Encouragez les producteurs de films mauriciens et allez voir « Le Coup parfait ». Il fait la fierté de deux Mauriciens qui l’ont produit et réalisé. Rencontre.
«La passion du cinéma m’anime depuis l’enfance. Elle est venue naturellement. Quand j’étais à l’école, je jouais dans des pièces. Parfois, je jouais dans le quartier, à Camp-Créole, sous les arbres. C’était un one-man-show ! J’ai été encouragé dans cette voie par le frère Lourdes de l’association Terre de paix. À l’époque, il montait de nombreuses pièces de théâtre », raconte Sada Rajiah, 48 ans, interprète, producteur et réalisateur.
Sada Rajiah n’est pas allé au collège. « Je voulais devenir acteur ! » (Rires). Après l’école, il a commencé à travailler. Parallèlement, il a monté un groupe de théâtre avec les jeunes de son quartier. De 22 et 24 ans, il a participé à des pièces dans le village, au Caudan Waterfront et sur des bateaux. Il a rencontré pas mal de succès avec « Le roi fou » et « Le malade imaginaire ».
En 2007, il réalise un premier court métrage d’une durée de 52 minutes : « Rasta en vacances », une comédie réunissant une trentaine d’artistes. C’est la même année qu’il fait la connaissance d’un jeune qui partageait sa passion pour le cinéma : Desiré Prevost. Ils poursuivent leurs rêves en tandem depuis dix ans.
« Rasta en vacances » a été financé par Sada Rajiah. Le budget du film : entre Rs 80 000 et Rs 90 000. « J’ai dû m’endetter ! », raconte-t-il.
« Nous avons vendu les DVD du film nous-mêmes. Il a été tiré à un millier d’exemplaires, à Rs 225 l’unité. Nous sommes rentrés dans nos frais, car nous avons écoulé presque toutes les copies », répond-il.
Il ajoute que « Rasta en vacances », comme tous les autres courts métrages qu’il a tournés, a été projeté sur la chaîne nationale.
Il estime que les initiatives du ministère des Arts et de la Culture sont encourageantes. « Je note un changement depuis 2015. Nous avons eu un coup de main de la Mauritius Film Development Corporation. Nos projets ont été soutenus et des festivals organisés. Nous avons été nominés pour des festivals à l’étranger, en Inde par exemple, et nous nous y sommes rendus », déclare-t-il.
« Radio Plus, c’est comme la famille. En 2010, elle s’est associée aux Emtel Awards et nous avons été récompensés pour “Boombastik”. En 2015, nous avons participé à d’autres festivals et nous avons encore été primés en trois occasions (deux fois lors du 7 Days Challenge et une fois pour le Festival Kreol). J’estime que nous avons été récompensés pour avoir apporté un nouveau style de comédie, avec effets spéciaux, entre autres », explique le cinéaste.
Depuis 2007, avec Desiré Prevost, Sada Rajiah a tourné quelque dix-sept courts métrages, dont plus d’une douzaine après 2015.
Long métrage
Dix ans après s’être lancé dans la réalisation de courts métrages, Sada Rajiah vient de réaliser, avec Desiré Prevost « Le Coup parfait » un premier long métrage. La seule difficulté qu’il a rencontrée pour réaliser ce rêve a été le financement. Le budget du film est de Rs 8 390 000. Il a été financé par quelques amis ainsi que des étrangers. Le duo n’a trouvé aucun sponsor. Cependant, le gouvernement a facilité leur dossier au niveau du Board of Investment et ils attendent de récupérer une partie de leurs investissements grâce au « rebate scheme » qui est de 30 %.
« Je dois dire que nous manquions de quelques équipements et que nous avons dû courir à droite à gauche. Mais le film a été tourné et il sort sur les écrans le 28 juillet. J’espère qu’il sera apprécié par les Mauriciens », ajoute Sada Rajiah.
Radio Plus, c’est comme la famille. En 2010, elle s’est associée aux Emtel Awards et nous avons été récompensés pour “Boombastik”»
« Le Coup parfait » sera projeté à M Ciné, Trianon. Au générique, sept personnages principaux dont quelques artistes chevronnés d’Europe. L’histoire traite de deux amis et de la mère de l’un d’eux qui est gravement malade. Il faut la soigner, mais l’argent fait défaut. Son ami lui propose de faire un coup pour trouver l’argent nécessaire… Le tournage a été effectué en 60 jours, mais la préparation du film a pris une année. Le film a été tourné à Albion, Sodnac, Grand-Baie, Port-Louis, La Citadelle et Curepipe, entre autres.
