La cryptomonnaie est en train de révolutionner le secteur financier et remet en cause le rôle des banques classiques. Quels sont ses avantages et inconvénients et quid de la réglementation existante ? Que risque une personne qui utilise la cryptomonnaie à des fins d’arnaque ou de fraude ? Comment les victimes de ces actes peuvent-elles chercher réparation ? Me Robin Pothiah apporte des éclaircissements sur ce thème.
Qu’est-ce que la cryptomonnaie ?
La cryptomonnaie est une forme de monnaie numérique virtuelle échangée en ligne en mode pair-à-pair (peer to peer). Elle fonctionne en dehors des réseaux bancaires traditionnels et repose sur un système de cryptage. Son fonctionnement ne nécessite pas l'intervention d'une banque ou d'une institution financière pour valider les transactions, ce qui la rend utilisable pour des achats et des investissements. Plusieurs variantes de cryptomonnaies existent, telles que le Litecoin, l'Ethereum et le Ripple, le Bitcoin étant la plus reconnu et répandu.
Que peut-on acheter avec des cryptomonnaies ?
Les détenteurs de cryptomonnaies ont la possibilité d'investir et d'acquérir une gamme de produits et de services en constante expansion. Des achats allant des articles électroniques aux montres de luxe, voire même des voitures, sont désormais envisageables. Bien que des entreprises telles que Rakuten, Home Depot et Microsoft acceptent le Bitcoin, son utilisation pour des transactions de grande envergure demeure limitée.
La monnaie virtuelle est-elle sûre ?
Il n'existe pas d'investissement garanti ou sans risque dans les actifs virtuels. Les cryptomonnaies entrent dans la catégorie des placements alternatifs que nombre d'escrocs n'hésitent pas à promouvoir en les présentant comme sûrs alors qu'ils sont très risqués et n'apportent aucune garantie sur le capital investi.
La cryptomonnaie n'est basée sur aucune activité réelle et elle est extrêmement volatile. Le prix peut varier à la hausse comme à la baisse en très peu de temps et de manière imprévisible. Vous pouvez donc perdre beaucoup d'argent. La cybersécurité est une préoccupation majeure pour les détenteurs de cryptomonnaies. D’ailleurs, en 2021, la Chine a rendu illégal pour ses citoyens d’exploiter ou de détenir toute forme de cryptomonnaie. Si les autres pays suivaient cette logique, les détenteurs de cryptomonnaies pourraient se trouver en difficulté.
Comment fonctionne-t-elle ?
La possession de cryptomonnaies se passe entièrement en ligne. Contrairement à l'argent physique comme la livre sterling, le dollar ou l'euro, les cryptomonnaies n'ont pas de forme matérielle. Lorsque vous transférez des fonds en cryptomonnaies, cette action est enregistrée dans un registre public appelé blockchain. Ainsi, les cryptomonnaies sont stockées dans des registres numériques qui sont régulièrement mis à jour et ce sont les détenteurs de ces monnaies virtuelles qui les possèdent. On peut simplement observer que, à une certaine heure et date, une adresse de portefeuille spécifique a transféré une certaine quantité de cryptomonnaies vers un autre portefeuille, tout en maintenant l'anonymat du destinataire.
Parlez-nous des fraudes et arnaques aux cryptomonnaies ?
Les arnaqueurs n’hésitent pas à promouvoir la cryptomonnaie au même titre que le marché des devises, en la présentant comme rentable ou garantie. Ces promesses de gains rapides et sûrs incitent les personnes à investir.
Ils peuvent vous envoyer un email dans lequel vous êtes informé que votre compte a été piraté, avec une invitation à cliquer sur un lien (phishing) ou lancer une grande campagne de marketing pour vous attirer avant de disparaître sans laisser de traces.
Un exemple marquant est celui de Gerald Cotten, le fondateur de QuadrigaCX, la plus grande plateforme d'échange de cryptomonnaies au Canada à l'époque. Il avait une dette envers ses clients de 190 millions de dollars américains. Sa veuve a affirmé en justice qu'elle avait bien l'ordinateur portable de Gerald Cotten, mais qu'il était verrouillé par cryptage et qu'elle n'avait jamais obtenu le mot de passe ou la clé de récupération. Gerald Cotten était le seul à contrôler le système de stockage à froid de QuadrigaCX. De multiples éléments suggèrent qu'il avait prévu une fraude et qu'il agissait en tant qu'escroc.
Un cas supplémentaire concerne le Youtubeur nommé Crypto Gouv, accusé d'avoir escroqué environ 300 individus et dérobé 4 millions d'euros en offrant des opportunités d'investissement en cryptomonnaies. Près de quarante plaintes ont été enregistrées, et le parquet de Paris a lancé une enquête. La véritable identité de cet individu reste totalement inconnue.
À Maurice, Arnaud Lagesse, le Directeur général du groupe Ireland Blyth Ltd (IBL), a dénoncé une campagne de promotion de cryptomonnaies qui impliquait une fausse entrevue à son nom. Des pages Facebook ont été créées pour donner l'impression qu'il vantait les avantages des cryptomonnaies.
