Globalement, le budget 20202/2021 n’est pas à la hauteur des enjeux et reste prisonnier d’un logiciel obsolète. C’est le cas également pour le secteur touristique, le pilier de notre économie qui subit la plus grande casse en raison de la plus grande incertitude sur la nature, les modalités et les conditions d’une reprise. Son avenir se joue au présent. Deux ans de cela, nous avions analysé les enjeux du futur en identifiant les causes de la crise structurelle que connait le secteur - crise confirmée par la performance en 2019. Nous reprenons ici des points de notre analyse.
L’écosystème mondial du tourisme international est gravement affecté par le transport aérien à l’arrêt, la récession dans les pays-marchés, les conditions de voyage et la psychologie des voyageurs. A Maurice c’est la catastrophe. Non seulement pour les opérateurs, mais aussi pour les emplois associés à ce secteur d’activités, soit quelque 130 000. Les opérateurs parlent de reprise pour septembre 2021 dans les meilleurs des cas. Le pire c’est que les politiques et les principaux opérateurs persistent avec une politique de l’autruche alors qu’au-delà des mesures pour limiter la casse, c’est le temps rêvé pour une réflexion approfondie afin d’assurer sa pérennité.
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Maurice est Covid-free dit-on. Déjà les responsables, dont la MTPA, sont à la manœuvre pour capitaliser dessus dans la campagne de relancer la destination sur les marchés. Certains hôtels sont déjà ouverts tandis que d’autres s’y préparent.
Air Mauritius, transporteur de plus de 50 % de touristes en temps normal, est en administration volontaire. Actuellement, le plan de dégraissage la vide de son capital de savoir-faire et d’expérience, tandis que la liquidation menace, telle une épée de Damoclès. Est envisagée, la négociation d’accords bilatéraux avec d’autres lignes aériennes en vue de ce que les experts appellent des « travel bubbles » avec les pays de la région dans un premier temps pour ensuite graduellement ouvrir à d’autres pays moyennant une situation sanitaire maitrisée.
Reste à savoir si des touristes vont sauter dans l’avion si à l’arrivée des conditions de quatorzaine sont appliquées et si le risque d’une 2e vague est présent. Les avis sont partagés. Il y a aussi la sérieuse récession qui frappe nos principaux marchés en Europe. Il faudra aussi compter avec les destinations concurrentes tant dans la région – Seychelles, Maldives, La Réunion et le Sri Lanka - qu’ailleurs.
Mais par-dessus tout, les enjeux et défis d’avant la pandémie restent entiers.
Le post-Covid 19 exige plus que jamais de prendre en considération les profondes mutations que connaissent la mondialisation et les contours du nouveau paysage de l’ordre international qui se dessinent. Car ces mutations impactent profondément le monde du voyage.
La connectivité aérienne est et sera un défi de tous les instants du secteur.
Le capital-patrimoine naturel
Notre capital naturel est notre principale richesse et il faut précieusement le préserver. L’effet combiné du changement climatique et d’un développement-aménagement irréfléchi fait que les dégâts sont conséquents et les tendances inquiétantes. L’écosystème est déjà sous forte pression. Le bon sens doit prévaloir pour sauver le lagon et le littoral menacé entre autres menaces par l’érosion.
Littoral
Il faut mettre fin au plus vite à la foire d’empoigne qui s’est s’aggravé et intensifié dangereusement. Il est urgent de dégager les axes d’une politique d’aménagement du littoral dans le sens d’un équilibre harmonieux. La première des donnes dans l’équation doit être les besoins en espaces balnéaires de qualité pour le public mauricien pour les 50 ans à venir ! Les principes directeurs doivent être le respect des différents usagers du littoral et une offre qui donne satisfaction aux différents segments de la clientèle touristique actuelle et à venir.
La révolution numérique
La révolution numérique provoque de profonds bouleversements dans le monde du voyage. Il y a d’une part toutes les possibilités dans le domaine de la communication et du marketing, à la fois sur la visibilité sur les réseaux sociaux et le contenu. Le numérique est un élément pivot au service de la communication appropriée et customisée aux attentes et aspirations des clients à la recherche d’expérience plutôt que d’un produit. L’imagination et l’innovation sont et seront les maîtres-mots pour trouver sa place dans le contient numérique.
