La coalition PTr/MMM/PMSD fait face à des attentes importantes de la part de l'opinion publique concernant la présentation de son programme électoral. Cette alliance a été critiquée pour avoir axé sa stratégie électorale sur l'éviction du Mouvement socialiste militant (MSM) du pouvoir, sans proposer de solutions concrètes. Cependant, au cours de la semaine écoulée, elle a pris l'initiative de présenter cinq « engagements solennels ». La question est de savoir si ces engagements reflètent les aspirations de la société mauricienne et de sa jeunesse ou est-ce un exercice de communication.
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Élimination de l’Income Tax pour les jeunes
L'alliance PTr/MMM/PMSD a proposé une mesure novatrice consistant à éliminer l'impôt sur le revenu pour les jeunes âgés de 18 à 28 ans. Les dirigeants ont affirmé que cette mesure enverrait un signal aux jeunes Mauriciens, montrant qu'ils seront soutenus par le prochain gouvernement conscient de leur désespoir croissant, susceptible de se manifester par l'émigration vers des destinations comme le Canada ou l'Australie.
Cependant, la question de savoir si cette mesure sera suffisante pour stopper l'exode massif des jeunes se pose. L'économiste Eric Ng, bien qu'estimant que ce n'est pas une mauvaise mesure, souligne que la plupart des jeunes de 18 à 28 ans ne paient pas vraiment d'impôt sur le revenu, surtout s'ils ont des prêts et des assurances médicales avec des déductions fiscales. Il indique que la plupart des diplômés entrent sur le marché du travail à partir de 25 ans, et les plus jeunes paient peu d'impôt sur le revenu.
« Sur le plan de la soutenabilité économique, il est important d'examiner les finances publiques de l'État, qui ne génère pas nécessairement beaucoup de revenus », dit-il, estimant que pour redonner de l'espoir aux jeunes Mauriciens face à l'exode massif, il est crucial de démontrer que la méritocratie existe à Maurice et que leurs compétences seront reconnues, tant par le gouvernement que par le secteur privé. Selon lui, « distribuer des allocations de Rs 20 000 à tort et à travers n'a pas de sens. La jeunesse aspire à la méritocratie et à des chances égales dans son propre pays ». Eric Ng souligne l'importance de prouver aux jeunes que leurs compétences seront valorisées et que des opportunités équitables seront offertes, plutôt que de simplement compter sur des incitations financières qui pourraient ne pas adresser les problèmes structurels sous-jacents.
Augmentation de la pension supérieure à Rs 13 500
La pension de vieillesse devient à nouveau le centre des propositions politiques, avec d'un côté le gouvernement, notamment le Premier ministre, qui a récemment lancé une opération de communication à ce sujet. Conscient qu'il n'a pas encore pu concrétiser la promesse d'augmenter la pension à Rs 13 500, comme annoncé aux élections générales de 2019, le Premier ministre saisit chaque opportunité pour souligner les efforts de son gouvernement dans la réalisation de cette promesse, laissant même la possibilité que la pension soit supérieure à Rs 13 500.
Face à cette campagne du Premier ministre, l'opposition parlementaire n'est pas restée indifférente, d'autant plus que le Premier ministre a averti les personnes âgées que l'alliance PTr/MMM/PMSD réduirait la pension en cas de victoire aux prochaines élections. Cet affrontement politique autour de la question de la pension de vieillesse suscite cependant des critiques sévères de la part de l'ancien ministre et ex-président de la National Empowerment Foundation (NEF), Kadress Pillay. « Il est regrettable de constater que la question des pensions, initialement conçue comme une récompense pour le dur labeur des individus et une reconnaissance de la nation envers ceux qui ont contribué à la société, soit devenue un objet de surenchère politique.
L'opposition a, dans le passé, critiqué le gouvernement pour avoir voulu augmenter les pensions, mais aujourd'hui, on assiste à une surenchère, c’est irresponsable et met le pays au bord du précipice », dit-il. Selon lui, le défi actuel va bien au-delà de la question des pensions. « Les personnes âgées, sans loisirs et parfois sans enfants pour prendre soin d'elles, se dirigent vers des maisons de retraite de qualité médiocre », souligne-t-il. Selon lui, la disparité entre les maisons de retraite de luxe, coûtant jusqu'à Rs 60 000 par mois, et la réalité des personnes âgées démunies qui n'ont souvent nulle part où aller, est particulièrement préoccupante.
