Amoordalingum Pather: « Je serai aussi indépendant que me l’autorise la MBC Act »

Après 38 ans de carrière à la Mauritius Broadcasting Corporation, Amoordalingum Pather, qui y a fait ses débuts comme technicien, a été nommé directeur général de la radiotélévision nationale vendredi. Celui qui dit prôner le dialogue a officiellement pris ses nouvelles fonctions lundi après-midi.

Un professionnel de l’audiovisuel

Amoordalingum Pather compte 42 ans au service dans l’audiovisuel. Il a débuté sa carrière comme technicien à la MBC avant de gravir les échelons et de devenir le directeur du département d’ingénieurs. Il a été directeur général par intérim de la station de septembre à décembre de l’an 2000 et a été membre du conseil d’administration de la société en tant que représentant des employés. Amoordalingum Pather a aussi été le Chief Executive Officer de Multi Carrier (Mtius) Ltd. Avant d’accepter le poste de directeur général, il était consultant dans le privé. Marié, il est père de deux enfants. [blockquote]« Chacun aura sa chance de mériter sa place à la MBC. Ceux qui ne suivront pas le pas...  »[/blockquote] Vous attendiez-vous à cette nomination ? On m’a approché et il y a eu plusieurs consultations... « On »… Vous parlez de qui ? Ceux qui s’occupent du dossier MBC. J’ai aussi rencontré le Premier ministre. Et ces consultations  remontent à quand ? À plusieurs semaines. Et vous avez décidé d’accepter l’offre… Je n’avais aucune raison de la refuser. Avez-vous réfléchi longtemps avant de l’accepter ? C’est un gros défi qui se présente à moi. La MBC est une organisation que je connais très bien. En fait, je peux dire que j’y ai grandi. J’y ai passé ma jeunesse et j’ai vieilli avec elle.  Je suis un vieux routier. J’accueille cette nomination avec beaucoup d’humilité et je vais me laisser guider par le sens du devoir. Quelle est justement votre définition du sens du devoir ? Sans vouloir me vanter, je ne vais pas affirmer que je connais tout. Mais si à mon niveau, je peux contribuer à donner un boost à la société, à la mettre sur la bonne voie, ce sera la cerise sur le gâteau. Ce sens du devoir fait-il de vous un « nominé politique » ? Je suis un technocrate et je suis apolitique. Avez-vous établi des « conditions » par rapport à votre latitude de fonctionnement ? On m’a dit que j’évoluerais en toute indépendance selon les dispositions de la MBC Act. Et celles-ci sont très claires. Donc, je serai aussi indépendant que me l’autorisera la MBC Act. En vrai professionnel, je vais travailler dans ses paramètres avec le gouvernement du jour. Qui ça « on » ? Ceux avec qui j’ai discuté avant de signer mon contrat. Le nouveau directeur général de la MBC saura-t-il tirer une ligne de démarcation entre ses nouvelles fonctions et ses amis de toujours ? I value friendship. Mais je suis un professionnel. Je suis à la fois un technocrate et un gestionnaire. Je connais le système. Il ne faut pas oublier que j’y ai déjà assumé le poste de directeur adjoint en 2000. La ligne de démarcation est là et je saurai en prendre compte dans mes interactions. Pensez-vous avoir le soutien des employés, tous grades confondus ? Tout le monde sera on board et tout le monde aura sa chance. En retour, j’attends des résultats en termes de productivité. Le directeur général Pather n’est pas différent de l’ancien employé Pather. C’est quelqu’un qui pratique et prône le professionnalisme. Il attend de même de tous les employés de la MBC. On est une équipe, mieux encore, une grande famille. Et dans une famille, les maîtres-mots sont la discipline, la confiance, l’entraide, l’engagement et la loyauté. Cela veut tout dire. Quid de l’esprit clanique qui y existe ? Il n’y a pas qu’à la MBC que des clans existent. En tant que directeur général, je prônerai un style de gestion qui va aller au-delà de l’esprit clanique. Bizin fer pei bouz an avan et pa al an aryer. Je suis de nature optimiste et je suis sûr de pouvoir le faire. Quel est le top de votre liste des priorités ? Le contenu. Contenu de quoi ? De la programmation, surtout de la télévision, mais aussi de la radio. Cela inclut aussi  l’information. Maurice est un petit pays et pour moi, la cohésion sociale et l’interculturalité sont très importantes. MBC se lakaz lepep sa et je veux qu’elle le reste. Et vous pensez pouvoir faire plaisir à tout le monde… Il n’est pas question de faire plaisir à tout le monde. Il est ici question de faire son travail et de bien le faire.  Et je suis sûr que de cette manière, tout le monde sera content. Cela dit, il faut comprendre la différence entre le privé et le public. Puisque vous parlez de cette différence, ne serait-il pas temps que la MBC ait une concurrente privée ? La concurrence existe dans toutes les organisations. Et un peu de compétition n’a jamais fait de mal à une organisation, bien au contraire. Dans le cas de la MBC, il y a déjà la concurrence, que ce soit avec les chaînes satellitaires et les Web TV. De nos jours, ce qu’on appelle le online viewing est quelque chose de très normal. Vous accueillerez donc avec sérénité la télévision privée ? Nous sommes en démocratie, tout compétiteur est le bienvenu. Nous avons déjà trois  radios privées. Et c’est moi qui ai eu l’honneur de le faire en l’espace d’une année. Pour ce qui est de la télévision privée, je dirais chaque chose en son temps. Et ce temps n’est pas encore arrivé… Cela ne dépend pas de moi. En tout cas, le professionnel de l’audiovisuel que je suis accueillera cette nouvelle étape avec sérénité. Qu’est-ce qui empêche, par exemple, la MBC Radio de devenir aussi populaire que les radios privées ? Je ne pense pas qu’il y a un problème au niveau de la MBC Radio. Le fait demeure qu’il y a trois radios privées et une multitude de chaînes FM. La MBC Radio fait ce que font les radios privées, mais une personne ne peut écouter plusieurs chaînes à la fois. Et il ne faut pas oublier non plus que les radios privées n’ont pas les mêmes contraintes que le service public. Ne serait-il pas temps de revisiter la MBC Act ? Cette décision n’est pas de mon ressort. Ma mission, c’est d’améliorer la MBC. Serait-ce un aveu que la MBC ne fonctionne pas comme il le faut ? Je parle d’améliorer le fonctionnement actuel dans lequel il n’y a pas que du mauvais. Sakenn amenn so ti blok. Mwa osi mo pou amenn pou mwa. Je veux que la MBC soit la fierté non seulement du pays, mais aussi de la région. Question qui fâche : la redevance est jugée trop élevée... Elle est justifiée, étant donné le nombre de chaînes et de facilités que nous offrons. Rs 150, c’est peanuts pour ceux qui peuvent payer. Il ne faut pas oublier que ceux au bas de l’échelle bénéficient d’un tarif minimal. La MBC serait surnuméraire en termes d’employés... Je  prône le rightsizing, c’est-à-dire le redéploiement en termes de compétences et de besoins. Des licenciements en vue ? Chacun aura sa chance de mériter sa place à la MBC. Ceux qui ne suivront pas le pas... Quel sera le style Pather ? Je laisse la porte ouverte au dialogue.