L’aliénation parentale est un phénomène qui prend de l’ampleur dans des cas de divorce et séparation. Elle peut entraîner des effets néfastes sur la vie d’un enfant. Qu’est-ce que l’aliénation parentale ? Quels sont les conséquences et les effets sur la vie d’un enfant ? Comment la Cour gère-t-elle cette situation ? Éclairage avec Me Melany Nagen qui est également chargée de cours en droit à la Middlesex University Mauritius.
Pouvez-vous m'expliquer ce qu'est l'aliénation parentale ?
L’aliénation parentale, un terme peu connu, est un élément conséquentiel dans les cas de divorces ou séparations hautement conflictuelles, impliquant exclusivement des disputes liées aux droits de garde de(s) enfant(s). Elle est décrite comme étant une campagne de dénigrement intentionnelle d’un parent à l’encontre de l’autre conjoint visant à créer de l’amertume. C’est dans le but de mettre une distance entre les enfants et l’autre conjoint. Ainsi, l’enfant se retrouve dans une position où il est forcé à choisir entre deux figures parentales.
L’aliénation parentale a été découverte et analysée depuis 1985 par l’éminent Richard Alain Gardner, professeur en pédopsychiatrie et psychanalyste de l’université Colombia, à New York. Selon lui, « l’aliénation parentale est un processus qui consiste à programmer un enfant pour qu’il haïsse un de ses parents, sans justification apparente. Lorsque le symptôme est présent, l’enfant apporte sa propre contribution à la campagne de dénigrement du parent aliéné ».
Parlez-nous des effets sur les enfants
Pour l'enfant, cette situation est particulièrement difficile à vivre. Il aime également le parent évincé, cherche le contact, mais se voit interdire d'approcher ou de vivre une relation apaisée avec lui ou elle. De plus, l'autre parent n'apprécie pas que son enfant entretienne de bonnes relations avec celui ou celle qu'il considère comme responsable de la destruction de la famille ou qu'il ou elle puisse s'occuper de ses enfants. L'enfant se retrouve ainsi pris dans un conflit de loyauté qui le conduit à vivre sous l'emprise de son parent aliénant.
Un enfant se retrouve ainsi au milieu d'un jeu pervers entre ses parents, où il apprend à vivre sous l'emprise et la domination du parent aliénant. Par conséquent, l'enfant ne réalise pas qu'il est soumis à une forme de maltraitance psychologique appelée le « syndrome d'aliénation parentale ». Les répercussions psychologiques de ce syndrome peuvent être néfastes pour l’enfant, car il peut conduire celui-ci ou celle-ci à expérimenter des troubles de l’attachement, une dégradation de l’estime de soi ou même avoir une vision déformée de la réalité.
Est-ce que l’aliénation parentale est-elle punie par la justice ?
Malheureusement à Maurice, malgré le fait que les aliénations parentales soient très récurrentes, les agissements subtils des parents aliénants restent impunis. Cependant, un juge peut émettre un ordre ordonnant qu’un parent s’abstienne à des actes qui peuvent aliéner l’enfant. Si ce dernier fait fi de cet ordre, il sera poursuivi pour outrage.
Quels éléments contribuent à l'aliénation parentale ?
Les facteurs ou évènements déclencheurs des instances d’aliénation parentale sont normalement, en premier lieu, le divorce ou la séparation des parents, surtout si la rupture est d’origine conflictuelle. Les ressentiments tels que la douleur, la haine, le sentiment de trahison sont souvent les facteurs qui contraignent un parent à aliéner l’enfant de l’autre parent.
En outre, la formation d'une nouvelle relation par l'un des parents peut entraîner de l'amertume chez l'autre conjoint, conduisant à une campagne de rejet de ce parent par l'enfant. De ce fait, l’arrivée d’un(e) nouveau(elle) partenaire dans la vie d’un des parents peut accroitre les tensions ou les insécurités préexistantes menant ainsi à des instances d’aliénation.
Quelles sont les conséquences dans un divorce ?
Lors d’une séparation ou d’un divorce, les enfants en bas âge sont souvent au centre du conflit opposant leurs parents. Par conséquent, il peut arriver que les enfants soient placés dans un conflit de loyauté entre leur père et leur mère. Les parents qui obtiennent la garde des enfants n’ont pas toujours la bienveillance de maintenir de bonnes relations avec ceux évincés.
Que se passe-t-il en cas de divorce ?
Dans de nombreux cas de divorce marqués par des sentiments de colère ou de douleur, le parent qui se sent blessé et a obtenu la garde peut parfois chercher à dénigrer l'image de l'autre parent aux yeux des enfants. Cela peut se manifester par des efforts pour empêcher tout contact entre l'autre parent et les enfants, sans prendre en compte les conséquences psychologiques que cela peut avoir sur ces derniers.
Que proposez-vous ?
Je propose qu’un amendement de la Children’s Act 2020, soit effectué afin d’implémenter des mesures qui peuvent protéger des enfants de l’aliénation parentale. Car c’est indéniable que les effets de ces conflits internes que subissent les enfants déforment leur réalité sur leurs relations à l’âge adulte.
Comment le tribunal gère-t-il cette situation ?
Lors des auditions, le parent aliénant peut contraindre l’enfant influencé de choisir de rester exclusivement avec lui. Dans ce cas, l’enfant va rejeter l’autre. Souvent, on observe que des allégations non fondées sont formulées afin de priver l’autre parent de ses droits de garde ou de visite. C’est dans ces situations que le recours à un avocat ou un avoué s’avère nécessaire pour établir le phénomène d’aliénation parentale. L’avocat guidera le parent aliéné dans les sphères d’expertises à prouver les faits, ainsi que les démarches à effectuer pour jouir à nouveau de ses droits parentaux.
Parfois, c’est le juge lui-même qui préconise les services d’experts pour savoir s’il y a un syndrome d’aliénation parentale. En revanche, si la situation n’est pas flagrante, le parent aliéné pourrait être injustement privé de ses enfants, faute d’expertise. C’est ici qu’intervient l’avocat, de préférence expérimenté en matière de violence conjugale et en droit de la famille. Ce dernier peut demander une enquête sociale ou des consultations auprès de spécialistes médicaux, par exemple, un psychothérapeute afin de vérifier si l’enfant a été victime d’aliénation parentale.
Ne pensez-vous pas qu’il est temps de venir avec une législation pour combattre ce fléau qui prend de l’ampleur ?
Je pense que lors de la promulgation de la Children’s Act en 2020, une section de cette loi aurait pu être ajoutée pour répondre aux problèmes que font face les enfants lors des procédures de divorces ou de séparations, particulièrement dans les cas de divorces hautement conflictuels impliquant les enfants. Cela aurait permis de mieux protéger ces derniers dans de telles situations.
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