Ce mercredi 3 juillet, le Dr David Delmonico abordera la question de la dépendance au sexe lors de la conférence internationale « Bringing hope to those struggling with drugs, sex and gambling addictions ». Celle-ci est organisée par Beacon of Hope, du père Jocelyn Grégoire, en collaboration avec Le Défi Media Group. L’événement, qui a lieu à l’hôtel Intercontinental, Balaclava, prend fin ce mercredi.
Après le Dr James K. Matta qui a traité de l’addiction aux substances et Jody Bechtold qui a abordé le jeu pathologique et ses conséquences, place au Dr David Delmonico. Il travaille depuis 25 ans avec les personnes luttant contre leur comportement sexuel et leur usage problématique de la pornographie sur Internet.
Il mettra à nu l’addiction sexuelle pour une meilleure compréhension du terme. Il évoquera les conséquences qu’engendre ce type d’addiction sur l’individu, la culture et la société en général. L’objectif, dit-il, est de sensibiliser les professionnels qui participent à cette conférence à la manière dont évoluent les personnes qui ont une dépendance sexuelle ou qui pourraient la développer. Cette plateforme permettra aussi, selon lui, un échange d’idées sur les traitements.
Partenariat intersectoriel
Le mardi 2 juillet 2019, l’intervention de la conseillère internationale Jody Bechtold sur l’addiction au jeu a été très acclamée par les 200 professionnels des États-Unis et de Maurice. D’ailleurs, l’ambition de cette conférence de grande envergure qui aura duré trois jours était de servir de plateforme d’échange d’idées pour contrecarrer le phénomène des addictions liées à l’alcool, au jeu, au sexe et à la drogue.
Axée sur l’importance du Responsible Gambling, la présentation de Jody Bechtold a été une mine d’informations sur ce qui se fait aux États-Unis pour responsabiliser les individus sur le jeu sous toutes ses formes. Face à cette problématique de jeu pathologique, il est primordial d’éduquer les joueurs à être responsables. L’assistante sociale clinique agréée accompagne depuis quinze ans des joueurs pathologiques. Selon elle, le Cross Industry Partnership est plus que nécessaire pour prévenir l’addiction au jeu.
Ce qui pourrait marcher, selon elle, c’est un partenariat intersectoriel avec des législateurs, des opérateurs de jeux divers, de casinos et les autres parties prenantes pour promouvoir le Responsible Gambling. « Il est important de porter attention aux signes avant-coureurs de l’addiction au jeu. Ce partenariat permettra d’éviter que de nombreuses personnes développent une telle dépendance. »
Jody Bechtold a aussi évoqué la psychologie derrière la conception des jeux qui poussent les gens à miser leur argent. Selon elle, les entreprises de jeu doivent s’impliquer davantage en faveur du Responsible Gambling pour contribuer à limiter les conséquences des addictions.
Il est essentiel de faire la promotion du Responsible Gambling et d’encourager les joueurs à s’imposer des limites en termes d’argent à dépenser, de temps à consacrer. « Si on les éduque et on leur offre une ligne d’écoute ou quelqu’un à qui parler, ils pourront jouer de façon responsable ou décider de ne plus y toucher. »
Gambling Regulatory Authority - Reina Veerabadren : «Une ligne d’écoute est déjà disponible»
Qu’est-ce qui est fait à Maurice en matière de Responsible Gambling ? La Public Relations et Responsible Gambling Officer de la Gambling Regulatory Authority, Reina Veerabadren, indique que depuis l’année dernière, une ligne d’écoute est disponible pour les victimes d’addictions liées au jeu.
Opérationnel de midi à minuit, ce service est disponible sept jours sur sept, dit-elle. « Le Cross Industry Partnership évoqué par Jody Bechtold revêt toute son importance. On travaille déjà à faire du Responsible Gambling une réalité à Maurice. Plusieurs mesures ont été adoptées et d’autres sont en cours d’introduction. Il y a eu aussi la formation du personnel répondant aux appels de la ligne d’écoute. »
Combat contre les addictions : Une nouvelle approche plébiscitée
Cadress Rungen, Livio Bien-Aimé, Edley Jaymangul et Sam Lauthan sont d’avis que certains slogans tels quels sont obsolètes et pas convaincants. Ils préconisent une nouvelle approche pour mieux combattre les addictions.
