Pile ou face, les habitants de Port-Louis endurent des coupures drastiques dans la fourniture d’eau. En période de sècheresse, l’approvisionnement en eau à la station de traitement de Pailles est réduit considérablement. Dès qu’il y a de grosses averses, l’eau boueuse réduit sa capacité de traitement. La solution durable se fait toujours attendre.
« Kan la sesress ena problem delo, kan ena lapli ousi gaygn problem delo. Nepli compran ! » ne cessent de répéter des habitants de Port-Louis qui doivent faire face chaque année à des interruptions dans la fourniture d’eau. Sans compter, bien sûr, des coupures quotidiennes que subissent les habitants de certains endroits de la capitale. Or, à la Central Water Authority (CWA), on soutient que les 51 314 abonnés de Port-Louis seraient parmi les mieux lotis en termes d’approvisionnement en eau. Néanmoins, de par les infrastructures et le système de distribution existante, les opérations de la CWA demeurent vulnérables en raison de ces trois éléments :
La période sèche. Durant cette période, la CWA est souvent contrainte d’appliquer des mesures drastiques. Conséquence : les heures de distribution se retrouvent réduites, soit pendant trois heures seulement par jour. C’est le cas actuellement pour quelques habitants de Terminus et de Caroline Road à Vallée-des-Prêtres qui ne reçoivent l’eau qu’entre 18 et 21 heures, six heures par jour (de 3 à 9 heures) pour des habitants de Pailles, Camp-Chapelon et Anse Courtois ou encore 10 heures par jour (de 4 à 9 heures et de 16 à 21 heures) à Montebello/Soreze, entre autres.
Une situation caractérisée, selon Chandrassen Matadeen, Chief Operations Officer à la CWA, par une baisse dans la pluviométrie. Ce qui impacte, dit-il, sur le niveau des réservoirs de surface et les rivières. D’ailleurs, plus de 65%, soit 80 000 m3 des 120 000 m3 de l’eau distribuée à Port-Louis proviennent de la station de traitement de Pailles. Celle-ci puise son eau de la Grande-Rivière Nord-Ouest (GRNO) qui est constituée principalement de deux rivières : Rivière Terre-Rouge et Rivière Cascade.
D’ailleurs, souligne Chandrassen Matadeen, pas plus tard que le mois dernier, le niveau de la GRNO avait baissé de moins de 80 centimètres. Si, dans le passé, cette baisse constituait un véritable casse-tête pour la CWA, ce ne serait plus le cas, à en croire le COO. « Le Bagatelle Dam est construit sur la rivière Terre-Rouge. De ce fait, lorsque le niveau de la GRNO baisse, nous ouvrons les vannes du barrage afin de rehausser le niveau pour pouvoir maintenir la production à la station de Pailles. »
Les heures de distribution se retrouvent réduites, soit pendant trois heures seulement par jour.
Grosses averses. Lors des pluies diluviennes, surtout lors du passage de cyclones, les habitants de Port-Louis sont nombreux à souffrir de coupures dans la fourniture d’eau, nécessitant parfois une distribution par des camions-citernes. Ce qui suscite l’incompréhension chez certains citadins qui demandent pourquoi il y a des coupures alors qu’il pleut abondamment.
Au niveau de la CWA, on soutient que c’est principalement dû à l’eau boueuse et les débris transportés par la GRNO. « Nous préférons, dans certains cas extrêmes, stopper la production pour une ou deux heures, car même si le Rapid Gravity Filter de la station de traitement de Pailles a la capacité de traiter cette eau boueuse, cela prendra du temps à la CWA pour nettoyer les bassins par la suite, ce qui pénalisera davantage les consommateurs. Cela nous permet aussi de maintenir un stockage de 25 000 m3 », souligne notre interlocuteur.
Pour y remédier, le Chief Operations Officer indique que la CWA a déjà posé des tuyaux reliant la station de traitement de Bagatelle au bassin de stockage de 25 000m3 se trouvant à Pailles. « Le barrage de Bagatelle est moins affecté lors de grosses averses, car il s’agit d’un réservoir. Ce sera moins compliqué de traiter cette eau que celle dévalant la GRNO. Du coup, l’eau boueuse ne sera plus un problème », dit-il. Toutefois, si le barrage de Bagatelle est prêt, la station de traitement est loin d’être complétée. Les citadins devront ainsi patienter jusqu’à mai 2019 pour que cette station de traitement, au coût de Rs 1 milliard, soit opérationnelle.
