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Conférence sur l’évolution des médias - Alain Genestar: «La liberté ne s’use que si l’on ne s’en sert pas»

Alain Genestar, ancien directeur-général de la rédaction de Paris-Match, a, lors d’une conférence organisée par Events Plus, mardi, parlé de l’évolution des médias. Le numérique ne tue pas la presse, mais la force à se réinventer. Cela se passe notamment par la photographie. Le ton est sobre, les mots sont justes et l’analyse est fine. Voilà, résumée en une phrase la conférence d’une journée donnée par Alain Genestar, mardi, à l’hôtel Intercontinental, Balaclava. L’événement était organisé par Events Plus. L’ancien directeur-général de la rédaction de Paris-Match, actuellement chroniqueur sur France Info et fondateur et directeur du trimestriel Polka, a brossé une photo de la situation actuelle de la presse face aux défis technologiques tout en élaborant le futur des médias dans le même contexte. De photos, il en a d’ailleurs beaucoup été question. En tant que passionné du sujet, Alain Genestar se positionne comme un défenseur du photo-journalisme. D’ailleurs, sa dernière création, Polka, née en 2007, donne toute sa place à ce genre journalistique.
Avec un tirage de 34 000 exemplaires et une circulation de 170 000, cette publication française est un succès en son genre. Lancée en pleine crise économique et quand la presse dite traditionnelle est en plein déclin, Polka a dû jouer sur un registre différent pour exister. « La vocation est de parler de l’image, tout en montrant des photos », raconte Alain Genestar. Le secret de la réussite est dans l’originalité. « Nous sommes à la bifurcation et c’est tout sauf l’impasse », précise-t-il tout en reconnaissant que « le virage a été rapide et certains ont viré trop vite. Soit ils n’ont pas réagi assez rapidement, soit ils ont investi trop tôt sans qu’il y ait un retour en face ». La force de l’Internet est telle que les médias sont obligés de s’adapter pour survivre. « C’est la victoire éclatante des grands révolutionnaires qui reposent aujourd’hui sur des empires », avance Alain Genestar en prenant pour exemples Facebook, Instagram ou Twitter. « Ils y ont cru avant les autres et ont inventé avant les autres ». Ceux qui ont le plus souffert, ce sont « les anciens médias ». L’évolution a été trop rapide et l’impact s’est ressenti jusque dans l’actionnariat de grands journaux et magazines. Place a été faite à des investisseurs venus du monde des affaires et des finances. « Il ya eu des conséquences dramatiques avec des licenciements, pour les tirages et les métiers autour des publications, tels que dans la distribution et dans l’imprimerie ».

La pub se repense

Tout comme les médias, la publicité se repense. L’Internet rend la page de publicité imprimée dans un journal moins séduisante pour les annonceurs. Par contre, les réseaux sociaux et les sites d’information ouvrent la porte à une myriade de possibilités. Cela explique d’ailleurs pourquoi les publicitaires optent de plus en plus pour la toile. Selon Alain Genestar, en 2018, le monde de la publicité dépensera davantage pour la promotion de ses produits sur Internet qu’à la télévision. Un créneau récent est le « brand content », ou contenu de marque en français, qui se décline sous plusieurs formes. Parmi, la production de films, d’émissions, de reportages et autres. La réclame est de plus en plus relayée aux oubliettes. « De la publicité qui se regarde avec plaisir ou intérêt », résume Alain Genestar. L’internaute n’étant pas particulièrement friand de publicité, il a aujourd’hui les moyens technologiques très simples, à travers des « ad blockers » de biffer la publicité. Ce qui oblige les publicitaires à donner dans l’originalité. « L’Internet permet de créer des choses qui n’auraient jamais existé ».

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Mais, il n’y a pas lieu de sombrer dans le défaitisme. « Il y a des raisons d’y croire. La transformation de la presse va dans la bonne direction. (…) Si certains se trouvent en difficulté, c’est qu’ils n’ont pas bougé au bon moment ou avaient des structures trop lourdes. Aujourd’hui, un meilleur magazine peut être fait avec un investissement moindre ». Les nouvelles technologies ont vu l’émergence d’une nouvelle presse, plus pointue et plus spécialisée, bien que, constate le patron de presse, « les médias traditionnels résistent le mieux en se développant avec l’Internet, même s’ils ont beaucoup souffert ». Conclusion : « les nouveaux médias n’ont pas tué les anciens médias ». Des exemples, il y en a. Au New York Times, la publicité augmente année après année, tout comme le nombre de lecteurs. Il est aussi vrai que le chiffre d’affaires a baissé pendant quelque temps. Les bénéfices ont cependant fait un bond de 70% en 2014.  
   

Tout publier ?

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Le triomphe de l’image

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"5364","attributes":{"class":"media-image aligncenter size-full wp-image-10606","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"1920","height":"1280","alt":"Alain Genestar"}}]]Le numérique a permis « le triomphe de l’image ». Il n’y en a jamais eu autant. « L’Internet a provoqué un tsunami d’images ». Les chiffres donnent le tournis. Facebook, c’est 3 000 images téléchargées par seconde. Chez Instagram, on en est à 5 millions quotidiennement. Paradoxalement, alors que l’image est omniprésente, « le photo-journalisme est en crise ». La raison est simple : pour réduire les coûts, les publications se fournissent auprès des banques de données. Or, estime Alain Genestar, « la photographie de presse, c’est la haute couture », alors que les banques de données, ce sont les supermarchés de l’image. à la longue, ce phénomène est au détriment des journaux et des magazines, car l’on ne peut plus parler d’exclusivité. Citant des photographes comme Sebastião Salgado, Robert Kappa  ou encore Nick Ut, dont des photos ont été diffusées durant la conférence, Alain Genestar fait la démonstration de l’impact de la photo. « Il faut continuer à vivre la presse à travers ses photographes », insiste-t-il. Et de préciser que « les photos sont nécessaires à la compréhension du monde ». Qu’en est-il du paparazzi ? demande un membre du public. « Il vole une image », répond Alain Genestar. « Il joue son rôle en étant un voyou, mais celui qui prend la responsabilité est celui qui décide de publier cette image ». Avec les « smartphones » et autres appareils photo numériques, la prise d’images s’est fortement démocratisée. L’amateur sur les lieux d’un événement fera office de véhicule de l’information, alors que « le photographe de presse entre dans une histoire et la raconte. C’est un grand métier ».
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