
Le harcèlement scolaire/bullying sévit dans les établissements primaires et secondaires. Les cas sont soit rapportés ou gardés sous silence. Ce phénomène est mis en lumière par sa diffusion sur les réseaux sociaux.
Depuis le début de l’année, plusieurs incidents dans le milieu scolaire ont été rapportés. Une vidéo montre des élèves qui fument à l’aide d’un bong dans une salle de classe. Dans une autre, des collégiens consomment une substance suspecte dans les toilettes. Un autre cas est celui d’un élève qui est harcelé moralement et physiquement. Il est agressé dans une salle de classe. Un collégien de 13 ans a été insulté et agressé par deux élèves de Grade 10.
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Le cas le plus tragique est celui d’une adolescente de 14 ans, trouvée sans vie sous le pont Sir Anerood Jugnauth, tandis qu’une autre jeune fille du même âge est en observation au Brown Séquard Mental Healthcare Hospital. Ces événements ont conduit les autorités à surveiller de près l’existence de communautés en ligne potentiellement dangereuses.
Actions
Au Curepipe College, la direction a mis en place plusieurs mesures pour assurer la sécurité et le bien-être des élèves. Selon Neetesh Sewpal, recteur et manager de l’établissement, le bullying est une réalité dans tous les établissements. Cependant, grâce à des initiatives, la situation est devenue plus gérable.
Depuis 2022, des caméras de surveillance ont été installées dans les locaux pour surveiller le comportement des élèves. « Nous avions observé des dégradations de nos meubles, des taquineries entre élèves et un langage inapproprié envers les adultes », explique Neetesh Sewpal.
Il a également remarqué une nervosité accrue chez les élèves à leur arrivée au collège. Après avoir dialogué avec les parents, il a constaté que beaucoup d’élèves passaient leurs nuits sur leurs téléphones portables à jouer à des jeux vidéo, souvent violents. « Lorsque les parents les réveillent, ils sont plongés dans un profond sommeil. Ce qui se traduit par un comportement nerveux et agité à l’école », précise-t-il.
Selon lui, les causes du harcèlement scolaire trouvent fréquemment leur origine dans un problème sociétal. L’enfant reflète son vécu familial à l’école.
Depuis 2024, le Curepipe College collabore avec Konekte, une initiative qui permet à un psychologue d’intervenir le lundi au sein de l’établissement. Cette collaboration a permis de détecter et de traiter immédiatement plusieurs cas qui nécessitaient l’intervention des autorités compétentes.
Cette année, d’autres mesures ont été introduites, comme la fermeture de certains couloirs. Des casiers ont été installés dans les salles de classe et les élèves doivent y déposer leurs téléphones portables en entrant au collège. Cependant, Neetesh Sewpal déplore que certains élèves contournent cette règle en apportant un deuxième téléphone.
Au collège New Eton à Rose Hill, la Manager Oomavedi Cudian fait observer que les élèves sont encouragés à parler librement avec le personnel enseignant. « Dès qu'un cas de bullying est signalé, nous agissons immédiatement. Nous veillons également à entretenir un dialogue continu sur la discipline. Et les élèves peuvent discrètement signaler tout problème à un adulte. »
De plus, la direction intègre les valeurs de respect et de bienveillance dans la culture de l’école. Dès le premier jour d'admission, des explications sont données aux parents et aux élèves sur la vision et les principes fondamentaux de l’établissement. Ces bases sont renforcées tout au long de l'année par des rencontres régulières entre parents, élèves et enseignants. Les enseignants, en particulier les plus jeunes, établissent une relation de confiance avec les élèves. Ce qui permet de traiter certains problèmes individuellement avec les élèves concernés. Dans les cas plus sérieux, un protocole précis assure une intervention rapide de la direction.