Infirmier à la prison, Cadress Rungen est engagé depuis une trentaine d’années à Lakaz A de même que dans la lutte contre la consommation de drogues. Il propose la mise sur pied de programmes de réhabilitation plus solides. Il se prononce aussi en faveur de programmes de prévention dans les familles, dans les écoles et au sein de la communauté. Pour lui, la prévention est l’arme absolue contre la drogue. « Ce qu’il nous faut, ce sont des programmes sur l’estime de soi et un projet qui touche les écoles, la communauté et la famille », préconise-t-il.
L’amour comme arme…
Il a aussi plaidé pour l’encadrement des toxicomanes. « L’addiction à la drogue est un problème complexe qui ne pourra pas être résolu uniquement en envoyant les consommateurs en prison », fait-il ressortir. Outre le traitement et la réhabilitation, la prévention doit être accentuée.
Livio Bien-Aimé du Centre d’accueil de Terre-Rouge est d’avis que l’arme absolue contre le fléau de la drogue est l’amour. La société doit changer son regard sur les usagers de drogue, car la stigmatisation tue autant que la consommation de drogue. Il plaide en faveur de la dignité humaine, car chaque consommateur a une souffrance.
Pour Edley Jaymangul, directeur du Centre de solidarité, l’encadrement médical seul ne peut venir à bout de la dépendance. « Il faut aussi mettre l’accent sur la réhabilitation, le traitement et la reconstruction de la vie de l’usager. » Il considère qu’il est essentiel de tenir compte du fait que l’usager est un être humain. Ce qui l’aidera à prendre sa vie en main, à se reconstruire et à se réinsérer dans la société. Selon lui, la marginalisation des patients freine le travail de réhabilitation. « Il faut leur redonner leur dignité. C’est cet amour qui peut les aider à s’en sortir. »
Sam Lauthan, ancien ministre de la Sécurité sociale et ancien membre de la commission d’enquête sur la drogue, raconte que « l’université de la rue » lui a enseigné que certains messages ne touchent plus les jeunes. « Ils ont du mal à accepter les messages qui disent que la consommation de la drogue est néfaste pour la santé. Ils ne retiennent que le plaisir qu’ils ont éprouvé à la première consommation et ils n’accepteront pas qu’on leur dise que la drogue tue », explique-t-il. Pour lui, cette approche ne marche pas.
Il a exprimé sa désapprobation concernant les traitements de substitution par la méthadone ou par d’autres produits. Pour lui, la consommation de drogue doit diminuer progressivement à travers des médicaments sur une période déterminée. C’est ce qui permettra d’éviter les chutes et rechutes, dit-il. Il est d’avis qu’il faut aussi travailler sur les raisons de la dépendance.
Kunal Naik, chargé de plaidoyer chez Pils : «L’addiction n’est pas une maladie mentale»
« L’addiction ne devrait pas être considérée comme une maladie mentale. C’est un trouble complexe de l’être humain. » C’est ce qu’a fait ressortir Kunal Naik, chargé de plaidoyer chez Pils, lors de la conférence. Il a plaidé en faveur de l’autonomisation et de l’encadrement des personnes. Selon lui, cette approche leur donnera plus de chances de s’en sortir.
« Nous devons tenir compte des dernières recherches, pas des modèles des années 60 ou 70 et perpétuer l’idée selon laquelle l’addiction est une maladie, ce qui n’est pas le cas », estime-t-il. Il ajoute qu’il y a plusieurs facteurs à prendre en considération au lieu de dire que c’est une maladie.
Selon lui, il faut des réflexions qui inciteront les politiques à faire avancer les programmes de lutte existants. Il est d’avis que l’initiative de cette conférence est positive pour le pays, car il y a la participation d’experts étrangers.
Mais Kunal Naik estime qu’il faut aussi valoriser ceux qui sont à Maurice. « Nous avons des experts qui connaissent les réalités du terrain. Nous pourrons faire de grandes choses si nous travaillons ensemble et si nous développons des programmes qui reflètent la réalité mauricienne », a-t-il dit au Défi Quotidien.
Il souhaite que l’université de Maurice tienne compte des compétences locales qui font un travail formidable. « Il faut travailler ensemble et mettre sur pied un centre de recherches. Il est utile de prendre en considération les facteurs interculturels qui poussent une personne à consommer de la drogue par exemple. »
Selon lui, la majorité des études ont été menées en Europe et aux États-Unis. « Nous devons faire des recherches selon les spécificités de Maurice, car notre identité fait que nous sommes prédisposés à plusieurs choses. Il y a aussi les conflits intergénérationnels, un angle à explorer », fait-il observer.
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