Anti-Drug and Smuggling Unit : les dessous de l’éjection du DCP Bhojoo

Plusieurs raisons seraient à l’origine de l’éjection de Choolun Bhojoo de son siège de responsable de l’Anti-Drug and Smuggling Unit (Adsu). Après l’affaire Wayne Attock et celle de la fuite d’informations confidentielles, le Deputy Commissionner of Police (DCP) n’était visiblement plus en odeur de sainteté. Sa relation avec le commissaire Anil Kumar Dip était cependant déjà tendue depuis un bon moment.

Relation avec Anil Kumar Dip

« Ce n’est un secret pour personne : après le départ de Khemraj Servansing comme commissaire de police, Choolun Bhojoo et Anil Kumar Dip étaient en concurrence pour ce poste. Depuis, leur relation a continué de se dégrader », confie un haut gradé de la police qui a suivi le feuilleton de cet affrontement. Il évoque notamment la circulation fréquente de lettres anonymes dans les couloirs des Casernes centrales. « C’était du coup pour coup. Le même jour, on pouvait lire une lettre anonyme faisant le procès du commissaire, puis voir apparaître une autre lettre qui s’en prenait à Choolun Bhojoo. Ces lettres ne font pas honneur à la force policière, car des détails sur la vie privée des deux hommes étaient étalés », précise-t-il.

Special Striking Team : le début de la fin 

La création de la Special Striking Team (SST) en 2022 est perçue par beaucoup aux Casernes centrales comme la carte maîtresse abattue par la direction de la police pour obtenir la mise à l’écart de Choolun Bhojoo. « Si l’on analyse objectivement la situation, il est clair que cette unité antidrogue a été créée uniquement pour faire de l’ombre à l’Adsu, d’autant plus que cette nouvelle équipe peut compter sur le soutien inconditionnel du commissaire de police », avance un haut gradé. Le fait qu’Ashik Jagai, placé à la tête de la SST, répond uniquement au commissaire et n’a aucun compte à rendre à l’Adsu, qui est quand même la principale unité antidrogue du pays, démontre à quel point l’autorité de Choolun Bhojoo a été minée, s’accordent à dire plusieurs sources policières. 

La forte médiatisation des saisies de drogue de la SST a été un coup dur pour l’Adsu et son patron. L’atmosphère est devenue tellement délétère qu’il y aurait eu des tentatives délibérées de plomber certaines opérations de la SST. L’équipe de l’Adsu a, en effet, été dénoncée au plus haut niveau pour avoir « saboté » des informateurs de l’unité de l’ASP Jagai. « De telles actions ont d’ailleurs mis en péril des opérations de la SST portant sur des centaines de millions de roupies », nous confie-t-on.

John Brown, Wayne Attock : des affaires encombrantes

L’abandon des poursuites pour blanchiment d’argent contre John Brant Vivien, alias John Brown, début 2023, et l’affaire Wayne Attock, fin 2022, ont sans aucun doute contribué à la chute de Choolun Bhojoo. « Dans chacune de ces deux affaires qui étaient supervisées par l’Adsu, il semble clair qu’il y a eu un ‘planting’ de drogue. Ces cas ont énormément embarrassé les Casernes centrales et il fallait qu’une tête tombe », affirme une source bien placée à l’Hôtel du gouvernement.

Reward money : autre cas embarrassant

La gestion suspecte des « reward money » (l’argent servant à rémunérer des informateurs de l’Adsu) est considérée comme un autre dossier dont Choolun Bhojoo a payé les conséquences par son transfert. L’ouverture d’une enquête de la commission anticorruption sur l’utilisation de cet argent - enquête dans laquelle le désormais ex-patron de l’Adsu devait être interrogé - a également embarrassé l’état-major de la police, ainsi que le Bureau du Premier ministre.

Fuite d’informations sensibles

Des informations que seule l’Adsu était censée détenir ont été dévoilées par Bruneau Laurette pendant sa manifestation du 29 octobre 2022. D’autres éléments d’information sensibles provenant de l’Adsu ont servi à faire des vidéo-montages dans le but de discréditer la force policière. Ces fuites n’ont évidemment pas joué en faveur du maintien de Choolun Bhojoo à la tête de la brigade antidrogue, selon différentes sources interrogées aux Casernes centrales.

La gestion de Choolun Bhojoo contestée

Selon nos sources, le DCP Bhojoo, qui est pourtant un « senior » parmi les hauts gradés de la police, n’était pas « at the right place ». « Choolun Bhojoo est un excellent policier. Il a servi dans diverses unités, dont la Police Training School et la Special Mobile Force. En 2018, il faisait partie des favoris à la succession du commissaire Mario Nobin. Mais sa gestion de l’Adsu a été pointée du doigt à plusieurs reprises et certains raids ont été vivement critiqués par un bon nombre d’éléments de l’unité. Ce n’est pas un hasard si des policiers de la brigade se sont immédiatement réjouit du départ de leur patron », nous dit-on.

Trois écoles de pensée s’affrontent au sein de la brigade des stups. Certains sont d’avis que le transfert de Choolun Bhojoo est lié à la saga Franklin-Laurette. D’autres pensent que le haut gradé a été muté en raison d’un « profond désaccord avec le bureau du commissaire ». 

Vidéos de planting 

Enfin, une poignée de policiers de l’Adsu estiment que ce sont les récentes vidéos dénonçant des « planting » de drogue, associées aux allégations de Bruneau Laurette, qui sont à l’origine de la mutation de leur chef. « Une chose est sûre, l’Adsu a connu beaucoup mieux comme responsable que le DCP Bhojoo », soulignent des membres de la brigade basés dans l’Ouest. 
Mais pourquoi l’ex-patron de l’Adsu a-t-il été muté à la police de l’aéroport ? Le flou persiste. L’Airport Police est une unité composée d’une soixantaine d’éléments. 

C’est généralement, nous indique-t-on, un officier au rang d’Assistant Superintendant of Police (ASP) ou de Superintendant of Police (SP) qui a la charge de cette équipe.  « L’objectif est-il de pousser le DCP Choolun Bhojoo vers la porte de sortie ? » se demande-t-on dans la police depuis l’annonce de son transfert mardi soir.