Alain Genestar, ancien directeur de rédaction à Paris Match et actuel directeur de publication et fondateur de Polka Magazine, estime que la presse est en pleine révolution, mais que la vieille presse se porte mal. Il animera mardi pour Le Défi Media Group une conférence sur le thème ‘Médias, Communication et Publicité’.
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Que pensez-vous de l’évolution de la presse? Quand on parle de la presse, on pense aux quotidiens et grands magazines créés au siècle dernier. Cette presse-là, soit elle est morte parce qu’elle n’a pas bougé, soit elle va mourir parce qu’elle a bougé trop tard, soit elle commence à s’en sortir parce qu’elle a fait de bons choix et contracté de bonnes alliances. La presse ’d’avant’ n’est pas en grande forme. Pourquoi? Parce que ses structures sont trop lourdes, dépassées. Aujourd’hui, il est impossible économiquement de faire un magazine avec 200 journalistes. On peut faire le même magazine avec moitié moins de monde. Et la vérité, impossible à dire, c’est qu’on peut faire un meilleur magazine avec trois fois moins de journalistes, mais à condition d’en embaucher de nouveaux, donc d’en licencier davantage. Ce qui est humainement insupportable et juridiquement impossible. C’est une révolution violente, parce que rapide. Comment s’adapter sans périr? Des solutions? Il n’y pas de solutions miracles, mais un ensemble de solutions qui, mises ensemble, créeront de nouveaux modèles. Cette révolution, si elle a consacré le triomphe du numérique, n’a pas tué définitivement l’écrit. Il y aura toujours des livres et des journaux imprimés. On assiste à la création de nombreux magazines nés en structure légère, grâce à l’internet, et qui ont profité de la crise des dinosaures en voie de disparition. De nouvelles sources de financement sont apparues dans la publicité qui est aux avant-postes de ce bouleversement. Ce qui se passe dans la pub est phénoménal. Elle est passée de la publicité de marque, issue elle-même de l’ancienne réclame, à un processus très sophistiqué de communication où les réseaux sociaux jouent un rôle essentiel. Le rôle de la photo dans cette révolution? À Polka, nous avons un principe : pas de photo, pas d’histoire ! Un peu radical comme principe. Mais nous sommes un magazine axé sur l’image. Pour les autres, la photo est moins importante, mais elle doit être essentielle. On est entré en profondeur dans la civilisation de l’image. Ce qui impose de publier ou de diffuser de ‘bonnes photos’. C'est quoi une ‘bonne photo’ ? C’est une photo qui n’est pas une simple illustration. C’est une photo qui est source, datée, légendée, mise dans son contexte, prise par un professionnel comme un bon texte bien écrit, avec des infos et du style écrit par un journaliste professionnel. Une bonne photo a du sens et elle vous informe, vous éclaire, ne vous trompe pas si elle est prise par un authentique photographe. Doit-on tout montrer? Oui, notre métier est ’plutôt’ de tout montrer, à condition que ce soit indispensable à l’information et que ce qui est montré ne porte pas atteinte à la dignité des personnes. C’est ce que dit la loi française, qui est, hélas, la plus contraignante du monde en matière de droit à l’image. Des lois similaires existent dans les démocraties. Au-delà de la loi, il y a notre propre éthique et cette question : où est la frontière entre le supportable et l’insupportable, entre l’information violente et ce qui relève d’une forme de voyeurisme? Cette question, on se l’est dramatiquement posée lors des attentats du 13 novembre, qui se sont produits à 300 mètres des locaux de Polka. Nous avons décidé de ne pas diffuser sur notre site, et tous les médias français ont fait de même, les photos terrifiantes de l’intérieur du Bataclan parce que la vision de l’horreur était insupportable et n’informait pas. Ce n’est pas un objet de polémique, ni une question juridique, mais une affaire de conscience Y-a-t-il une nouvelle histoire des médias’? Oui. Elle s’écrit en ce moment. Partout dans le monde, en Europe comme à Maurice, et sur tous les continents. Cette histoire remet les compteurs à zéro. Bien sûr, les plus riches auront toujours des avantages. Mais le numérique ne nécessite pas des investissements lourds, ni un environnement industriel surdéveloppé ou un contexte économique fort. Tout le monde peut y participer, inventer ou créer, tant dans la Silicon Valley, à Paris, dans une banlieue de New Delhi ou sous le soleil mauricien. C’est une histoire mondiale et en fait démocratique, car ouverte au plus grand monde. Sur un plan plus personnel… Paris Match? C’est une histoire sans intérêt. C’est l’histoire d’un mec qui était directeur de Paris Match et qui s’est fait viré parce qu’il a fait son métier. Je ne suis ni un symbole, ni surtout une victime. Et Polka? C’est justement à cause de la ’vieille histoire sans intérêt’ et grâce à la nouvelle grande histoire des médias que Polka a pu naître. Donc merci Sarko, et merci à l’internet! Huit ans après, Polka Magazine est un magazine de 220 pages qui diffuse chaque trimestre à 33 000 exemplaires, compte 150 000 lecteurs avec, en plus d’un site, une grande activité sur les réseaux sociaux et des applications sur i-pad et i-phone. Notre équipe compte 12 personnes avec un réseau de plus de 100 photographes. En 2016, on s’apprête à se lancer dans la production de contenu numérique pour participer à cette aventure belle et risquée. Le risque, c’est le parfum de l’aventure.
Une carrière bien remplie
Âgé de 65 ans, Alain Genestar a démarré sa carrière de journaliste au Monde puis aux Echos. Il a dirigé L'Echo Républicain, le Journal du Dimanche et Paris Match. Il fonde Polka Magazine et sa galerie de photos en 2007. Il a aussi été journaliste radio- Europe 1, RFi, France Info. Il donne des cours à Sciences Po et a écrit des romans et des essais.
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