Clap de fin pour un conflit qui aura duré plus de 50 ans. Le Royaume-Uni, après 13 rounds de négociations avec Maurice depuis 2022, a, au bout du compte, décidé de rétrocéder l’archipel des Chagos à Maurice, excisé illégalement par le Royaume-Uni en 1965, en accord avec l’avis consultatif qui avait été rendu par la Cour international de justice (CIJ) le 25 février 2019.
La conclusion a été faite par le Premier ministre Pravind Jugnauth et son homologue britannique sir Keir Starmer, jeudi matin, lors d’une conversation téléphonique.
La CIJ avait indiqué que le Royaume-Uni est tenu, « dans les plus brefs délais, de mettre fin à son administration de l’archipel des Chagos ». Le 22 mai 2019, l’Assemblée générale affirmait, par une très vaste majorité, que l’archipel des Chagos fait partie intégrante du territoire mauricien et que son maintien sous l’administration du Royaume-Uni constitue un fait « illicite » qui engage la responsabilité internationale de ce dernier. Le Royaume-Uni était tenu d’y mettre fin dans un délai maximum de six mois.
Un peu plus de cinq ans plus tard, c’est donc chose faite. L’archipel des Chagos retourne dans l’escarcelle mauricienne, mais avec des conditions. Plusieurs conditions contraignantes de part et d’autre en fait. Après deux ans de négociations, cet accord marque une nouvelle ère dans les relations entre les deux nations, mettant fin à un différend qui dure depuis des décennies. Comme l'indique le communiqué conjoint, cet accord représente « un moment charnière dans nos relations et une démonstration de notre engagement durable pour la résolution pacifique des différends et le respect de l'État de droit. » L'accord, qui reste donc soumis à la finalisation d'un traité, accorde à Maurice la souveraineté sur l’archipel des Chagos, une étape décrite comme étant « un jalon dans la résolution de toutes les questions en suspens entre le Royaume-Uni et Maurice, y compris celles relatives à ses anciens habitants. »
Retour des Chagossiens chez eux
L’un des aspects les plus sensibles de cet accord est le programme de réinstallation des anciens habitants de l'archipel, les Chagossiens, qui avaient été expulsés dans les années 1960 et 1970. Selon les termes du traité en cours d'élaboration, « Maurice sera désormais libre de mettre en œuvre un programme de réinstallation sur les îles de l’archipel des Chagos, à l’exception de Diego Garcia », une île où se situe la base militaire. En outre, « le Royaume-Uni capitalisera un nouveau trust et fournira un soutien supplémentaire au profit des Chagossiens », peut-on lire dans le communiqué conjoint.
« Le traité abordera les injustices du passé et démontrera l'engagement des deux parties à soutenir le bien-être des Chagossiens », précise le communiqué.
Une manne financière valant plusieurs milliards par an pour Maurice
Sur le plan économique, le Royaume-Uni a également pris des engagements significatifs.
« Le Royaume-Uni fournira un ensemble de soutiens financiers à Maurice, comprenant un paiement annuel indexé pour toute la durée de l’accord », ainsi que la mise en place d’un partenariat pour le développement d’infrastructures stratégiques. Ce programme, soutenu par des fonds britanniques, vise à « générer des changements significatifs pour les Mauriciens ordinaires et à stimuler le développement économique dans tout le pays », selon les termes du communiqué. Au Bureau du Premier ministre, l’on confiait au Défi Quotidien, jeudi soir, que ce soutien vaudrait potentiellement plus de dix milliards de roupies par an.
Parallèlement à ces développements économiques, l'accord instaure une coopération renforcée entre les deux pays sur des questions de sécurité environnementale et maritime, notamment la lutte contre la pêche illégale et la protection d’un des environnements marins les plus riches du monde. L'établissement d'une « zone marine protégée mauricienne » dans l'archipel des Chagos figure parmi les priorités partagées par les deux nations.
Le ministre des Affaires étrangères britannique, David Lammy, a insisté sur le fait que cet accord non seulement assure la continuité des opérations de la base militaire, mais « ferme également toute possibilité que l'océan Indien devienne une dangereuse route migratoire illégale vers le Royaume-Uni ». Depuis 2021, quelques migrants vulnérables sont arrivés à Diego Garcia et ont demandé l'asile. Il fait ici référence à 60 tamouls qui fuyaient le Sri Lanka pour le Canada lorsque leur bateau a commencé à prendre l'eau. Ils ont été emmenés à Diego Garcia par la marine britannique. Ils y sont emprisonnés depuis. Avec ce nouvel accord, « Maurice assumera la responsabilité de toute arrivée future », indique le communiqué.
Cet accord, soutenu par des partenaires internationaux comme les États-Unis, met également fin à des décennies de contestations juridiques et de disputes territoriales. « L'accord démontre l'engagement du gouvernement britannique à protéger la sécurité mondiale et à éviter les menaces à la paix et à la prospérité dans l'océan Indien et au-delà », a ajouté David Lammy. Le Royaume-Uni, tout en cédant officiellement la souveraineté à Maurice, conserve ainsi une influence stratégique cruciale sur Diego Garcia.
Pour les deux pays, ce traité est plus qu'un règlement territorial : il représente « un nouveau chapitre de notre histoire commune », soulignant l’importance d’une relation fondée sur « le respect mutuel et la confiance » entre des partenaires proches du Commonwealth, engagés à « garantir la sécurité et la prospérité de la région de l’océan Indien ». Si les négociations avaient repris sous le gouvernement conservateur du Royaume-Uni, durant lequel 11 rounds de négociations ont eu lieu, les deux rounds sous le nouveau gouvernement travailliste auront suffi pour sceller l’accord. Les deux pays sont tombés d’accord pour finaliser un traité et s’occuper de la partie légale de cette rétrocession « aussi vite que possible ».
Le Royaume-Uni « exercera les droits souverains de Maurice» sur Diego Garcia pendant 99 ans
Selon l’accord conclu entre Maurice et le Royaume-Uni, le premier cède en quelque sorte ses droits au second sur Diego Garcia, principale ile de l’archipel qui abrite une importante base militaire américano-britannique. Le communique conjoint emis par les deux pays jeudi indique que “afin d'assurer la continuité de l’opération de la base militaire, le Royaume-Uni exercera les droits souverains de Maurice sur Diego Garcia pour une période initiale de 99 ans.
Ainsi, la hantise brandie par ceux qui s’opposaient, aux Etats-Unis comme au Royaume-Uni, que Maurice pourrait gêner l’opération de cette base est balayée par un revers de main. Le communique précise de plus que « le Royaume-Uni et Maurice s'engagent à assurer le fonctionnement sûr et efficace de la base existante sur Diego Garcia, qui joue un rôle vital dans la sécurité régionale et mondiale », précise le communiqué.
Cette base militaire, opérée conjointement avec les États-Unis, est jugée essentielle pour la stabilité dans l’océan Indien. Le ministère britannique des Affaires étrangères, David Lammy a souligné que « l’accord garantit le maintien à long terme de la base militaire UK-US à Diego Garcia, un élément crucial pour la sécurité régionale et internationale ». « Sans cet accord, la base aurait été exposée à des menaces, notamment des contestations juridiques et une souveraineté disputée, qui auraient pu mettre en péril l’opération de la base militaire », précise un autre communiqué, émis cette fois-ci par le Foreign, Commonwealth & Development Office.
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