Sada Rajiah et Desiré Prevost travaillent avec une équipe d’une vingtaine de techniciens. La partie technique est entièrement sous la responsabilité de Desiré Prevost. Sada Rajiah s’occupe de l’administration et du scénario.
Perception
Sada Rajiah souhaite que les Mauriciens arrêtent de sous-estimer les productions mauriciennes. « Les cinéphiles mauriciens devraient encourager leurs compatriotes qui veulent faire carrière dans le cinéma. Ils devraient changer leur perception. Je n’ai pas peur de le dire : notre film est du niveau d’une production américaine. Allez le voir et vous comprendrez ce que je veux dire. Si vous voulez avoir une star au sein de votre famille qui fera carrière à Hollywood ou à Bollywood, commencez par cultiver l’amour du cinéma en vous, chez vous. Encouragez votre enfant s’il veut faire carrière comme comédien. Des représentations ou des festivals sont organisés dans les écoles. Il serait bien que les parents inculquent la passion de jouer la comédie et du cinéma à leurs enfants. L’industrie du cinéma a un avenir à Maurice. D’ailleurs, elle fait déjà vivre pas mal de gens. Le chiffre d’affaires des tournages qui se font à Maurice se monte à environ Rs 2 milliards. »
Projets
Sada Rajiah a trouvé un autre partenaire en un producteur indien. Ils ont pas moins de trois gros projets ensemble. Le premier film de cette collaboration devrait sortir le mois prochain. « Je vous assure que dans deux ans, le cinéma Made In Mauritius aura complètement changé de visage. Je crois fermement que nous pouvons aller très loin », insiste-t-il.
Sur ce, il invite les exploitants, les distributeurs, la chaîne de télévision nationale et les gérants sites Internet à acheter des films mauriciens. Ce sera un stimulant pour les jeunes qui choisissent le cinéma comme carrière, dit-il. En ce sens, il remercie les dirigeants de M Ciné pour leur soutien et souhaite que les autres chaînes de cinéma l’imitent.
Sada Rajiah aurait aussi aimé que les groupes de médias qui ont l’habitude d’organiser une séance spéciale pour leurs employés lors de la sortie d’une grosse production étrangère fassent de même pour les productions mauriciennes.
Desiré Prevost : homme à tout faire
Desiré Prevost, 37 ans, est acteur, réalisateur, monteur, responsable de toute la partie technique du tournage. Il explique que l’aventure cinématographique a commencé pour lui grâce à son ancien job.
« Je bossais dans le domaine de l’IT. Comme j’étais familier avec les ordinateurs, les logiciels, etc., j’ai appris à faire un montage. En 2007, j’ai réalisé un premier court métrage, “Pirates coaltar”, une œuvre d’action qui décriait le piratage des CD. J’ai rencontré Sada en me rendant chez un disquaire et notre amitié est née ce jour-là », raconte-t-il.
En attendant que le cinéma lui fasse vivre pleinement, Desiré Prevost gagne sa vie en réalisant des clips vidéo et des spots publicitaires. L’argent qu’il gagne, il l’investit dans les projets cinématographiques.
Pour « Le Coup parfait », il dit être fier du travail des artistes mauriciens. « Ils ont un talent naturel, ils n’ont pas besoin d’aller prendre des cours de cinéma », fait-il observer.
Le duo Sada Rajiah-Desiré Prevost ambitionne de tourner un film sur la vie d’une très célèbre personnalité mauricienne. L’histoire suivra son itinéraire depuis l’enfance jusqu’à ses années universitaires. L’idée est de Sada Rajiah qui a été inspiré par les figures historiques à l’étranger. Le tournage débutera en novembre.
Parmi les autres projets du duo : « Je t’aime, maman », sur les choses de la vie. L’actrice principale sera la chanteuse Laura Beg. L’idée trotte dans la tête de Desiré Prevost, depuis 2005, et initialement il avait pensé à Linzy Bacbotte pour le rôle principal.
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