Anna Ayacanou a consacré près de 30 ans à l’aviation, gravissant les échelons au sein d’Air Mauritius. De jeune hôtesse à formatrice, elle a vécu une aventure humaine riche, entre passion du métier, défis et sacrifices familiaux. Retour sur son parcours inspirant.
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Les voyages, le côté glamour… Travailler comme hôtesse de l’air était le rêve de nombreuses jeunes filles à l’époque, sourit Anna Ayacanou.
Embauchée en janvier 1978, à l’âge de 19 ans, elle a fait carrière au sein d’Air Mauritius pendant près de 30 ans.
À Le Dimanche/L’Hebdo, elle raconte qu’après avoir grandi en Angleterre et en Australie, elle avait poursuivi sa scolarité à Maurice avant de repartir en Angleterre pour des études qui n’ont, finalement, pas abouti. De retour au pays, elle a postulé pour intégrer la compagnie d’aviation nationale, bien que sa petite taille lui ait laissé peu d’espoir d’être recrutée comme personnel navigant. « Je ne pensais pas pouvoir être acceptée comme hôtesse de l’air, alors j’ai soumis ma candidature pour travailler au sol comme hôtesse d’accueil », confie-t-elle.
Contre toute attente, un poste à bord lui a été proposé. À cette époque, la compagnie s’apprêtait à prendre en leasing son premier Boeing 707, pour ajouter aux petits avions comme le Twin Otter, et ainsi agrandir la flotte de la compagnie. Anna Ayacanou se souvient de sa formation, une immersion dans un monde totalement différent de ce qu’elle vivait. Elle faisait partie d’un groupe de 15 aspirants membres du personnel navigant. La formation commerciale, axée sur le service à bord, a débuté à Maurice sous la supervision d’une assistante cheffe hôtesse d’Air India et de l’hôtesse d’Air France. Puis, les sessions de formation se sont poursuivies à Gatwick, en Angleterre, avec un entraînement rigoureux en sûreté et sécurité aérienne.
« Ce furent six semaines de formation intensive », dit-elle. Une fois la formation terminée, l’équipage était initialement mixte, comprenant un chef de cabine de British Air Tour, du personnel navigant commercial (PNC) anglais et trois Mauriciens, jusqu’à ce que la compagnie aérienne atteigne son autonomie complète avec un équipage entièrement mauricien.
À la fin des années 80, Anna Ayacanou est promue « Flight Purser », devenant responsable des PNC d’un Boeing 707 et opérant sur diverses destinations : Europe, Inde, Afrique. Au début des années 90, elle gravit un nouvel échelon en devenant « Senior Flight Purser » sur un Boeing 747, gérant un plus grand nombre de passagers et de membres d’équipage navigant.
« Même si le métier n’était pas bien rémunéré à l’époque, nous passions des rotations fantastiques d’une semaine avant notre prochain vol, car il n’y avait pas assez d’avions pour rapatrier immédiatement l’équipage. Nous devions nous reposer avant d’enchaîner », explique-t-elle. Par la suite, elle est devenue instructrice commerciale et a animé des sessions de formation pour les aspirants membres du personnel navigant en première classe. Elle a même été envoyée à Genève pour passer son examen d’instructrice.
Ce métier demande une grande capacité d’adaptation (…) Mais malgré les sacrifices, c’est une expérience exceptionnelle»
Pour l’ancienne PNC, quand on travaille à l’international, il faut savoir se cultiver afin d’avoir les mots appropriés, être ouvert aux autres cultures, avoir une bonne culture générale et connaître l’histoire de son pays. « Dans ce métier, on ne peut pas être inculte, il faut au moins être au courant de ce qui se passe dans son pays et dans le monde », fait remarquer Anna Ayacanou.
