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Déclaration des avoirs des gardes-chiourmes : enrichissement suspect à coup de millions de roupies

La connivence entre des gardes-chiourmes et des prisonniers est un fait établi dans le milieu carcéral.

La politique de déclaration des avoirs va prochainement s’appliquer aussi aux gardes-chiourmes. Cette mesure vise à combattre l’enrichissement suspect chez certains gardiens de prison. Un phénomène qui a pris une ampleur considérable lors de ces dix dernières années.
 
Des proies faciles pour les trafiquants de drogue. C’est en ces termes que la Commission d’enquête sur la drogue présidée par l’ancien juge Paul Lam Shang Leen avait en 2018 décrit la situation des gardes-chiourmes. Plus d’une cinquantaine d’entre eux ont défilé devant la Commission d’enquête afin d’expliquer les connexions existantes avec les trafiquants de drogue. Dans le rapport, certains surveillants ont eu droit à de véritables blâmes. Les liens incestueux entre ces derniers et les trafiquants de drogue ont été mis en avant. C’est donc après presque quatre ans que le gouvernement vient mettre en application une des recommandations de la Commission d’enquête.  

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Mais qu’en est-il exactement de la connivence établie entre les gardiens de prison et les trafiquants de drogue ? Vinod Appadoo, l’ancien commissaire des prisons, parle en connaissance de cause après de nombreuses années passées à la tête du milieu carcéral. « Que ce soit par voie anale ou buccale, j’ai vu des gardes-chiourmes faire entrer de la drogue en prison », a-t-il déclaré. Il estime, toutefois, que le combat contre le trafic de drogue ne doit pas  se limiter qu’au milieu carcéral. « Le gouvernement a pris une bonne décision concernant les avoirs pour des gardiens de prison, mais elle doit aussi s’appliquer aux douaniers », soutient-il. 

Des liens incestueux entre gardes-chiourmes et trafiquants de drogue"

À ce jour, selon des chiffres obtenus par le ministère de la Fonction publique, 13 gardes-chiourmes sont sous le coup d’une suspension. Toutefois, ils ont toujours droit à leurs salaires. Deux autres gardiens de prison ont été trouvés coupables devant une cour de justice, tandis que huit autres, actuellement sous le coup d’une suspension, ont été rappelés à leurs postes, mais sous certaines conditions. Des chiffres qui sont cependant loin de refléter la réalité. 

Jusqu’à Rs 500 000 pour faire entrer de la drogue en prison

Pour corrompre les gardiens de prison, les trafiquants de drogue ont une méthode bien rodée. C’est ce que nous confie un haut gradé du milieu carcéral.  Selon lui, ces trafiquants sont parfaitement au courant de la situation financière des surveillants. « Les trafiquants savent qu’avec la grille salariale actuelle, un garde-chiourme peut difficilement terminer le mois. C’est ainsi qu’ils leur proposent de gagner de l’argent en se mettant à leurs services », soutient-il. 

Une fois que le surveillant accepte, il se voit confier plusieurs tâches, comme faire passer de la drogue et des téléphones portables en prison. Il peut toucher jusqu’à Rs 50 000 à Rs 100 000, une somme d’argent qui peut encore grimper dépendant de la quantité de portables ou de drogue que fait entrer le gardien. D’ailleurs, en 2017, un dénommé Stéphane Justine, qui exerce comme garde-chiourme, s’était vu proposer la somme de Rs 500 000 pour véhiculer de la drogue pour Siddick Islam, condamné pour trafic de substances illicites. 

Le rapport de la Commission d’enquête avait également révélé les différents montants qui ont été crédités vers le compte de divers gardiens de prison : Rs 6 millions en 2013, 6.5 millions en 2014, Rs 5.6 millions en 2016 et Rs 250 000 en 2017.

Telles des araignées, les prisonniers tissent leur toile

Des hauts gradés à la retraite font remarquer que ce sont généralement les nouveaux gardes-chiourmes qui se laissent influencer par les prisonniers. Ces derniers emploient plusieurs ruses afin de se rapprocher d’eux. Ils sont des parfaits observateurs et ont le sens de l’écoute très aiguisé. « Les prisonniers ont bien souvent tendance à jouer sur les sentiments, les faiblesses et surtout la situation financière des gardiens. Prizonier la pou coumans coze football, madam, ek lecourse are bane gard. Petit à petit, une relation se tisse entre les deux individus. Puis, un beau jour, le prisonnier demande au gardien de transporter un colis en prison contre paiement », avancent nos intervenants. 

Téléphones portables, drogue et cigarettes

Avant l’introduction du Full Body X-ray Scanner (Ndlr : mise en opération vers mi-février dernier) ce sont les officiers de la Correctional and Emergency Response Team (CERT) qui effectuaient les fouilles. Aucun individu, gardien ou prisonnier, n’échappait aux « rub-down search » et autres « strip search ». 

Des officiers de cette équipe spécialisée expliquent que les passeurs (Ndlr : communément appelés le transport en prison) touchent entre Rs 50 000 et Rs 100 000 pour apporter des objets destinés aux prisonniers en prison, notamment des téléphones portables, chargeurs, cartes SIM, drogue et depuis quelques mois, des cigarettes. Ces derniers, pour rappel, ont été interdits dans les prisons depuis février 2019. Pour ne pas éveiller de soupçons, certains gardiens, précisent les officiers du CERT, introduisent les objets prohibés dans leurs parties intimes. Le paiement, qui se fait au comptant, se déroule en dehors du milieu carcéral par les proches des prisonniers afin de ne pas laisser de traces.

La Prisons Officiers Association (POA) : « Aucun officier ne s’enrichit avec son salaire »

Au niveau de la Prisons Officers Association (POA), on avance que la déclaration des avoirs des gardiens des prisons est obligatoire lorsque les officiers prennent leur service, au milieu du terme et une fois à la retraite. « Au sein de la POA, nous avons analysé la mise en vigueur de cette mesure. Nous ne sommes ni pour ni contre cette obligation. C’est sûr et certain qu’aucun officier ne s’enrichit avec son salaire, mais c’est une bonne direction pour l’amélioration du service », déclare Hanson Mungrah, le secrétaire de la POA.

L’administration carcérale : « Des gardiens sous-marins qui jouent bien leurs jeux »

L’administration carcérale fait comprendre qu’il y a certains gardiens qui sont de mèche avec les prisonniers. Si certains passeurs se font prendre la main dans le sac par les officiers affectés au service de renseignements, en revanche, d’autres échappent aux mailles du filet. 

L’administration carcérale confirme, par ailleurs, que ce sont les gardiens qui viennent d’intégrer le département pénitencier qui se laissent facilement influencer. Ils transportent non seulement des substances illicites, mais également des téléphones portables dernier cri. « Nous détenons des chiffres approximatifs par rapport au nombre de gardiens soupçonnés d’être de mèche avec les prisonniers. Mais n’oublions pas qu’il y a aussi des gardiens sous-marins qui jouent bien leurs jeux. Ces derniers peuvent être de simples gardiens ou encore des hauts gradés. C’est la raison pour laquelle tout gardien est suspect en prison », fait-on comprendre.

 

 

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