« Nous adoptons aussi des méthodes préventives, comme l'implication des élèves dans la création de chansons en cours d'art. Ces chansons, interprétées lors des assemblées matinales, contribuent à sensibiliser les élèves sur la gravité du problème. Cette activité crée un sentiment d'unité et valorise les participants. »
Lors de l'inscription d’un élève, les parents doivent approuver par écrit les règlements. Ils sont sollicités pour être des acteurs actifs dans l'encadrement de leurs enfants à la maison. Pendant le premier trimestre, des réunions de classe permettent de renforcer ces messages auprès des parents. Si certains sont absents et que leurs enfants sont à risque, la direction de l’école prend contact avec eux. « Nous nous efforçons de maintenir un dialogue convivial, mais ferme, même lorsque des problèmes surviennent. Un mécanisme de signalement a été mis en place pour que les élèves se sentent à l'aise de parler à leur enseignant principal, qui interagit régulièrement avec eux. Notre présence constante dans les salles de classe et sur le campus aide les élèves à exprimer librement leurs préoccupations. En cas de problèmes disciplinaires graves, nous menons des enquêtes et nous convoquons les parents. Grâce à la transparence de nos règlements, les parents acceptent généralement les sanctions imposées. Ce qui renforce l'efficacité de nos mesures. »
L’interdiction des téléphones portables existe depuis 2018. Si jamais un téléphone est découvert, il est confisqué et remis aux parents. « Parallèlement, nous organisons des activités et des jeux pendant les récréations pour occuper les élèves. Les enseignants d'éducation physique jouent un rôle actif. »
Il y a également un programme de "Quiet Time", qui aide les élèves à se recentrer avant les cours. Ces cinq minutes, basées sur des principes scientifiques, ont un effet positif sur leur concentration. « Au collège New Eton, nous croyons fermement que le succès repose sur des actions proactives, une approche consensuelle et l'engagement de toutes les parties prenantes. En tant que directrice, je m'assure de rendre compte régulièrement au conseil d'administration et de bénéficier de leur soutien », dit Oomavedi Cudian.
Konekte : vers une réponse concrète à la détresse des jeunes
Les établissements scolaires mauriciens sont confrontés à une réalité troublante. 55 % des élèves déclarent qu'ils ont fait l'expérience de la violence. Et ils sont dépressifs. De 2020 à 2025, les comportements suicidaires ont grimpé de 11 %, avec une moyenne annuelle de 57 cas. De plus, les appels à l’aide pour des situations préoccupantes ont bondi de 40 % depuis 2022.
Face à ce tableau inquiétant, Konekte, une entreprise sociale engagée dans le développement humain, a dévoilé un manuel de postvention. Cet outil, lancé le 3 mars, vise à offrir un soutien aux équipes éducatives dans la gestion et la prévention des comportements suicidaires en milieu scolaire.
Conçu pour répondre à l’urgence, ce manuel se divise en trois sections. Il s'agit de comprendre les comportements suicidaires, de fournir des informations cruciales sur le suicide et de proposer des outils pratiques pour intervenir en cas de crise. Son objectif est d’équiper les établissements scolaires pour mieux gérer ces situations traumatiques. Il faut aussi prévenir l’effet d’entraînement, qui est un phénomène inquiétant. Les pairs exposés à un suicide sont deux à quatre fois plus susceptibles de tenter eux-mêmes de passer à l’acte.
Dr Émilie Rivet, psychologue clinicienne et CEO de Konekte, souligne l’importance d’une approche collective : « Ce manuel est le fruit de plusieurs années de collaboration et de recherches. Il offre aux directions et au personnel un guide pour faire face à ces crises, tout en assurant un soutien psychologique aux élèves en détresse. »
Depuis 2018, Konekte forme des équipes de postvention (EPV) au sein des collèges, à travers un programme de 60 heures minimum. Ces équipes, opérationnelles dès mai 2024, disposeront d’un accompagnement spécifique pour intervenir après un suicide ou une tentative en milieu scolaire. Ces efforts visent à minimiser l’impact des traumatismes sur les jeunes et à renforcer leur résilience.
L’effet d’entraînement est abordé. De plus, d’autres recherches montrent que les adolescents ont des idées suicidaires après le suicide d’un pair. Les jeunes s’identifie naturellement davantage à leurs semblables qu’aux adultes. Et il est important de leur apporter un soutien.
Pour Dr Émilie Rivet, l’objectif est de permettre à chaque jeune, où qu’il soit, de trouver des ressources et un accompagnement pour éviter le pire.
Réapprendre à vivre ensemble
Preetam Mohitram, haut cadre au ministère de l’Éducation, déplore que la violence soit devenue un mode d’expression courant à Maurice. Il souligne la nécessité d’apprendre aux enfants à exprimer leurs émotions et à communiquer autrement.
Cet ancien recteur met en garde contre une approche trop répressive. « Répondre à la violence par la violence n’est pas une solution. Il faut favoriser le dialogue. » Selon lui, il faut apprendre et donner aux enfants l'occasion de s’exprimer par des moyens de socialisation.

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