En ce mois de janvier où il a beaucoup plu, le stock alimentaire du pays a pris un sale coup. Environ 75 à 80% de la production de légumes ont été affectés par les averses. Obligeant le gouvernement à décaisser pour importer 36 tonnes de légumes. La sécurité alimentaire du pays est de nouveau mise rude épreuve.
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La dépendance de Maurice sur l’importation de produits alimentaires s’accroît d'année en année. Selon les chiffres compilés auprès de Statistics Mauritius, le capital voté pour l’importation de produits agricoles est passé de Rs 21.4 milliards à Rs 24.1 milliards entre 2012 et 2016. Ces produits comprennent la viande, les produits laitiers, les œufs, les poissons et autres fruits de mer, les céréales et les fruits et légumes, entre autres. Si, au niveau des céréales, on note une baisse en termes d'importation entre 2012 et 2016 (riz : Rs 1,5 milliard en 2012, Rs 1,4 milliard en 2016, Rs 997,5 millions en 2012 et Rs 680,2 millions en 2016), les autres produits importés enregistrent une importante croissance. Notamment pour les produits à base de viande. Si son coût d’importation était de Rs 1,4 milliard en 2012, les chiffres sont passés à Rs 1,9 milliard en 2016. L’on enregistre aussi une hausse concernant l’importation des pommes de terre, soit Rs 173.5 millions en 2013 et
Rs 244.5 millions en 2016.
Une comparaison au niveau de terres allouées à la production agricole donne aussi un aperçu des difficultés du pays à devenir autonome. Il y a eu une baisse conséquente en ce sens. Le rapport de Statistics Mauritius précise que les terres dédiées à la production alimentaire sont passées de 8124 hectares à 7766 hectares entre 2012 et 2016. Alors que la production est passée de 121 106 tonnes à 106 271 tonnes pour la même période. Les légumes qui ont enregistré les plus importantes baisses de production sont la pomme de terre, 20 442 tonnes en 2013, 16 326 tonnes en 2016. De plus, alors que Maurice a assuré la production de 13 150 tonnes de tomates en 2012, seulement 10 136 tonnes ont été produites en 2016. Même tendance pour l’aubergine qui a accusé une baisse de production de 489 tonnes. La production de la carotte a souffert d’une baisse de 1 420 tonnes. La production entre 2012 et 2016 est passée de 3 803 tonnes à 2 383 tonnes entre 2012 et 2016.
Aucun objectif chiffré n’a été fixé aux nombreux bénéficiaires de ces plans d'aide.
La production alimentaire est, de ce fait, en baisse comme démontré par les chiffres illustrés plus loin. En revanche, la consommation par tête d’habitant enregistre une croissance à plusieurs niveaux. Par exemple, la consommation de farine de blé est passée de 75.79 kilos par tête d’habitant à 88.20 kilos entre 2009 et 2016. La même tendance est observée concernant la consommation de fruits frais. De 21.22 kilos par tête entre 2009 et 2016.
L’on a pourtant tenté de faire plusieurs efforts au niveau des autorités et au niveau du ministère de l’Agro-industrie afin d’améliorer la production locale et ainsi assurer la sécurité alimentaire. Toutefois, les résultats ont visiblement été vains comme l’atteste le bureau national de l’Audit dans un rapport publié en février 2017. Il a notamment révélé une injection financière de Rs 110 millions par le ministère entre 2013 et 2015 sous forme de subventions et de plans d’aide visant à encourager la production agricole. Rs 189 millions ont aussi été injectées dans le Seed Purshcase Scheme (plan d’achat de semences).
Des investissements qui n’ont pas été de grande utilité, a fait remarquer le bureau de l’Audit. Le rapport n’a pas manqué de pointer le ministère du doigt pour ne pas avoir suffisamment mené des recherches et des études avant de procéder à l’élaboration des différents plans d’aide et de subventions. Aucun objectif chiffré n’a été fixé aux nombreux bénéficiaires de ces plans d'aide. Le rapport souligne que le ministère s’est contenté de quelques réunions informelles avec les planteurs et les fermiers. Il faut aussi souligner que les planteurs n’ont pas manifesté de réel enthousiasme pour les différents plans d’aide du ministère. Le nombre de planteurs qui en ont bénéficié pour la période 2013 à 2015 ne sont que 32. Un chiffre insignifiant, selon le bureau national de l’Audit qui fait ressortir qu’on recense 11 171 planteurs selon le Food and Agricultural Research and Extension Institute (FAREI).
Les propositions du ministère
Les plantations de légumes diminuent d’année en année malgré les différentes mesures mises en place par le ministère de l’Agro-industrie. Pour le premier semestre de 2017, ce sont 41 989 tonnes qui ont été récoltées contre 44 175 pour la période de 2016.
Même si le ministère de l’Agro-industrie a mis en place des mesures afin d’augmenter la production de cultures stratégiques, de même que le lait et la viande, afin d’atteindre un niveau appréciable d'autosuffisance, le pays continue de miser sur l’importation. En temps cyclonique et de grosses pluies, le gouvernement se retrouve dans l’obligation d’importer certains légumes des pays avoisinants. Rien que pour le premier semestre de 2017, seulement 3332 hectares de terres ont rapporté des légumes contre 3766 pour le premier trimestre de 2016, ce qui constitue une baisse de 11.5%.
Le ministère mise actuellement sur le développement de ce secteur à travers le traitement de produits agricoles primaires pour réduire progressivement notre dépendance sur les importations et encourager l'agriculture biologique pour la production de produits alimentaires plus sains. C’est dans ce contexte que le gouvernement est venu avec plusieurs mesures.
« Ce secteur a été revu et il est en train d’être consolidé avec de nouveaux plans avec l'appui efficace en matière d’assistance technique et financière.
Une nouvelle variété de pommes de terre, la ‘safari’, a été lancée », souligne un cadre du ministère. Aujourd'hui, la consommation de ce produit est de 24 000 tonnes. Le pays produit quelque 18 000 tonnes. Pour compenser la production locale et satisfaire la demande grandissante, Maurice importe des pommes de terre principalement de l’Inde.
Le Food and Agricultural Research and Extension Institute (FAREI) soutient les planteurs en leur apportant l’assistance technique et la formation. C’est l’industrie sucrière qui est à la base de presque la totalité de la production locale. Le reste est produit par des petits planteurs (sociétés coopératives et planteurs individuels), en grande majorité sur des terres louées avec l’industrie sucrière. Chaque Mauricien consomme en moyenne 20 kilos de pommes de terre par an.
Quant aux oignons, la consommation annuelle est de 17 000 tonnes, alors que la production locale tourne autour de 6 000 à 8 000 tonnes, le reste est importé. La consommation mensuelle varie entre 1 200 et 1 300 tonnes.
C’est quoi le Sheltered Farming ?
Le Sheltered Farming est un système de produire des légumes qui sont protégés et les légumes sont toujours cultivés dans la terre. Le but de venir avec ce projet, c’est de permettre aux agriculteurs d'atténuer les effets de conditions climatiques défavorables; d'améliorer la capacité de production et la qualité des produits agricoles. Mais le projet a un coût qui décourage les planteurs. Le projet était auparavant limité à la culture vivrière, maintenant il est étendu à d’autres activités. Car le ministère de l’Agro-industrie veut que les planteurs changent leur façon de planter. Tous les producteurs agricoles et les promoteurs potentiels dans le domaine de l’agriculture bénéficient d’un plan d’assistance financière pour les encourager à venir avec le ‘Sheltered Farming’. Maintenant, ceux qui sont dans la culture ornementale, la culture fruitière, la culture hydroponique et la culture organique peuvent aussi bénéficier de cela.
Autosuffisance alimentaire
Eric Mangar : « Les légumes cèdent la place au béton »
Le directeur du Mouvement pour l'autosuffisance alimentaire, Eric Mangar, indique que les terres fertiles cèdent la place au béton et qu’il faut avoir un cadre défini pour la plantation.
Eric Mangar souligne qu’à Maurice, l’autosuffisance alimentaire est importante, car le pays dépend beaucoup sur l’importation. « Le pays importe 75% de produits, incluant le riz et le blé, consommés par la population. Dans le passé, plusieurs études ont été réalisées concernant les oignons et les pommes de terre. Cependant, ces derniers temps, ceux qui veulent se lancer dans la plantation n’ont pas d’espace. De nos jours, on voit des bâtiments qui s’érigent sur des terres fertiles qui servaient jadis à la culture », souligne-t-il.
Selon Eric Mangar, il faut se demander si les bâtiments sont plus importants que la plantation de légumes. Il précis, qu’annuellement, entre 800 et 1000 hectares sont alloués aux projets immobiliers. « Nous devons avoir un cadre bien défini sur la plantation et nous constatons que les projets de Smart Cities sont en train d’être conçus sur des terres fertiles, ajoute-t-il. Il y a aussi le fait que, dans certaines régions de l’île, les terres ne sont plus autant fertiles, car il y a eu un abus de produits chimiques. »
Jean-Cyril Monty : «Il faut revoir la structure de la culture de légumes»
L’agronome Jean-Cyril Monty est catégorique : Maurice ne peut être autosuffisant en produits alimentaires, car il est un important importateur de riz et de blé. Concernant la culture de légumes qui est affectée par le changement climatique, il préconise de nouvelles structures.
Est-ce que Maurice peut devenir autosuffisant sur le plan alimentaire ?
Non. C’est impossible. Maurice est autosuffisant en légumes, sauf pour les oignons, les pommes de terre, l’ail et, dans certains cas, les carottes qui ne représentent que 5%. Ces dernières années, on a vu l’évolution du changement climatique. De 2011 à 2016, on a eu des conditions défavorables à la plantation en début d’année. Le changement climatique a affecté la production de plusieurs légumes et le gouvernement a dû avoir recours à l’importation de légumes. Tout cela doit être revu. Le pays importe le riz et la farine et cela représente 75% de nos importations. Donc, c’est impossible d’être autosuffisants.
Est-ce que la solution se trouve dans le Sheltered Farming, comme préconisé par le gouvernement ?
Est-ce que l’on doit continuer à demander aux planteurs de cultiver dans les mois de septembre pour ensuite subir des pertes en janvier pendant la période de récolte ? Les planteurs doivent-ils continuer à prendre des risques en espérant que leurs plantations ne seront pas abîmées. Le gouvernement mise beaucoup sur le Sheltered Farming, mais il existe plusieurs autres problèmes. On ne peut empêcher les inondations dans les plantations et cela coûte une fortune. Pour un demi-arpent, cela se chiffre à quelque Rs 600 000. Sans compter qu’avec le fort taux d’humidité, des plantes du Sheltered Farming sont exposées aux infections bactériennes. Du coup, une fois que les terres sont affectées, elles finissent par devenir stériles et, de ce fait, les planteurs ne peuvent plus les cultiver.
Quelle est la solution dans ce cas ?
Il faut revoir la structure de la culture de légumes. Il faut venir avec la transformation. Pour cela, il faut avoir de la volonté, car dans tout nouveau projet, il y a des obstacles. C’est uniquement avec la transformation que l’on peut revoir le secteur agricole et cela va permettre la survie de ce secteur. En ce moment, Maurice importe plusieurs légumes qui sont déjà transformés dans des sachets que les Mauriciens consomment. Pourquoi ne pas transformer les légumes que les planteurs cultivent ?
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