Comment prévenir de tels risques ?
Il est essentiel pour les épargnants de rester vigilants face à des interlocuteurs qui adoptent une attitude chaleureuse par téléphone. Il est recommandé de ne pas réagir aux sollicitations par courriel ou appel téléphonique. Avant de s'engager dans l'achat ou l'investissement d'un produit, il est primordial d'obtenir toutes les informations nécessaires.
Limitez vos investissements aux montants que vous êtes prêt(e) à perdre. Si quelqu'un vous demande de fournir des informations personnelles ou bancaires ou s'il requiert un accès à votre ordinateur, méfiez-vous.
Quels sont les recours d’une victime ?
Si vous avez le moindre doute sur l'identité de votre interlocuteur, il est recommandé de cesser immédiatement toute communication avec lui. Les victimes peuvent porter plainte auprès de la police ou à la Cyber Crime Unit.
Pour faire avancer l’enquête, il est crucial de fournir tous les détails relatifs aux transactions, y compris les échanges avec votre interlocuteur, le montant impliqué et la méthode de paiement utilisée. Ces informations revêtent une importance capitale en tant que preuves pour soutenir l'enquête policière.
Les lois mauriciennes sont-elles à la hauteur pour combattre le fléau des arnaques à la cryptomonnaie ?
Moody's, une société américaine spécialisée dans l'analyse financière et la gestion des risques pour les entreprises, a souligné que dans le contexte actuel, établir des règles pour le secteur des cryptomonnaies s'est avéré complexe en raison de la nouveauté de ce type d'actif, rendant son intégration dans le cadre financier traditionnel difficile.
La Virtual Asset and Initial Token Offering Services Act (VAITOS) est entrée en vigueur le 7 février 2022 pour permettre à la Financial Services Commission (FSC) de réglementer les fournisseurs de services d'actifs virtuels. Selon la loi, seules les entreprises souhaitant opérer dans le domaine des actifs virtuels sont autorisées à solliciter une licence auprès de la FSC. Il est formellement interdit à toute personne d'offrir des services liés aux cryptomonnaies ou à d'autres actifs virtuels sans posséder la licence appropriée.
Toute entreprise titulaire d'une licence émise sous la VAITOS doit se conformer aux exigences des lois et réglementations anti-blanchiment d'argent et le financement du terrorisme à Maurice (FIAMLA). Ainsi, l'entreprise est obligée d'établir des systèmes et des contrôles appropriés pour garantir la légitimité des fonds. Elle doit également se conformer à la loi de 2019 des Nations Unies sur les sanctions financières, l'embargo sur les armes et l'interdiction de voyager (Financial Prohibitions, Arms Embargo and Travel Ban Sanctions Act 2019) qui permet au gouvernement de mettre en pratique des sanctions ciblées et d'autres mesures prescrites par le Conseil de sécurité des Nations Unies.
Cependant, il est important de noter qu'il n'existe pas de dispositions spécifiques ou de lois en vigueur à Maurice qui prévoient une indemnisation en cas de pertes subies par les investisseurs ou les consommateurs suite aux services proposés par les entreprises détenant une licence émise par la FSC conformément à la VAITOS.
Qu’encourt la personne qui utilise la cryptomonnaie à des fins d’arnaque ou de fraude ?
Toute personne utilisant la cryptomonnaie pour perpétrer une arnaque ou une fraude sera poursuivie en justice. Tout contrevenant à la VAITOS est passible d'une amende n'excédant pas Rs 5 millions et d'une peine d'emprisonnement ne dépassant pas dix ans.
Quelles sont les lacunes dans notre législation ?
La loi n’a pas encore été testée dans ce domaine. La VAITOS apporte, cependant, une clarté réglementaire très attendue et favorise l’innovation, conformément à la Recommandation 15 de la Financial Action Task Force. Elle aborde plusieurs aspects fondamentaux tels que les exigences techniques, les structures de gouvernance, la gestion des risques et la divulgation. Cette loi crée un environnement virtuel pour les actifs et assure la gestion des risques liés au blanchiment d'argent et au financement du terrorisme. C'est une des actions pour faire de Maurice un centre important de la technologie financière en Afrique.
Vos solutions pour lutter contre ce fléau…
À Maurice, de nombreux étrangers gèrent leurs portefeuilles de cryptomonnaies depuis le pays, ce qui accroît le risque de blanchiment d'argent. Pour atténuer cette problématique, il est conseillé de réaliser des transactions qu'avec des prestataires de services d'actifs virtuels dûment licenciés par la FSC. Vous pouvez consulter le registre des détenteurs de licence sur le site web de la FSC pour identifier les entreprises légalement autorisées et enregistrées conformément à la VAITOS.
Il est crucial de bien comprendre l'investissement, en évaluant les risques de perte financière. Cependant, il est primordial de se méfier des plateformes et applications de portefeuille électronique frauduleuses. De plus, il est fortement déconseillé de partager vos informations bancaires ou personnelles sur ces plateformes. Une grande vigilance est également de mise lors de l'utilisation de cryptomonnaies.
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