Depuis quelques semaines, l’attitude des jeunes est pointée du doigt. Plusieurs vidéos circulaient sur WhatsApp où nous pouvons voir des élèves se battre dans les salles de classe ou encore en pleine rue, sans aucune retenue. Parents, enseignants et autorités semblent à bout de souffle…
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Il n’y a pas de fumée sans feu, affirme le dicton. Dans certaines vidéos qui ont été partagées sur le réseau social Facebook, il est clairement visible qu’une jeune fille, soutenue par d’autres jeunes, rouait de coups des officiers de la force policière qui se faisaient agresser à la place de l’Immigration, Port-Louis par plusieurs étudiants après les heures de classe, mercredi 13 février.
Les agents de l’ordre étaient-ils en patrouille ou présents par hasard ou pour d’autres raisons ? La police a initié une enquête pour déterminer la cause de cet incident. Les critiques fusent de toutes parts. Alors que des internautes déplorent l’attitude des « trois-quarts » (mineurs dans le jargon mauricien) d’autres n’hésitent pas à remettre en question l’éducation donnée par les parents. « Parents done tro ubku gaté et liberté. Li simple... » lit-on sur l’un des postes.
La majorité des critiques est dirigée contre les jeunes. Qu’est-ce qui les pousse donc à agir de la sorte? Que retiendront-ils de tout cela? Éprouvent-ils un sentiment de fierté à agir ainsi ou serait-ce l’expression d’un trop de liberté et d’un manque d’éducation ?
Suneal* (prénom modifié), témoigne sous couvert de l’anonymat. Il enseigne depuis plusieurs années dans un collège des hautes Plaines-Wilhems. Il explique que les policiers ont le droit de rappeler à l’ordre qui que ce soit. « C’est la fonction première de la mission d’un officier de police. Cependant, il faut que les jeunes adoptent un bon comportement physique ou verbal, car bien souvent ils réussissent à faire perdre aux adultes leurs patience et moyens de par leurs agissements», assure-t-il.
Et de déplorer que les bagarres à l’école deviennent monnaie courante. « Certains enseignants n’ont plus le contrôle sur les étudiants. Pire, certains élèves n’hésiteront pas à s’en prendre aux profs à la sortie de l’école », explique Suneal.
Autre constat : l’accessibilité de la violence à travers les jeux vidéo ont un impact sur les jeunes. « La violence est tellement accessible dans les jeux vidéos, à la télévision, qu’ils n’hésitent pas à reproduire ce qu’ils ont vu. Certains se déplacent en groupes, parfois avec des délinquants ou des dealers. Autant de raisons qui expliquent pourquoi ils ne craignent plus les autorités. Les parents sont en partie fautifs, car cela est dû à un manque d’attention ou d’éducation. Pris par le travail, les enfants sont délaissés, il n’y a plus l’apprentissage de la discipline comme c’était le cas auparavant », murmure l’enseignant.
Priety Ramjuttun - éducatrice et syndicaliste : «Des mesures disciplinaires préconisées dans les collèges ont été contestées par les parents»
En tant qu’éducatrice, Priety Ramjuttun affirme : «Nous avons constaté avec des collègues que la violence parmi les étudiants a pris de l’ampleur ces huit dernières années. Cela a été causée par le laxisme des parents et une emphase exagérée portée sur les droits des étudiants. Cela explique qu’on se retrouve dans une situation où les actions disciplinaires n’ont plus l’effet escompté », déplore-t-elle.
Selon les dires, il serait important que le ministère de l’Éducation et les autorités concernées revoient leurs mesures afin que les actions disciplinaires soient plus soutenues par de meilleurs contrôles. Le suivi psychologique serait bénéfique aux enfants à problèmes.
« Je dois faire ressortir qu’au niveau de la Government Secondary School Teachers’ Union(GSSTU) nous avons demandé que des disciplines masters, soient présents dans les collèges d’État. Toujours selon ses dires, la ‘Student behaviour policy’ mise en place en 2016 n’a pas été d’une grande aide. « Nous avons constaté que plusieurs collèges n’ont pu implémenter cette mesures, suite à des restrictions internes et externes mais également à cause de la résistance des parents », lâche notre interlocutrice.
Des psychologues dans les collèges
Parmi les mesures préconisées dans le passé: la présence de psychologues dans les collèges pour assurer le suivi des enfants à problème, mais également pour les encadrer davantage et canaliser leurs pulsions vers des activités positives, créatrices et valorisant le jeune. Priety Ramjuttun profite de l’occasion pour saluer le travail abattu par la Brigade pour la Protection des Mineurs.
