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Budget et élections : quelle influence réelle sur le vote

  • Jean Claude de l’Estrac : «pour beaucoup d’électeurs, l’enjeu des élections est ailleurs»

Tous les regards sont tournés vers la présentation du dernier Budget du gouvernement pour ce mandat et l’attente de la population est à son comble. Au fil des années, celle-ci s’est habituée à diverses formes d’allocations sociales et aides ponctuelles, dont les Rs 20 000 offertes aux jeunes célébrant leurs 18 ans.

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Naturellement, elle espère que le gouvernement continuera sur cette lancée et que de nouvelles mesures généreuses seront annoncées. Les spéculations autourd’un éventuel 14e mois de salaire, ainsi qu’une augmentation salariale d’au moins 5 % ne cessent d’alimenter les conversations. Autant dire que nombreux sont les Mauriciens qui attendent le gouvernement au tournant, espérant voir de telles mesures se concrétiser.

Cette présentation budgétaire est scrutée de près par divers observateurs, conscients que les prochaines élections générales se profilent à l’horizon. Si certains estiment que ce Budget constituera l’arme ultime du MSM pour lancer sa campagne électorale dans les meilleures conditions, d’autres adoptent une perspective différente, se demandant dans quelle mesure il pourrait influencer le succès électoral du gouvernement. 

Pour l’ancien ministre Jean Claude de l’Estrac, « il est imprudent de dire que les propositions budgétaires, à elles seules, seront capables de déterminer le résultat des prochaines élections. C’est un ensemble de facteurs, quelques-uns sans lien aucun avec les questions économiques, qui déterminera le choix des électeurs », affirme-t-il. 

Certes, un budget généreux (14e mois de salaire et hausse salariale de 5 %), pourrait séduire une partie de l’électorat, particulièrement les classes moyennes et populaires qui ressentent directement l’impact de telles décisions sur leur pouvoir d’achat. Selon Jean Claude de l’Estrac, « la qualité de certaines mesures budgétaires, celles qui visent à flatter l’électeur-consommateur en lui accordant des faveurs sonnantes et trébuchantes dans l’immédiat, sont susceptibles d’inciter certains électeurs à un vote de satisfaction. C’est l’objectif que vise le gouvernement, il n’en a pas d’autres dans ce Budget de fin de mandat ». 

Cependant, si beaucoup d’électeurs se laissent séduire par les mesures de soutien financier immédiat, nombreux sont ceux qui mettent l’accent sur des questions de bonne gouvernance. La gestion prudente et équilibrée de l’économie est une préoccupation majeure pour ces citoyens. Ils cherchent des preuves que le gouvernement peut maintenir la stabilité économique à long terme, gérer les finances publiques. 

Un argument auquel Jean Claude de l’Estrac semble adhérer. « Pour beaucoup d’électeurs, l’enjeu des élections est ailleurs. Pour ceux-là, ce sont les questions de bonne gouvernance – la gestion prudente et équilibrée de l’économie, la soutenabilité de la protection sociale, l’endettement, les déficits financiers chroniques   qui sont prioritaires. Pour d’autres, la corruption et le gaspillage de l’argent public sont des fautes impardonnables. D’autres encore sont désemparés par le dépérissement de la démocratie, l’autoritarisme grandissant, le népotisme, l’absence de méritocratie. Les plus jeunes électeurs sont, eux, bouleversés par l’exode croissant de leurs pairs. Ce sont ces électeurs critiques qui se livrent le plus souvent à un vote sanction. Les « douceurs » budgétaires sont prises pour ce qu’elles sont : une manière de chercher à corrompre l’électeur », fait-il ressortir. 

L’ancien ministre souligne néanmoins que le Budget ne peut évidemment pas prétendre offrir toutes les solutions. « Bien entendu, le discours du Budget n’est pas censé répondre à tous enjeux nationaux. C’est pourquoi il est oiseux et réduire l’exercice à un attrape-électeurs même s’il est plus que probable que c’est bien ce que se propose de faire le ministre des Finances », dit-il. « Les têtus comme moi attendent  de connaitre la réponse du gouvernement à deux enjeux existentiels : l’adaptation au changement climatique et l’autosuffisance alimentaire. Le reste est littérature ».

Enfin, l’équation électorale qui se dessine en vue des prochaines élections peut être résumée de manière assez directe. « Le rapport des forces aux prochaines élections est relativement simple. Vote de satisfaction, le Budget du ministre aidant ; vote sanction que l’opposition ne manquera pas de réclamer lors des débats », conclut-il.

Selon Yvan Martial, il est souvent difficile de se souvenir du succès de ces Budgets, mais en général, les gouvernements ont tendance à orienter l’exercice de manière à avoir un impact électoraliste. Il souligne que les gouvernements qui ont réussi ont souvent adopté la stratégie de présenter des mesures impopulaires en début de mandat, tandis que les mesures populistes sont réservées pour la fin du mandat, à l’approche des élections générales.  En examinant de manière plus précise l’effet que peut avoir un budget sur le succès électoral d’un gouvernement, Yvan Martial relativise en rappelant que « le gouvernement de sir Seewoosagur Ramgoolam avait présenté un Budget en fin de mandat en 1982, et que cela n’avait pas empêché son gouvernement de subir une défaite cinglante de 60-0 aux élections générales ». Il mentionne également le Budget présenté par le gouvernement de sir Anerood Jugnauth en 1995, où le gouvernement en place avait également subi une défaite humiliante de 60-0.

2014: Le PTr avait décidé de se passer du Budget 

En 2014, le Parti travailliste (PTr) avait décidé de ne pas présenter de Budget, convaincu de la solidité de son alliance avec le Mouvement militant mauricien (MMM). Navin Ramgoolam avait choisi de se concentrer sur les modalités de cette alliance plutôt que de présenter un Budget. Cependant, cette stratégie a finalement conduit à une défaite écrasante de l’alliance PTr-MMM. 

 

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