Cela fait 60 ans que Marie-Antoinette Fronté est mariée civilement, selon le registre de l’état civil.
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Sauf que l’habitante de Cité EDC, Caroline, ne s’est jamais mariée. Aujourd’hui, âgée de 79 ans, cette mère célibataire de six enfants dit qu’elle a été victime d’une malencontreuse confusion. Elle se bat depuis trois ans pour apporter les corrections nécessaires.
C’est une histoire pas comme les autres. Une erreur de sa sœur, qui ne sait ni lire ni écrire, a fait basculer toute son existence. À son insu, sa sœur cadette a pris son extrait de naissance pour se marier civilement. Tel est le cas de Marie-Antoinette Fronté que Le Défi-Quotidien a rencontrée à Cité EDC, Caroline, tout près du village de Bel-Air-Rivière-Sèche.
On y a rencontré la septuagénaire, alitée dans une bicoque faite de tôle et de bois. Elle vit avec sa sœur aînée qui souffre de troubles de la mémoire. Cette dernière est assise sur un autre lit. « Ma belle-mère, Marie-Antoinette, est invalide. Cela fait plus d’une vingtaine d’années qu’elle ne peut plus marcher. Elle a d’abord perdu l’usage d’une jambe à la suite d’une plaie transformée en une véritable infection au genou. Elle a ensuite perdu l’usage de l’autre jambe », raconte Marie-Lourdes Fronté, la belle-fille. Cette femme au foyer agit comme aide-soignante de Marie-Antoinette et de sa sœur.
Lorsque nous nous approchons de Marie-Antoinette, elle nous accueille avec le sourire. Elle nous semble lasse. Toutefois, elle dit se souvenir de son enfance. Elle affirme avoir été victime d’une confusion d’identité. « La faute vient de mon analphabétisme et de celui de ma sœur cadette », nous affirme-t-elle.
« Je suis issue d’une fratrie de quatre enfants. J’étais la benjamine. Je n’avais que 19 ans lorsque je me suis installée avec quelqu’un. Ma sœur cadette, elle, s’était déjà séparée de son compagnon et était retournée chez nos parents. Trois ans après, mon compagnon m’a abandonnée avec un fils sur les bras pour aller se marier civilement avec une autre femme. Par la suite, je suis moi aussi retournée vivre chez mes parents », ajoute-t-elle.
Par erreur ou intentionnellement
« Ma sœur cadette a ensuite décidé de refaire sa vie. Elle a quitté le toit familial pour aller vivre chez son amoureux. Un jour, en notre absence, elle était venue récupérer son extrait de naissance. Cependant, du fait qu’elle ne savait pas lire, elle a pris le mien par mégarde.
Elle a utilisé ce document pour se marier civilement, de façon discrète. Je ne saurais dire si elle a pris mon acte de naissance par erreur ou intentionnellement. Car nous sommes analphabètes », souligne la septuagénaire. Ce n’est que deux ans plus tard que la sœur cadette de Marie-Antoinette a informé ses parents qu’elle s’était mariée civilement avec celui qui partageait sa vie.
Quant à Marie-Antoinette, la vie ne lui a pas fait de cadeau. Bien que son ex-compagnon ait épousé une autre femme, il avait conservé ses liens avec la septuagénaire. « Lors de nos relations, il m’a donné encore quatre enfants. Tous mes cinq enfants ont été déclarés à mon nom », précise-t-elle.
Marie-Antoinette se souvient toujours du jour où elle a cherché son acte de naissance pour déclarer son deuxième enfant. « Mes parents et moi avons fouillé partout. Mais en vain. Pensant que le document s’était égaré, j’ai retiré un autre par la suite », dit-elle. Cette dernière était loin de se douter que son acte de naissance se trouvait chez sa sœur cadette.
L’erreur a été découverte en l’an 2014. « J’ai accompagné ma belle-mère, en chaise roulante, au centre de conversion de Flacq pour retirer sa nouvelle carte d’identité. Le ciel nous est tombé sur la tête lorsqu’un fonctionnaire nous a informées que, selon le registre de l’état civil, ma belle-mère est mariée civilement », relate Marie-Lourdes. « Nous avons compris ce qui s’était passé lorsque le préposé nous a donné d’autres détails de cette entrée au registre des mariages », poursuit-elle.
Selon la belle-fille de Marie-Antoinette, elle a depuis entamé des procédures pour effectuer un rectificatif sur le registre concernant les données d’état civil de sa belle-mère afin de certifier qu’elle est une mère célibataire. « Nous avons fait plusieurs va-et-vient entre le tribunal et le poste de police. La sœur cadette de ma belle-mère a même été convoquée par les policiers pour s’expliquer. Mais, à ce jour, on n’a eu aucune réponse », se plaint Marie-Lourdes. Cela fait bientôt trois ans depuis que Marie-Antoinette se bat pour récupérer son identité.
Sans identité, pas de pension d’invalidité
Aujourd’hui, la vie de Marie-Antoinette Fronté est devenue un véritable calvaire. Elle risque de tout perdre, même son identité. « L’ancienne carte d’identité que je présentais en allant toucher ma pension d’invalidité n’est plus valable. Je suis, maintenant, une personne sans identité. J’invite les autorités à entendre ce cri du cœur.
Je veux récupérer ma vraie identité pour que je puisse, un jour, mourir en paix, avec mon identité réelle. Que quelqu’un m’aide à la récupérer », lance Marie-Antoinette Fronté, les larmes aux yeux. Car elle n’a que sa pension pour subvenir à ses besoins quotidiens. Elle est alitée et doit utiliser deux à trois couches par jour.
La retraitée se retrouve dans une situation très difficile sur les plans financier et psychologique. « Les procédures tardent. À partir de ce mois, je ne pourrais plus toucher ma pension », confie tristement Marie-Antoinette Fronté.
Le Défi Quotidien a essayé de contacter la sœur cadette de la septuagénaire. Mais, en vain.
La rectification des données est possible
Sollicité pour une explication, un fonctionnaire du bureau de l’état civil a fait la déclaration suivante. « La rectification des données d’état civil d’une personne est possible. La personne doit, d’abord, s’adresser à la cour du district pour faire une demande de rectification de ses données.
Et la police, elle, sera appelée à collaborer pour enregistrer la version de la personne dont les données ont été altérées. Cette étape franchie, il y a d’autres procédures à suivre. Celles-ci prennent du temps car il faut vérifier et contre-vérifier les données avant d’arriver à une décision », a précisé le fonctionnaire.
« Si la personne touche une pension, elle doit réclamer une lettre du tribunal où elle avait fait sa demande au début. Elle pourra par la suite toucher sa pension jusqu’à nouvel ordre », a-t-il conclu.
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