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Discours budgétaire : la déception des pharmaciens

L’absence de mesures pour la baisse des prix des produits pharmaceutiques et l’importation parallèle des médicaments sont décriées par les pharmaciens et les associations de consommateurs.

Le discours du Budget est une grosse déception pour le syndicat et l’association des pharmaciens. Rien n’a été dit pour résoudre le problème de  pénurie de médicaments et la hausse de leurs prix au cours de ces dernières années.

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«Grosso modo, ce Budget n’a qu’une seule vision : solliciter des votes pour les prochaines élections générales », estime Ashwin Dookun, président de la Pharmaceutical Association of Mauritius (PAM). Il ajoute qu’avec les mesures énoncées, « pe tir dan gos pou mett dan drwat ». Pour lui, ce sont les consommateurs qui, d’une manière ou d’une autre, vont financer les diverses allocations et prestations sociales à travers l’inflation artificielle et la dépréciation de la roupie qui ont fait grimper tous les prix ces dernières années. « À la fin du jour, notre économie va s’écrouler en raison de l’absence de vision et de structures pour la relance », dénonce-t-il.

Échec du « Regressive mark-up »

Le président de la PAM déplore également que depuis l’introduction d’un pseudo « Regressive mark-up » sur les prix des médicaments, rien n’a été fait pour consolider ou revoir cette mesure. Il explique que depuis son introduction, les prix des produits pharmaceutiques n’ont cessé de grimper en raison de divers facteurs. Cela est d’autant plus vrai que la baisse de la marge semble être appliquée à tous les produits pharmaceutiques, soutient-il. Ashwin Dookun fait également remarquer que les autorités avaient été prévenues que cette mesure n’allait pas fonctionner et n’allait pas atteindre l’objectif escompté. Il souligne que les pharmaciens n’ont rien à voir avec ces augmentations de prix et qu’il faut plutôt se tourner vers les importateurs et les fournisseurs.

Siddique Khodabocus, président de l’association des petits et moyens importateurs de produits pharmaceutiques, déplore de son côté que rien n’a été mentionné en ce qui concerne l’importation parallèle des médicaments et leurs prix. Pour lui, cela aurait pu aider le grand public. Il ajoute que des permis auraient pu être donnés pour les médicaments essentiels et ceux utilisés à long terme, comme pour les maladies chroniques telles que le diabète, l’hypertension artérielle et les maladies cardiovasculaires, entre autres.

Réinventer le système

Il ajoute qu’il existe des génériques pour pratiquement tous les médicaments, vendus à un meilleur prix que les produits originaux. Selon lui, la solution pour faire baisser les prix des médicaments est de mettre fin au monopole qui existe dans ce secteur et d’autoriser l’importation parallèle de ces produits. « Il faut réinventer le système de santé, car nombreux sont ceux qui ne veulent pas payer le prix. Ils rechignent sur les prix des médicaments, mais ne disent rien sur la hausse des tarifs des chambres dans les cliniques et des autres produits de consommation », déplore-t-il. Et pour ceux qui préfèrent utiliser les médicaments de marque, ils doivent accepter de payer le prix, car ils coûtent cher à la source, fait-il comprendre.

Selon Ashwin Dookun, les grossistes ont une structure bien établie et des dépenses auxquelles ils ne peuvent échapper. Ainsi, si leur marge de profit baisse, ils doivent trouver des moyens pour rééquilibrer leurs revenus. Il est ainsi d’avis que des « accords tacites » ont été passés avec les fournisseurs afin de « gonfler » les prix des produits pour finalement conserver leurs revenus. Ashwin Dookun ajoute également que certains importent en plus petites quantités, ce qui entraîne des pénuries intempestives de nombreux médicaments.

Avec les autres mesures prises en faveur des employés concernant le salaire minimum, que le président de la PAM ne critique pas, il se demande cependant comment les propriétaires de pharmacies vont pouvoir s’en sortir. « D’un côté, les autorités ont baissé la marge de profit des pharmacies et de l’autre, elles introduisent des mesures pour augmenter les salaires des employés », s’insurge-t-il. Pour lui, cela ressemble à une manière déguisée de tuer le service que les pharmacies privées rendent à la population. « Les pharmacies privées sont là pour pallier les manquements du service public », dit-il.

Déception

« Je suis très déçu qu’aucune proposition n’ait été faite pour la baisse des prix des médicaments », explique Claude Canabady, secrétaire de la Consumer’s Eye Association (CEA). Alors que certains ont évoqué l’importation parallèle des médicaments, le problème reste entier car aucune décision n’a été prise pour son autorisation. Ce, alors que certains patients doivent acheter dans les pharmacies privées les médicaments qu’ils n’arrivent pas à obtenir à l’hôpital.

Claude Canabady évoque aussi sa déception concernant le non-retrait de certaines taxes sur les prix des carburants, ce qui aurait permis une baisse de prix de certaines commodités par effet boule de neige, selon lui. « Cette mesure aurait pu soulager bon nombre de consommateurs », dit-il. Le secrétaire de la CEA affirme qu’il accueille favorablement les mesures sociales comme la hausse du salaire minimum ainsi que des pensions. Cependant, avec le coût de la vie en constante hausse, cela ne va rien changer car tous les gains obtenus vont vite être engloutis dans les prix des commodités qui sont en constante hausse.

Le secrétaire de la CEA plaide ainsi pour un ciblage des familles vulnérables afin qu’elles disposent de coupons pour l’achat de denrées alimentaires. Par ailleurs, il est d’avis qu’une réduction des prix des carburants aurait eu plus d’impact que la baisse du prix de la bonbonne de gaz ménager. Pour beaucoup, cela ne représente qu’une baisse de Rs 50 par mois, ce qui n’est rien en comparaison avec la cherté de nombreux produits.

Désaveu 

Ashwin Dookun ajoute que c’est un désaveu total que le ministre de la Santé ait reconnu qu’environ 25 % de la population se tourne vers le service de santé privée. « Même si c’était 1 % de la population, c’est néanmoins un pourcentage de la population qui n’est pas satisfait du service gratuit disponible dans le public et qui préfère se tourner vers le service de santé privée », explique-t-il. Et avec de nombreux médicaments qui ne sont pas disponibles dans les hôpitaux publics, les patients n’ont d’autres choix que de se tourner vers les pharmacies privées, poursuit le président de la PAM. Une étude aurait dû être effectuée afin d’essayer de comprendre pourquoi nombreux sont ceux qui préfèrent acheter leurs médicaments dans les pharmacies au lieu de les prendre gratuitement dans le service de santé publique, avance Siddique Khodabocus. 

Le président de la PAM fait également ressortir que les médicaments ne peuvent être traités comme les autres commodités et ne peuvent non plus être utilisés comme un outil de propagande par certains politiciens. « Tout le monde est concerné par les médicaments », dit-il. Il plaide ainsi pour un changement du système d’importation, l’adoption de l’importation parallèle des produits pharmaceutiques et la mise en place d’un organisme de contrôle des médicaments. « Arguer qu’il y a un risque d’avoir des produits contrefaits à travers l’importation parallèle est une excuse trop facile », soutient-il. Il ajoute que le Pharmacy Hub proposé par les autorités sera un échec, car les médicaments ne seront pas moins chers même s’ils sont fabriqués à Maurice, car il faudra de toute façon importer les matières premières.

Comme Ashwin Dookun, Siddique Khodabocus est d’avis qu’il ne faut pas politiser des choses aussi essentielles que les produits pharmaceutiques. Il se demande ainsi si l’opposition va proposer des subsides concernant les prix des médicaments.

 

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