entre les membres du personnel et les patients. Comment allez-vous le résoudre ?
Les bases concernant l’accueil des patients et l’attention que nous leur accordons doivent être revues. La Coronary Care Unit de l’hôpital Dr A. G. Jeetoo a montré la voie en recevant le premier Public Service Excellence Award. Ce qui est fait dans ce département peut être reproduit ailleurs.
Ce qu’il faut c’est un changement de mentalité de la part des membres du personnel. Ils doivent faire preuve de plus de compassion envers les patients, tout en préservant leur dignité. Il faut aussi accorder à ces derniers le respect qu’ils méritent en tant qu’êtres humains. Le public aussi doit changer d’attitude envers les membres du personnel et apprécier à sa juste valeur le service gratuit dont il bénéficie.
L’hôpital Dr A. G. Jeetoo a été choisi par le Civil Service College pour des sessions de travail. Des modules personnalisés seront développés à l’intention des différentes catégories du personnel, dans l’objectif d’améliorer la communication des employés. Nous souhaitons offrir un service digne d’un hôtel. Les patients devraient être aussi satisfaits en quittant un établissement hospitalier qu’en quittant un hôtel.
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