« La force policière acccomplit un bon travail, elle est active sur le terrain. Toutefois, il est triste de constater qu’elle est souvent dépassée par les événements, les équipes sont la plupart du temps en sous-effectif. Il faudrait renforcer cette unité », conclut-elle.
Parole aux jeunes
Emmanuelle Vayavery : «Phase de rebellion»
« Je pense tout simplement que les adolescents sont dans leur phase de rébellion. Nous sommes tous passés par là à un moment de notre adolescence. Certes, tout le monde ne le vit ou ne l’a pas vécu de la même manière. En tant que future enseignante, j’estime qu’il faut encadrer nos jeunes. Je ne pense pas qu’ils soient méchants, il faut juste les écouter et comprendre pourquoi ils réagissent avec autant de violence. Ce n’est qu’après avoir identifié le problème que nous, adultes, pourrons trouver des mesures adéquates pour les recadrer. Par exemple, l’introduction de la méditation dans le programme scolaire ou d’autres activités physiques ou matières telles que le théâtre, la musique, la poésie ou le slam pourraient aider les jeunes à exploiter leurs talents, canaliser ce surplus d’énergie. C’est à nous de donner le bon exemple. Si notre société a recours à la violence pour se défendre, il n’est pas étonnant que la nouvelle génération fasse de même. Comme dit l’adage : l’exemple vient d’en haut ».
Emeline Chan : «Une école du savoir-vivre»
« Selon moi, les jeunes de nos jours sont mal instruits. L’éducation doit innover et évoluer avec le temps. Les jeunes d’aujourd’hui s’entourent de la technologie et d’autres nouvelles tendances. C’est peut-être l’une des raisons : ils ont grandi avec moins de valeurs que la génération précédente. L’école est l’endroit où l’on apprend les valeurs et le savoir-vivre. Or, il y a des failles dans le système éducatif et il connait un déclin. Les jeunes sont de moins en moins intéressés et encadrés ».
Muhtadi Boolaky : «Inculquer les valeurs humaines»
« De jour en jour, les valeurs morales disparaissent. L’attitude des jeunes devient de plus en plus déplorable. Ils n’ont plus de respect et encore moins envers les personnes âgées. C’est comme une révolution dans la société mauricienne. D’ailleurs, les enseignants peuvent le confirmer que certains élèves sont irrespectueux. Le manque de communication entre les parents et les enfants est également l’une des raisons pour laquelle cette génération est critiquée. Les parents peuvent penser que le comportement de leurs enfants à la maison se reflète dans la société, alors que c’est le contraire. Le cadre familial est encore plus important que le cadre scolaire. Les enseignants peuvent recadrer les élèves de temps à autre, mais il est du devoir des parents de remettre leur fils ou leur fille sur le droit chemin. À mon avis il serait mieux que les valeurs humaines soient inculquées aux enfants dès le primaire et pas seulement lorsqu’ils font leur entrée au secondaire ».
Ingride Aristhene, ex-enseignante : «De moins en moins de temps pour encadrer les enfants»
«Ayant travaillé comme enseignante, j’ai constaté que les parents ne sont pas totalement fautifs dans l’histoire. Toutefois, le souci demeure que les parents doivent bosser dur pour subvenir aux besoins de leurs enfants. Parfois, ils exercent deux métiers. Dans la société d’aujourd’hui, les adolescents ne se voient pas sans téléphone portable. Pour l’offrir à leurs enfants, les parents travaillent dur, de fait, ils ont moins de temps pour encadrer leur progéniture» soutient Ingrid.
« Lorsque les élèves rentrent chez eux après les heures de classe, ils sont livrés à eux-mêmes et c’est à ce niveau que cela se dégrade. Un enfant, surtout un adolescent, a besoin d’un guide, d’une personne qui a travaillé et qui sache encadrer les enfants qui ont un problème comportemental. Nous, enseignants, réalisons que souvent la situation s’aggrave sans que les parents ne s’en aperçoivent. Ils ont aussi un rôle (de contrôle) à jouer par rapport aux fréquentations de leurs enfants. Cela compte beaucoup pour leur bon développement», conclut-elle
Bientôt des « disciplinary masters » dans les écoles
La situation est jugée inquiétante concernant les actes de violence commis par les étudiants. Dheenesh Seeharry, responsable de communication au ministère de l’Éducation, est intervenu dans l’émission ‘Au Cœur de l’info’ sur les ondes de Radio Plus le jeudi 14 février 2019. Il explique que des procédures sont en cours pour introduire un « disciplinary master » dans chaque collège. De plus, indique-t-il, l’éducation morale sera introduire dans le cursus scolaire. « Cela a démarré dans le cycle primaire et cette mesure sera étendue au cycle secondaire », fait ressortir Dheenesh Seeharry.
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