Contamination. Des habitants de la capitale ont été pris de panique le lundi 29 octobre lorsqu’ils ont appris que des eaux usées avaient été déversées dans la Rivière-Sèche qui alimente aussi la GRNO. La veille, soit dans la nuit du samedi 27 au dimanche 28, un tuyau de tout-à-l’égout à la Place Margéot à Rose-Hill avait été endommagé en raison des travaux dans le cadre du projet Metro Express. La CWA avait alors décidé d’interrompre l’arrivée d’eau à la station de traitement de Pailles à deux reprises, comme en atteste un communiqué de l’autorité le mardi 30 octobre.
Cet incident n’a pas manqué de susciter des interrogations quant à la garantie de la CWA de fournir une eau de bonne qualité. Pour Chandrassen Matadeen, le risque de contamination d’eau est bien réel. Comment savoir si une personne a intentionnellement ou malencontreusement déversé des produits toxiques dans la rivière ? À cette question, le COO de la CWA explique que les premiers signes d’un tel incident se révèleront d’abord parmi les espèces aquatiques : plantes mortes, poissons qui flottent à la surface, voire une coloration de l’eau. Ce sont ces symptômes, dit-il, qui leur donneront une indication quant à une éventuelle contamination de l’eau. « Nous avons eu une indication similaire à la Rivière Baptiste à St-Pierre. L’eau était devenue blanche. Lorsque nous avons été alertés, une enquête a permis de savoir qu’il s’agissait en fait de chaux qui avait été déversée », fait ressortir notre interlocuteur.
Le COO se veut toutefois rassurant. Il indique qu’il y a des protocoles en place pour faire face à ce type de situation. De plus, des échantillons d’eau sont prélevés et analysés, tant par la CWA que par le ministère de la Santé à quelque 250 points, 125 pour de l’eau brute et 125 pour de l’eau déjà traitée. Le recours aux services des laboratoires du privé est aussi sollicité. Comme dans le cas de l’eau usée où Quantilab a aussi été sollicité pour procéder à des analyses.
Water Resources Monitoring Committee
Lorsque les pluies se font rares, cela a un impact direct sur le niveau d’eau des nappes souterraines qui connaissent une baisse. Une baisse que connaissent également les réservoirs de surface et les rivières. Lors de telles situations, un Water Resources Monitoring Committee, présidé par un cadre du ministère des Utilités publiques, est mis sur place, lequel est composé de représentants de la station météo de Vacoas, de la Water Resources Unit, de l’Irrigation Authority et de la Central Water Authority. Une série de paramètres est ainsi considérée par l’autorité avant d’appliquer, ou pas, un régime de coupure, notamment l’arrivée des pluies, le volume d’eau disponible, le volume extrait quotidiennement, entre autres.
Sources d’eau
Quelque 120 000 m3 sont nécessaires quotidiennement pour alimenter les 51 314 abonnés de Port-Louis. Il y a quatre sources principales d’eau :
Pailles WTP | 80 000 m3 |
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La Nicolière WTP | 15 000 m3 |
Pierrefonds Tunnel | 22 000 m3 |
Beau-Bois Spring | 3 200 m3 |
Eaux usées
Un laboratoire privé pour des résultats indépendants
Il y a eu des prises d’échantillon d’eau à intervalle de 30 minutes lorsque des eaux usées avaient été déversées dans la GRNO, la rivière qui alimente la station de traitement de Pailles. C’est ce qu’indique Chandrassen Matadeen de la Central Water Authority. « Des analyses chimique, microbiologique et de turbidité, entre autres, ont été effectuées sur ces échantillons par lses officiers du laboratoire de la CWA et ceux du ministère de la Santé. Nous avions aussi sollicité les services d’un laboratoire privé, en l’occurrence Quantilab, pour des résultats totalement indépendants. En somme, les résultats sont venus confirmer que tous les paramètres étaient respectés et que la qualité de l’eau répondait aux recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé », affirme-t-il.
Heures de distribution
24 heures 61%
12 à 15 heures 22%
8 heures 17%
Des projets de Rs 650 M à Port-Louis
La Central Water Authority a entrepris trois projets majeurs à Port-Louis. Deux des projets comprennent le remplacement de vieux tuyaux. Le premier a débuté en juillet dernier et viendra remplacer 10 kilomètres de tuyaux à Plaine-Verte/Cité Martial (Phase 1). Au coût de Rs 133 millions, il est prévu que le nouveau réseau soit mis en opération en décembre 2019. Le deuxième projet consiste à remplacer 9 kilomètres de tuyaux dans la région de Roche-Bois/Abercrombie. Les travaux ont démarré en août dernier et devront prendre fin en janvier 2020. Coût du projet : Rs 136 millions. Enfin, la CWA procède actuellement à une remise à jour de sa station de pompage de Plaine-Lauzun. Les travaux pour la construction de la nouvelle station a démarré au mois d’avril pour se terminer en février 2019. Le coût du projet est estimé à Rs 80 millions.
