Après avoir passé 19 années derrière les barreaux, les quatre condamnés dans l’affaire L’Amicale : Sheik Imran Sumodhee, Khaliloudeen Sumodhee, Shafick Nawoor, et Naseeb Keramuth, ont été libérés, dans la journée du jeudi 23 août. Cela sur ordre de la Commission de pourvoi en grâce, qui leur a accordé une nouvelle rémission. Ils devaient normalement retrouver la liberté en mars 2019.
C’était une matinée pas comme les autres le jeudi 23 août, à l’Open Prison de Richelieu. Épouses, mères, frères, enfants, hommes de loi et autres proches s’étaient rassemblés devant la porte de la prison. Ils attendaient tous la sortie des Amicale Four. Alors que les quatre condamnés devaient retrouver la liberté en mars 2019, la Commission de pourvoi en grâce a adressé une correspondance au commissaire des prisons, Vinod Appadoo, dans la matinée de jeudi, ordonnant la remise en liberté des quatre condamnés. Vinod Appadoo s’est immédiatement rendu à l’Open Prison où il a annoncé la bonne nouvelle à Sheik Imran Sumodhee, Khaliloudeen Sumodhee, Shafick Nawoor, et Naseeb Keramuth. Des sympathisants étaient également rassemblés devant l’enceinte de la prison de Richelieu.
C’est à 13h12, que Khaliloudeen Sumodhee, dit Khalil, Sheikh Imran Sumodhee, Shafick Nawoor, alias Fico et Naseeb Keramuth ont fait leurs premiers pas à l’extérieur de la prison. Tous de foi musulmane, ils se sont prosternés hors de la prison, en hommes libres sous les regards de la foule. Ils ne cessent de clamer leur innocence. Après les premières accolades et les larmes, les quatre ex-prisonniers ont reçu des guirlandes de fleurs.
D’emblée, dans leur première déclaration à la presse, Sheikh Imran Sumodhee est catégorique. « Il faut la réouverture de l’affaire L’Amicale pour trouver les vrais coupables ». Shafiq Nawoor était, lui, en larmes à sa sortie. Face à une foule en effervescence, il a d’abord cherché sa mère. « Mo envi truv mo mama la ».
« Zordi c’est plis grand cado eid »
Munis de drapeaux, scandant : « Innocents Libérés », des sympathisants des ex-risonniers s’étaient amassés devant la prison de Richelieu pour les accueillir. À la mi-journée, leurs proches se sont pointés pour leur apporter des vêtements et des chaussures. Ils se réjouissent que cette bonne nouvelle ait été annoncée au lendemain de la fête de l’Eid-ul Adha. « Zordi c’est plis grand cado eid », proclamaient-ils.
Après les centaines d’accolades qui ont suivi, trois des quatre anciens détenus – les frères Sumodhee et Nawoor – ont pris place à bord d’un 4x4. Direction : Beau-Bassin, au domicile d’un des hommes de loi. Après une première virée en voiture, dans les rues menant à Beau-Bassin, ils se sont arrêtés au domicile de Me Shameer Hussenboccus pour se rafraichir. Naseeb Keramuth, lui, avait déjà quitté les lieux en compagnie de ses proches.
Une demi-heure plus tard, les trois hommes fraichement libérés se sont dirigés vers Vallée-Pitot, Port-Louis, au son des klaxons accompagnés des prières. Khaliloudeen et Sheikh Imran Sumodhee sont accueillis rue Boulevard Pitot, à quelques centaines de mètres de leurs maisons par une grosse foule. Cris de joie, larmes, pleurs, accolades… l’émotion était à son comble. Imran Sumodhee explique que «c’est une dure épreuve de rentrer à la maison», sachant que sa femme n’y est pas. Son frère cadet, Fazil, n’y est plus également. Au domicile des Sumodhee à Vallée-Pitot, c’était l’effervescence.
Rosina Sumodhee : « La récompense sera devant le tribunal de Dieu »
Rosina Sumodhee, l’épouse de Khalil Sumodhee, affirme que même si son époux et son beau-frère ont été condamnés, ils seront récompensés devant le tribunal de Dieu, pour avoir subi ces difficultés de la vie :
« La récompense pour ces difficultés sera devant le tribunal de Dieu ». Rosina accueille cette remise en liberté comme un cadeau de l’Eid. «Nos prières ont été exaucées. Je suisreconnaissante envers les hommes de loi, notamment Me Valayden, et les médias qui ont défendu notre cause.»
Me Shameer Hussenboccus : « Leurs cas m’ont incité à choisir ma carrière »
Il est l’un des hommes de loi qui ont participé à la rédaction du rapport Wrongfully Convicted. Il est un proche des Sumodhee. Ce jeune avocat était ému, et affichait un sentiment de satisfaction d’avoir accompli « son devoir ». Aux côtéx de son épouse Zaynab, également avocate, qui a aidé dans l’affaire L’Amicale, Shameer Hussenboccus n’a pu contenir ses larmes.
« Leurs cas m’ont inspiré à choisir ma carrière », lâche-t-il. En mai 1999, il était étudiant du secondaire. Sentant cette « injustice », Shameer Hussenboccus affirme avoir opté pour devenir avocat, afin d’aider à faire triompher la vérité dans l’affaire L’Amicale.
Rama Valayden : « Une récompense pour trouver la vérité »
« Il faudrait une récompense pour ceux qui aideront les autorités à trouver la vérité dans l’affaire L’Amicale ». Propos de Rama Valayden, l’un des auteurs du rapport Wrongfully Convicted qui a lutté pour innocenter les anciens condamnés de l’affaire L’Amicale. Selon l’ancien Attorney General, la police n’est malheureusement pas intéressée à entamer cette manœuvre. Une telle démarche permettrait sans doute à la police, de trouver la vérité. Il déplore que le rapport Wrongfully Convicted n’ait pas été pris en considération. « Ce sont quatre innocents et je remercie le vice-président de la République qui a signé le document de grâce.»
Khaliloudeen Sumodhee : « On a perdu la bataille, mais pas la guerre »
« On a perdu la bataille mais pas la guerre. On demandera la réouverture de l’affaire. Il y eu erreur judiciaire et il faudrait que les vrais coupables paient les conséquences », affirme Khaliloudeen Sumodhee. «J’ai une pensée spéciale pour Pravind Jugnauth qui a considéré nos correspondances».
Sheikh Imran Sumodhee : « J’ai perdu mon père, ma femme, mon frère et ma belle-mère »
«Je me sens orphelin et mon père a vendu tous nos biens pour subvenir au coût du procès. J’ai perdu mon père, ma femme, mon frère, ma belle-mère, durant ma condamnation, indique Sheikh Imran Sumodhee. Je remercie mes proches pour leurs sacrifices, mais il faut rendre justice aux sept victimes et trouver les « Vrais coupables ». Merci à l’ile Maurice qui a élevé sa voix pour que justice soit faite. Nous n’acceptons pas que les vrais coupables courent toujours. L’incendie de L’Amicale est un acte barbare. Nous avons servi de boucs émissaires, les coupables doivent payer.» Il poursuit : «Malgre nou pe sorti depi prizon, devan lizie piblik, nou encore touzur koupab», a conclu Sheikh Imran Sumodhee.
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