
Des questions fondamentales ont été soulevées à la suite des arrestations de l’ancien ministre des Finances, Renganaden Padayachy, et de l’ancien gouverneur de la Banque de Maurice, Harvesh Kumar Seegolam, dans le cadre de la fraude présumée de Rs 300 millions au préjudice de la Mauritius Investment Corporation.
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Doit-on envisager de revoir les lois en vigueur ? Une refonte des processus de nomination dans les institutions publiques est-elle nécessaire ? Quelle place est réellement accordée aux lanceurs d’alerte ? Pourquoi n’ont-ils pas émergé dans cette affaire ? La société civile devrait-elle être davantage intégrée dans le contrôle des fonds publics ? Et comment une gouvernance saine pourrait-elle être assurée ? Autant de questions qui méritent d’être examinées. Le point avec Me Sunil Bheeroo.
Des lois suffisantes
Selon Me Sunil Bheeroo, il ne faut pas réagir par rapport à l’arrestation de l’ancien ministre des Finances, Renganaden Padayachy, et de l’ancien gouverneur de la Banque de Maurice (BoM), Harvesh Kumar Seegolam. Il estime que cette situation aurait pu concerner n’importe quelle autre personne.
Il soulève les interrogations suivantes : « La question à se poser à ce stade est de savoir si les dispositions légales en place sont suffisamment robustes pour contrecarrer les délits liés aux crimes financiers. Dispose-t-on de régulations adéquates en matière de code éthique, notamment le Corporate Governance Code ? Les individus nommés à la tête de ces institutions sont-ils suffisamment compétents pour garantir une bonne gouvernance ou sont-ils vulnérables à l’influence des politiciens en place ? » s’interroge-t-il.
Me Sunil Bheeroo est d’avis qu’une analyse approfondie de la situation permettrait d’identifier clairement les manquements relatifs aux crimes financiers et aux conflits d’intérêts.
Néanmoins, il souligne que ces arrestations soulèvent de sérieuses inquiétudes quant à la solidité du système institutionnel.
Le processus de nomination dans les institutions publiques
Me Sunil Bheeroo met l’accent sur la nécessité de repenser le processus de nomination dans les institutions publiques. Il soutient qu’il doit être basé sur la compétence et l’indépendance professionnelle.
« Les institutions représentent les piliers du développement d’une société. Lorsqu’elles ne fonctionnent pas dans un cadre légal, cela mène inévitablement à une dérive et à une mauvaise gouvernance. Cette situation peut semer le doute sur la crédibilité du pays auprès de la communauté internationale et des investisseurs, sur lesquels repose de plus en plus notre économie », indique-t-il.
Il ajoute qu’il y a, à Maurice, de nombreuses personnes qualifiées et indépendantes, capables de faire fonctionner les institutions selon les règles. Cependant, elles ne bénéficient souvent pas de l’opportunité d’être recrutées, à cause du système politique rigide et injuste qui prévaut.
Les lanceurs d’alerte : une absence préoccupante
La question des lanceurs d’alerte a également été abordée. Me Sunil Bheeroo rappelle que dans de nombreux pays en développement, la figure du lanceur d’alerte est bien intégrée. À Maurice, ce n’est malheureusement pas encore une pratique courante.
« De nombreuses questions émergent aujourd’hui. Pourquoi personne n’a-t-il dénoncé cette affaire dès le départ ? Où se situent les failles de notre système ? Pourquoi n’existe-t-il pas une loi visant à protéger les lanceurs d’alerte ? », souligne-t-il.
La société civile et la gestion des fonds publics
En ce qui concerne les fonds publics, Me Sunil Bheeroo rappelle qu’ils ont toujours été gérés par l’État. Tant que cette gestion se fait dans la transparence et selon les principes de bonne gouvernance, aucun dysfonctionnement ne devrait apparaître.
Il estime que les institutions existantes auraient dû renforcer leur rôle et leurs obligations envers le peuple, en agissant de manière transparente.
Il précise aussi que des lois et institutions existent déjà pour faire respecter les normes et prévenir toute dérive. Il rappelle que des « institutions fortes » sont garantes de transparence et de justice. Il cite également la collaboration interinstitutionnelle, les audits de performance ainsi qu’une éducation civique renforcée comme éléments clés pour développer une culture de responsabilité et d’intégrité.
Pour une gouvernance saine
Afin d’instaurer une gouvernance saine, plusieurs propositions ont été formulées par l’homme de loi :
• Il est impératif que les nominations soient basées sur la compétence et l’indépendance, afin d’éviter toute politisation.
• Un code éthique et des régulations doivent être instaurés au sein de chaque conseil d’administration.
• Un système opérationnel adapté doit être mis en place pour les « senior et middle Managers ».
• L’accent doit être mis sur la formation technique et juridique du personnel.
• Si toutes ces mesures sont mises en œuvre, les failles du système pourront être efficacement comblées.
• Ces événements doivent être considérés comme un point de bascule, et non comme une fatalité.
• Une transition d’une gouvernance réactive vers une gouvernance préventive doit être amorcée.
• La confiance du public, qui est souverain pour désigner le gouvernement en place, doit être restaurée.
• En fin de mandat, il ne faudrait pas que la population ait à déclarer avoir été victime d’une « escroquerie politique ».

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