Interview

Danny Philippe, coordinateur de LEAD: «Il faut une politique nationale sur la drogue»

Le coordinateur de LEAD estime qu’il est grand temps que le gouvernement vienne de l’avant avec une politique nationale afin de juguler le problème de drogue dans le pays. Quels sont vos sentiments par rapport à l’arrestation des rastas qui manifestaient pour la dépénalisation du cannabis ? Des manifestations pour demander la dépénalisation du cannabis ne date pas d’hier. Cependant, ce qui s’est passé vendredi est condamnable. Les rastas sont des gens pacifiques et on ne peut user de violence à leur égard. Pourtant les vidéos qui circulent sur la Toile montrent qu’ils ont été malmenés par des policiers. La violence n’est pas la solution. Je crois que cet incident vient démontrer qu’il est grand temps que le débat sur la dépénalisation du cannabis, sa décriminalisation, voire sa légalisation, soit lancé. Il faut ouvrir le dialogue pour essayer de trouver un consensus. On ne peut continuer sur cette lancée. La criminalisation du cannabis fait que la police arrête les consommateurs et cela devient un cercle vicieux. Fumer un joint vaut-il la prison ? La répression est loin d’être la solution. Nombreux sont les travailleurs sociaux qui auparavant luttaient pour un drug-free world. Or, les choses évoluent et il faut suivre le courant. Arrêter les consommateurs ne résoudra pas le problème, mais ne fera que l’amplifier. Il y a plusieurs aspects à prendre en considération. Chez les rastas, par exemple, fumer du cannabis fait partie de leur culture. Ils ont le droit de demander la dépénalisation. Donc, je le redis, il faut un débat pour peser le pour et le contre. Il ne faut pas oublier qu’un simple joint peut gâcher la vie d’un jeune s’il est arrêté. Bien rares sont les employeurs qui recrutent un jeune ayant commis ce délit. Moi-même, je militais pour un drug-free world, mais j’ai revu ma position. [blockquote]Je suis d’avis qu’il faut un plan directeur.[/blockquote] Pensez-vous qu’il faille dépénaliser le cannabis ? Je crois qu’il le faut. Le cannabis est l’une des drogues illégales la plus utilisée à Maurice comme dans le monde. Force est de reconnaître qu’elle est moins dangereuse que les autres drogues. De plus, dans les pays où le cannabis est légal, décriminalisé ou dépénalisé, le taux de consommation a chuté, ainsi que le taux de criminalité. Cette plante est illégale à Maurice sous la Dangerous Drugs Act. Je pense qu’il est grand temps de revoir les lois. On parle d’un rajeunissement de la toxicomanie. Est-ce que la dépénalisation du cannabis pourrait mettre un frein à cette tendance ? Il se pourrait qu’effectivement la dépénalisation du cannabis aide à réduire la consommation des drogues dures. Cependant, il ne s’agit pas seulement de le légaliser. Il y a tout un programme à mettre en place pour contrer le fléau de la drogue, qui fait des ravages. Toutefois, ce sera difficile de légaliser le cannabis dans notre société encore conservatrice. D’où le fait qu’il faut se pencher sur la dépénalisation et la décriminalisation. La drogue est un cercle vicieux. Où se situe le problème réel ? Les drogues font, certes, des ravages, mais la répression, surtout à l’encontre des consommateurs, causent aussi des dégâts. Le gouvernement ne doit pas voir dans les ONG des adversaires. Il faut que tous, nous travaillions de concert pour trouver une solution. La drogue est aujourd’hui un phénomène mondial. Le combat contre la drogue continue et s’accentue, mais il faut également en comprendre la problématique. Je suis d’avis qu’il faut un plan directeur et que le gouvernement doit considérer cela comme une priorité. C’est un plan national sur la drogue qui est de mise. Le gouvernement a mis sur pied la commission sur la drogue. Est-ce suffisant pour contrer ce fléau ? Cette commission est une bonne chose. Malheureusement, c’est le mécanisme de mise en pratique qui n’est pas adéquat. Nous, les travailleurs sociaux, notre rôle est de proposer des solutions, alors qu’on nous force à dénoncer les présumés barons de la drogue. Il y a l’unité anti-drogue et d’autres entités qui doivent mener l’enquête suite à nos dépositions. J’ai expliqué devant la commission comment les gros bonnets utilisent des endroits défavorisés du pays comme plates-formes pour leur trafic de drogue. Comment ils repèrent des éléments vulnérables de la région pour les utiliser comme dealers. Il y a, certes, le côté enforcement, mais aussi le côté humain. La drogue, c’est un problème de santé. Les consommateurs de drogue représentent 80 % de la population carcérale. Tout cela est à prendre en considération. Est-ce que fermer la NATReSA était une bonne idée ? Oui et non. Il fallait voir ce qui clochait. Pourquoi l’agence ne pouvait-il fonctionner ? S’il y avait un manque d’effectif, il fallait recruter des personnes. Il semble surtout que la NATReSA n’a pas su s’adapter aux changements. L’agence est restée statique, alors que le monde de la drogue, la réhabilitation et la prévention ont connu des changements. Dorénavant, le gouvernement doit créer une agence digne de ce nom, qui pourra régler le problème de la drogue. Pour cela, il faut des consultations avec les différents partenaires avant toute prise de décision. Les drogues de synthèse font des ravages. De janvier 2014 à juin 2015, 21 personnes sont mortes d’une overdose. Ne faut-il pas sensibiliser à ce propos ? Comme je le disais, il faut s’unir face à ce problème. Les enfants se retrouvent souvent en situation de vulnérabilité, parce que les parents eux-mêmes, débordés par le travail, n’arrivent pas à leur donner les explications adéquates. Notre travail de prévention vise particulièrement les jeunes. La prévention est la première des choses.
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