Abolition de la Financial Crimes Commission (FCC)
L'opposition parlementaire se montre farouchement opposée à la création imminente de la Financial Crimes Commission (FCC) et s'engage à abolir cette institution une fois au pouvoir. Les critiques portent notamment sur la constitutionnalité des pouvoirs conférés à une simple nomination politique, suscitant des inquiétudes quant à une possible empiétement sur les compétences du Directeur des poursuites publiques. L'alliance assure qu'elle prendra des mesures rapides pour mettre fin à cette institution.
Cependant, une fois la Financial Crimes Commission abolie, la question se pose sur la manière de poursuivre la lutte contre la criminalité financière, un enjeu d'importance capitale à l'échelle mondiale. L'avocat Penny Hack souligne que l'unanimité prévaut sur le fait que la loi actuelle présente des lacunes multiples, tant sur le plan de sa constitutionnalité que sur la concentration excessive de pouvoirs entre les mains de quelques individus, constituant une menace pour la liberté.
« Je suggère, dans un premier temps, un retour au système précédent avec des amendements simplifiés à l'ancienne loi. Je préconise des nominations indépendantes impliquant divers organismes de nomination, y compris des panels comprenant des citoyens. Ce processus pourrait aboutir à la création d'une institution plus durable à l'avenir », dit Me Hack.
Démocratie parlementaire
L'alliance PTr/MMM/PMSD a, plus d’une fois, exprimé son indignation face à la manière dont le Speaker, Sooroojdev Phokeer, gère les expulsions au Parlement, établissant ainsi, selon eux, le triste record du nombre d'expulsions sous son mandat. Ils s'engagent à restaurer la démocratie parlementaire avec la nomination d’un Speaker indépendant. L'expert en constitution, Parvez Dookhy, souligne que la responsabilité de cette situation incombe en grande partie à Navin Ramgoolam et Paul Bérenger, qui ont modifié la Constitution en 1996 pour permettre à une personne non élue d'occuper le poste de Speaker.
Parvez Dookhy considère cela comme un problème systémique à Maurice. Il fait remarquer que lors du passage au statut de République en 1992, « il n'y a pas eu une réflexion approfondie sur le système républicain. Cette absence de cadre approprié a conduit à la situation actuelle au Parlement et au déclin de plusieurs institutions à Maurice », dit l’avocat. Plus concrètement, il estime essentiel de s'inspirer du modèle britannique avec un Speaker élu provenant de l'opposition. Aussi, Me Dookhy souligne la nécessité de réviser les Standing Orders. Il met en lumière le fait que depuis 2019, le Premier ministre a pris l'habitude de consacrer plus de 30 minutes à répondre à une seule question au Parlement, tandis que l'opposition se voit de moins en moins autorisée à poser des questions supplémentaires. Selon lui, cela doit changer.
Jocelyn Chan Low : « Une communication politique »
L’historien et observateur politique estime qu'il était impératif pour l’alliance de l’opposition parlementaire de réagir, surtout en fin d'année. Jocelyn Chan Low souligne que cette réaction était particulièrement nécessaire après les déclarations de Pravind Jugnauth concernant les pensions, « où il avait averti les électeurs que l'alliance PTr/MMM/PMSD envisageait de réduire les pensions de vieillesse en cas de victoire aux prochaines élections ».
Ainsi selon Jocelyn Chan Low, cette initiative de réagir spécifiquement sur la question des pensions est « une démarche positive ». Il considère que c'est une réponse nécessaire dans le jeu politique, et souligne que la proposition relative à l’élimination de l'impôt sur le revenu pour les jeunes âgés entre 18 et 28 ans « démontre une certaine dose de sérieux » de la part de l'alliance, mettant en avant une approche plus substantielle plutôt que purement démagogique. Il insiste sur le fait que ces propositions marquent un début et que l'alliance a démontré de l'imagination dans sa communication politique. « Cela peut être interprété comme un premier pas dans l'élaboration d'un programme plus détaillé et concret en vue des élections à venir », estime l’observateur politique.
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