Entre passion et sacrifices
Tout au long de sa carrière, même lorsqu’elle a occupé des postes au sol, elle devait s’absenter chaque week-end pour évaluer les membres d’équipage, ce qui réduisait encore son temps avec sa famille. « Il faut vivre ce métier pour le comprendre et l’apprécier. Nous étions une petite famille dans les airs, et cette entraide faisait que les vols se déroulaient toujours bien », raconte-t-elle. Les sacrifices étaient nombreux : des nuits sans sommeil, des fêtes familiales manquées, des retours au pays où il fallait rattraper toute l’actualité locale. « On ne peut pas tout avoir », admet-elle.
Malgré son ascension, Anna Ayacanou a pris la décision de quitter la compagnie après 25 ans pour des raisons familiales et le business familial, une chambre d’hôtes dans le nord du pays. Ce qui l’a amenée dans le domaine du service. « Le cœur lourd d’avoir eu à faire ce choix, je n’ai cependant aucun regret », dit-elle.
Rappelée au début des années 2000 pour un emploi à temps partiel, elle a retrouvé le ciel, mais sans les responsabilités de management. « C’était amusant, car je n’avais pas d’équipe à ma charge, tout en accomplissant les missions du personnel de cabine », explique-t-elle avec un sourire.
Anna Ayacanou est convaincue que ce métier est une vocation. « On ne devient pas hôtesse ou steward pour les hôtels cinq étoiles ou le salaire. Ce qui compte, c’est ce que nous apportons aux passagers », insiste-t-elle.
Elle insiste sur l’exigence du métier : « Il faut aimer ce que l’on fait, car il ne s’agit pas seulement de porter un bel uniforme. Il faut être à l’écoute de 150 passagers aux personnalités variées, enfermés dans un avion pendant 12 heures. » Le personnel navigant est bien plus qu’un simple service à bord : il doit savoir écouter, gérer les situations délicates et faire preuve d’un grand sang-froid. « Nous sommes tour à tour infirmiers, parents, confidents et garants de la sécurité des passagers. Nous devons savoir réagir à toutes les situations. »
En tout, elle a cumulé près de 30 ans de carrière chez Air Mauritius, une expérience qu’elle qualifie d’enrichissante. « Nous sommes des insulaires à Maurice. Voyager nous ouvre au monde, nous permet de voir la vie autrement, de rencontrer des personnes différentes et de côtoyer tous les milieux sociaux », souligne-t-elle.
Aux jeunes hésitants, elle conseille de bien réfléchir avant de se lancer. « Ce métier demande une grande capacité d’adaptation. Il faut travailler pendant que les autres dorment, être absent les jours fériés, jongler entre vie de famille et emploi. Mais malgré les sacrifices, c’est une expérience exceptionnelle », affirme-t-elle.
Elle-même a mis un terme à sa carrière alors qu’elle avait un peu plus de 40 ans, par choix personnel. « J’aurais pu continuer, mais j’ai préféré faire de ma famille ma priorité. J’ai vu mes enfants grandir, et je suis heureuse d’avoir pu être là avant qu’ils ne partent faire leurs études à l’étranger. »
Aujourd’hui, Anna Ayacanou affirme qu’elle pourrait écrire un livre sur toutes ces expériences. Ce qu’elle retient, c’est que ce métier inculque au personnel la patience, l’écoute et l’esprit d’équipe. « Nous devons être capables de prendre des décisions rapides et de nous adapter à tout. C’est une vie à l’envers : travailler quand les autres dorment, être absent des événements familiaux… Mais c’est aussi une aventure humaine extraordinaire. »
Souvenirs impérissables
Parmi ses souvenirs marquants, l’un des plus forts reste le vol avec le pape Jean-Paul II. « J’ai eu l’honneur de le servir personnellement avec ma collègue Maryann Garrioch », raconte-t-elle avec émotion. À bord, il y avait également cinq cardinaux, et chaque détail du service devait être exécuté avec une précision absolue. Elle se souvient aussi d’un vol avec la princesse Anne, ainsi que de nombreuses anecdotes cocasses avec les passagers. « Il fallait savoir garder son sérieux dans certaines situations hilarantes », dit-elle.
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