En plus, deux autres projets importants, au coût de Rs 300 millions, sont actuellement en préparation. Là encore, il s’agit de projets pour le remplacement de tuyaux. Le premier, au coût de Rs 200 millions, viendra remplacer 15 kilomètres de tuyaux dans le centre-ville. Neuf kilomètres de tuyaux seront aussi remplacés dans les régions de Cite Borstal, GRNO, Pailles, Coromandel, pour un montant estimé à Rs 100 millions (City Centre). Le début des travaux est prévu pour mars et avril 2019 respectivement.
Slow Sand Filter vs Rapid Gravity Filter
La station de traitement de Pailles est dotée de deux types de filtres : le Slow Sand Filter et le Rapid Gravity Filter, lequel est en opération depuis octobre 2015. « Avec les 12 bassins du Slow Sand Filter que nous avions, avec une capacité de traitement de 30 NTU (ndlR. unité de mesure des matières en suspension dans l’eau), à la moindre grosse averse, nous devions cesser la production. Mais avec le nouveau procédé, nous pouvons maintenir nos opérations normale jusqu’à 400 NTU. Une situation dont nous faisons face que très rarement », souligne le COO de la Central Water Authority.
Projets pour augmenter la production
Actuellement, 61% des Portlouisiens sont alimentés en eau sur une base 24/7, 22% reçoivent l’eau entre 12 et 15 heures par jour, alors que les 17% restants bénéficient d’un peu plus de 8 heures d’approvisionnement par jour. La CWA travaille néanmoins sur plusieurs projets afin que la capitale puisse, dans sa totalité, être alimentée en eau 24/7.
Station de pompage. Actuellement, la CWA s’attelle à l’amélioration de la station de pompage de Plaine-Lauzun, utilisée pour alimenter les réservoirs de service de Priest Peak et de Upper Monneron.
18 000 m3 d’eau étaient acheminés quotidiennement. Avec les nouvelles pompes installées, c’est 6 000 m3 d’eau additionnels qui sont injectés. « Une fois les travaux complétés, nous passerons de 24 000 m3 à 30 000 m3 par jour. Ce qui permettra d’augmenter les heures de distribution dans les régions desservies par ces deux services-réservoirs de 18 à 24 heures par jour contre 10 à 12 heures actuellement », indique notre interlocuteur.
Anse-Courtois. Le réservoir d’Anse-Courtois, est situé en hauteur et est actuellement desservi à travers une pompe depuis la station de traitement de Pailles. Des travaux sont prévus pour connecter le réservoir directement à la station de traitement de Bagatelle une fois celle-ci opérationnelle, soit à partir de mai 2019. Les heures de distribution passeront alors de 12 à 24 heures par jour.
La Nicolière. Outre l’eau provenant de la station de traitement de Pailles, celle de La Nicolière est aussi utilisée pour alimenter deux réservoirs de service se trouvant dans la capitale, notamment celui de Priest Peak et de La Cure. « C’est parce que ces deux réservoirs sont situés à une altitude supérieure à celle de la station de Pailles », fait ressortir Chandrassen Matadeen. Ainsi, 15 000 m3 sont puisés quotidiennement de La Nicolière afin d’approvisionner ces deux réservoirs de service qui alimentent les régions comme la NHDC de Résidence La Cure, Roche-Bois, une partie de Plaine-Verte, Ste-Croix, Vallée-des-Prêtres, etc. À cet effet, notre interlocuteur indique que la CWA projette d’augmenter la capacité de traitement journalier de La Nicolière, passant de 66 000 m3 à 100 000m3. Une autre mesure qui permettra d’augmenter le nombre d’heures de distribution dans les régions mentionnées ci-dessus.
Beau-Bois Spring. Pour les habitants de Upper Vallée-des-Prêtres, le COO concède que ce sera plus compliqué. En effet, le réservoir de service de Vallée-des-Prêtres est alimenté par le Beau-Bois Spring, soit une source d’eau qui a ses limites. Bien que la CWA dise disposer d'options pour injecter plus d’eau au réservoir de service de Vallée-des-Prêtres, celles-ci ne sont cependant pas envisagées dans un proche avenir par l’autorité.
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