Les attentes et aspirations des touristes
La Covid-19 va changer profondément l’architecture du monde du voyage qui déjà était en cours avec l’arrivée de nouveaux touristes provenant de nouveaux marchés et à l’intérieur des nouveaux segments. Par ailleurs, de plus en plus de voyageurs sont à la recherche d’expériences en tant que citoyens du monde sensibles à l’écologie, et solidaires d’initiatives qui vont dans le sens d’un monde meilleur basé sur un développement inclusif.
Accueil et hospitalité
Ce qui a fait le succès de Maurice, c’est l’accueil et le sens de l’hospitalité de la population mauricienne. Cela a été notre competitive edge vis-à-vis des destinations concurrentes. Il ne suffit plus de l’évoquer et de l’invoquer comme un mantra. Il faut s’assurer que les dynamiques sociales qui animent la société continuent de porter ces valeurs. Gardons-en tête l’insécurité grandissante, résultat de la casse sociale à venir.
Marchés, image et diversification de l’offre
Les marchés évoluent, et des tendances se dessinent clairement. La destination mauricienne aura en conséquence à soigner son image avec une attention particulière à sa stratégie d’image auprès de marchés afin de veiller à la cohérence. Le temps des campagnes has been carte postale, à l’exemple du slogan « Maurice c’est un plaisir » est révolu. Misons sur l’authenticité et ce que la destination a d’unique.
L’avenir du tourisme réside en une rapide évolution de l’offre qui pendant longtemps a été essentiellement hôtelière et axée sur la plage. Il faut continuer à diversifier l’offre pour enrichir la destination. Il y a encore tant à faire pour développer le tourisme d’intérieur, et le tourisme culturel et patrimonial.
Attirer les jeunes et qualité des prestations et service
Un des gros défis est d’attirer les jeunes vers ce secteur du tourisme. Les entreprises opérant dans le secteur sont conscientes qu’en raison de nombreux facteurs - conditions de travail, niveau des salaires et absence de mobilité sociale –, le tourisme attire de moins en moins les jeunes. Cette tendance ira en s’accentuant si rien n’est fait pour trouver des solutions durables. La qualité de nos services et prestations hôteliers s’est généralisée à tous les maillons de la chaine touristique. La formation a joué un rôle mais elle s’est dégradée sérieusement. Il reste encore beaucoup à faire même s’il faut apprécier le travail de certaines institutions comme Vatel. Aux responsables des ressources humaines de faire preuve d’imagination et d’innovation.
Pour négocier avec succès la pérennité et la contribution du secteur au développement socio-économique, il faut bien mesurer/apprécier sans complaisance aucune les dynamiques internes et les mutations globales dans lesquelles il opère. On peut comprendre que c’est difficile de réinventer le modèle qui a donné les résultats que l’on sait et qu’on préfère parler de crise conjoncturelle. Or, il s’agit d’une crise structurelle.
Nous disposons de temps pour un débat séreux et une réflexion responsable pour sauver, reconstruire et construire en s’attaquant aux faiblesses structurelles afin de jeter les bases pour un tourisme durable en phase avec les nouvelles exigences et tendances. Ne confondons pas vitesse et précipitation, à l’exemple du nouveau film de la MTPA qui n’est, pour dire le moins, pas approprié. L’heure n’est plus aux formules creuses et encore moins à la démagogie et au populisme. C’est maintenant ou jamais que tous les acteurs du développement doivent prendre la pleine mesure des enjeux pour agir vite et bien en s’appuyant sur une réflexion concrète.
Le tourisme mauricien est arrivé à la fin d’un cycle, une donne fondamentale qu’il faut intégrer tant dans l’opération de rebranding dont parle N. Vencadasmy, président de la MTPA, que dans le plan de sauvetage-relance prévu. Le salut ne viendra que si l’on s’engage résolument dans le nouveau cycle avec un ambitieux plan de consolidation/transition sur trois ans.
par Malenn Oodiah
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