Economie

Dr Camille Landais : « Aucune relation mécanique entre la croissance et les inégalités »

Invité par le London School of Economics Trust Fund, le plus jeune économiste titré de France, Camille Landais, a livré récemment plusieurs conférences, où il a été beaucoup questions des inégalités et de paradis fiscaux.

Publicité

Quel est le principal objectif de votre visite ?
Ma visite à Maurice se situe dans le cadre des échanges de la London School of Economics avec Maurice, à la fois avec le gouvernement et avec le secteur privé. L’objectif est de partager mon expertise en tant qu’économiste du public pour parler des questions pertinentes à l’économie mauricienne. L’idée est d’encourager le dialogue, de venir avec des questions et susciter des réflexions qui aideront.

Je me considère comme un économiste classique. Adam Smith a non seulement écrit « La Richesses des Nations », mais aussi « La théorie des sentiments moraux. » L’économie est une science sociale qui motive bien des attitudes et non seulement basée sur la rationalité purement économique. On pose des questions ayant à cœur d’être utile.

Quelle est la relation entre la croissance et les inégalités ?
Il n’y a aucune relation mécanique entre le niveau de développement et le niveau des inégalités. La croissance n’est pas directement liée à l’inégalité. En revanche, il s’agit des choix de société à partir des structures démocratiques : l’ensemble du peuple, par un gouvernement élu, par le Parlement et par le pouvoir exécutif. Il faut mettre l’expertise sur les  causes et les conséquences des inégalités à la portée du plus grand nombre. C’est un peu dans ce cadre que des conférences avec un grand nombre d’intervenants sont organisées afin de susciter des questions et qu’on peut, à partir de là, prendre des mesures appropriées.

Je rappelle qu’après l’ère coloniale, Maurice a très vite réduit les inégalités avec l’accès à l’éducation et aux soins de santé alors que dans d’autres, à l’instar de Singapour, l’écart s’est creusé. Mais ces dernières années, on observe une certaine tendance à la hausse des inégalités à Maurice. Il y a des réformes fiscales qui ont sans doute été motivées par un besoin d’être plus compétitif. J’estime que les effets de ces mesures fiscales doivent être évalués par rapport à leurs causes sur les inégalités. Je prends l’exemple du Danemark, qui a une relative petite économie, mais a pu néanmoins rester compétitif tout en favorisant inclusion financière et sociale.

Les pays développés s’activent à mettre au pied des centres financiers avec de nouvelles exigences de coopération et de transparence…
Il faut bien comprendre qu’à partir du moment où on décide de vivre ensemble au sein d’une société et d’une perspective plus large, on partage la même planète, l’idée de siphonner la base fiscale de son voisin pour financer ses propres dépenses est un modèle qui ne marchera jamais à l’échelle de l’humanité tout entière. Le model de paradis fiscal qui encourage l’arrivée des capitaux tout en taxant le moins et en ne fournissant pas d’informations sur les bénéficiaires, c’est un modèle où on sera tous plus pauvres et tous moins développés. Ces stratégies  de non coordination, où chacun vit au détriment de l’autre, nous amène à la catastrophe.

Il est important aussi de souligner que la circulation des capitaux est de nature volatile. Même si les services financiers ne représentent qu’une faible partie de l’économie, ils ont néanmoins une grande influence sur la croissance. Le Singapour est un cas typique où à chaque fois où les services financiers ont été quelque peu secoués, sa croissance économique s’est affaiblie.

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !