Huit ans après son arrestation pour conflit d’intérêts, le leader du Mouvement socialiste militant (MSM), Pravind Jugnauth, a été exonéré de tout blâme par la plus haute instance d’appel de notre système judiciaire, le lundi 25 février. Le Judicial Committee du Conseil privé a maintenu la décision de la Cour suprême de l’innocenter. Un revers pour le Directeur des poursuites publiques qui avait contesté l’acquittement du Premier ministre.
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Un point soulevé en appel devant le Conseil privé a suffi pour innocenter Pravind Jugnauth dans le dossier MedPoint. Au terme d’un jugement de 18 pages, les Law Lords ont statué, le lundi 25 février 2019, que le Directeur des poursuites publiques (DPP) a failli à prouver l’un des éléments constitutifs du délit de conflit d’intérêts. Notamment, que la sœur du Premier ministre, Shalini Devi Malhotra, née Jugnauth, avait un intérêt personnel dans la décision de réallouer des fonds pour l’achat de la clinique MedPoint par l’État.
Le Conseil privé considère dans son verdict qu’au moment où Pravind Jugnauth est intervenu dans la transaction, il y avait « déjà une obligation de la part de l’État de payer MedPoint Ltd. Les fonds pour payer étaient disponibles. L’unique question qui demeurait était de quelle poche proviendrait l’argent… La Cour suprême avait donc raison de conclure que la décision de Pravind Jugnauth, d’avoir approuvé la réallocation des fonds (…) n’était pas une décision où sa sœur pouvait avoir un intérêt personnel ».
Les Law Lords disent aussi noter que la commission anticorruption, qui a été à l’origine des poursuites contre Pravind Jugnauth, « accepte maintenant dans ses plaidoiries en écrit qu’il soit difficile de concevoir comment une réallocation interne des fonds à puiser pour le paiement d’un contrat, pouvait être une décision dans laquelle Mme Malhotra (N.D.L.R : Shalini Devi Malhotra) pouvait avoir un intérêt personnel ». Les Law lords de poursuivre que « cela suffit pour trancher l’appel ».
Dans les faits, Pravind Jugnauth fut accusé par l’Independent Commission Against Corruption (Icac) d’avoir, le 23 décembre 2010, approuvé la réallocation des fonds budgétaires pour régler l’acquisition de MedPoint ltd. Cela dans le but de convertir la clinique en un hôpital gériatrique. Transaction faite en sa qualité de ministre des Finances. Il est arrêté le 22 septembre 2011 et inculpé pour conflit d’intérêts. Il est condamné en première instance avant d’être acquitté en appel devant la Cour suprême le 25 mai 2016. Toutefois, le bureau du DPP a fait appel de la décision auprès du Conseil privé.
Fuites en avant
Si le jugement est une libération pour Pravind Jugnauth, il n’en demeure pas moins que les fuites concernant l’ébauche du jugement, une semaine avant le prononcé officiel, a suscité la polémique. Le Judicial Committee du Privy Council (JCPC) a, dans un communiqué émis le mercredi 20 février, déclaré qu’une ébauche du jugement a été expédiée aux parties concernées en toute confidentialité. Les membres du JCPC ont demandé que les parties concernées (les avocats de Pravind Jugnauth et ceux du Directeur des poursuites publiques), s’expliquent sur cette violation de confidentialité. Elles devront également fournir les noms de ceux à qui elles ont divulgué l’ébauche du jugement. La raison étant que cette ébauche était sous embargo jusqu’au lundi 25 février 2019.
Les points d’appel du DPP qui n’ont pas été retenus
Le bureau du DPP avait soulevé quatre points en appel. Le Conseil Privé ayant statué que le fait d’établir que la sœur de Pravind Jugnauth n’a pas d’intérêt personnel dans la réallocation des fonds a suffi à acquitter Pravind Jugnauth.
Ci-dessus, les trois autres points d’appel invoqués par le DPP mais non retenus:
- Si, comme l’a affirmé la Cour suprême, l’État doit prouver qu’un prévenu, sachant qu’il est en conflit d’intérêts et prend part aux délibérations d’un organisme public, l’État doit prouver que le prévenu a agi en connaissance de cause.
- La Cour suprême a-t-elle commis une erreur de droit en jugeant qu’il s’agissait d’une défense pour qu’un prévenu, accusé de conflits d’intérêts, plaide la bonne foi.
- Si, comme l’a statué la Cour suprême, une fois qu’un contrat a été attribué par un organisme public à une société dans laquelle le parent du fonctionnaire détient des actions, celui-ci ne peut subséquemment être en conflit d’intérêts dans les décisions relatives à l’exécution du contrat, tels que les arrangements internes relatifs au paiement du prix d’achat.
Les faits en bref
L’affaire remonte à mars 2010. Le gouvernement veut concrétiser le projet de création d’un hôpital gériatrique national. Pravind Jugnauth est vice-Premier ministre et ministre des Finances.
Le 3 juin 2010, la compagnie MedPoint Ltd soumet une offre pour le projet.
La sœur de Pravind Jugnauth, Shalini Devi Malhotra, née Jugnauth, détient des actions dans MedPoint. S’il est démontré que Pravind Jugnauth n’a pas participé à la décision d’attribuer le contrat à MedPoint ltd, pour Rs 144,7 millions, ni dans la décision de paiement, il sera mis en cause dans un exercice de réallocation des fonds.
Le 23 décembre 2010, Pravind Jugnauth approuve la réallocation des fonds budgétaires en tant que ministre des Finances. Il est arrêté et inculpé pour conflit d’intérêts.
Le 30 juin 2015, Pravind Jugnauth est reconnu coupable par la cour intermédiaire.
Le 2 juillet 2015, il est condamné à 12 mois de prison.
Le 16 juillet 2015, le rapport social est soumis en cour intermédiaire, il est en faveur de Pravind Jugnauth. Ce dernier a refusé d’effectuer des travaux communautaires et a donné avis d’appel. Il a logé 22 points pour contester ce verdict.
Le 8 juin 2016, le DPP fait appel du jugement contre l’acquittement de Pravind Jugnauth.
Le 22 juin 2017, la Cour suprême autorise le DPP à faire appel devant le Privy Council, du jugement d’acquittement prononcé en faveur de Pravind Jugnauth.
Le 25 février 2019 : L’appel interjeté par le DPP rejeté devant le Judicial Committee du Privy Council.
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