Après l' indépendance de Maurice, les Chagossiens se retrouvent avec deux nationalités... Mais pas de patrie.
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En 1968, l’île Maurice obtient son indépendance. La Constitution confère alors la citoyenneté à toute personne née sur le sol mauricien et dans le British Indian Ocean Territory (BIOT). Pour les Chagossiens, outre le statut de citoyen de Maurice, ils peuvent également conserver leur statut de citoyen du BIOT. Mais en 1971 alors qu'ils sont exilés, ils se retrouvent avec une double nationalité, mais sans patrie.
L’île Maurice avait été cédée à la couronne britannique par la France, en 1814, en vertu du Traité de Paris. À cette époque, elle comprenait aussi plusieurs îles éparses, y compris l’archipel des Chagos. La principale activité économique était le coprah (l'albumen séché de la noix de coco). Il existait alors trois types d’habitants sur l’archipel des Chagos : les officiers issus de Maurice, des Seychelles, ceux qui sont nés sur l’archipel et dont les familles y ont vécu pendant plusieurs générations.
Les salaires étaient relativement bas et les infrastructures quasi inexistantes. L’éducation rudimentaire n’était guère suffisante pour aspirer à de meilleurs horizons et les soins médicaux étaient loin d’être adéquats, au point où les malades étaient souvent contraints de se rendre à Maurice pour se faire soigner.
La politique internationale
Cette simplicité n'était pas pour autant ennuyante car les habitants avaient une vie communautaire riche, la religion catholique et leur propre langue « créole ». Mais la quiétude des Chagossiens va être bouleversée par les réalités de la politique internationale. La guerre froide pousse les États-Unis à installer une base militaire dans l’océan Indien et son choix se porte sur l’archipel des Chagos, plus particulièrement l’île de Diego Garcia.
Les premières discussions entre Américains et Britanniques ont lieu en 1964. Mais voilà qu’un obstacle se dresse sur la route des États-Unis. L’indépendance de Maurice est imminente et les États-Unis ne souhaitent pas que son projet de base militaire soit tributaire du bon vouloir du nouvel État indépendant, vu que celui-ci pourrait bien être hostile à sa cause.
C’est ainsi que les États-Unis proposent que l'archipel des Chagos soit détaché de Maurice, avant que le pays n’obtienne son indépendance. Le 8 novembre 1965, un Ordre en Conseil vient accomplir cet objectif, en créant une nouvelle colonie, soit le BIOT, qui comprend l’archipel des Chagos ainsi que les îles Aldabra, Farquhar et Desroches.
C’est la première étape vers l’évacuation des Chagos par la Grande-Bretagne. Avec le déclin des activités économiques, les fonctionnaires sont contraints de rentrer chez eux, soit à Maurice ou aux Seychelles. Le sort des Chagossiens demeure, pour le moins, indécis à ce stade. Mais il existe un épineux problème pour le gouvernement britannique qui savait déjà qu’il s’exposait aux critiques les plus acerbes pour ses actions. Que faire des Chagossiens, ceux qui sont nés dans l’archipel et dont les familles y habitent depuis plusieurs générations ? Ceux-là ne peuvent être contraints de regagner Maurice ou les Seychelles, terre étrangère.
Comme ils sont désormais les habitants de la nouvelle colonie qu’est le BIOT, l’indépendance de Maurice complique davantage la tâche des Britanniques d’évacuer les Chagos pour les besoins militaires américains. Pour parvenir à ses fins, la Grande-Bretagne va tout faire pour dissimuler aux yeux du monde, surtout auprès de l’Organisation des Nations unies, l’existence de toute forme de population permanente sur les îles de l’archipel et ainsi éviter toute obligation qui pourrait naître sous l’article 73 de la Charte des Nations unies.
SOURCE :
Chagos Islanders v Attorney General Her Majesty's British Indian Ocean Territory Commissioner, Court of Appeal — Queen's Bench Division, October 09, 2003, [2 003] EWHC 2222 (QB).
Chapitre XI
Déclaration relative aux territoires non autonomes
Article 73
Les Chagossiens estiment que la Grande-Bretagne a failli à ses obligations internationales sous l’article 73 de la Charte des Nations unies en les contraignant à quitter l’archipel. Les membres des Nations unies qui ont la responsabilité d'administrer des territoires qui ne sont pas encore gérés complètement par les populations elles-mêmes, reconnaissent le principe de la primauté des intérêts des habitants de ces territoires. Ils acceptent comme mission sacrée l'obligation de favoriser dans toute la mesure possible leur prospérité, dans le cadre du système de paix et de sécurité internationales établi par la présente Charte et à cette fin :
a) d'assurer, en respectant la culture des populations en question, leur progrès politique, économique et social, ainsi que le développement de leur instruction, de les traiter avec équité et de les protéger contre les abus ;
b) de développer leur capacité de s'administrer elles-mêmes, de tenir compte des aspirations politiques des populations et de les aider dans le développement progressif de leurs libres institutions politiques, dans la mesure appropriée aux conditions particulières de chaque territoire et de ses populations et à leurs degrés variables de développement ;
c) d'affermir la paix et la sécurité internationales ;
d) de favoriser des mesures constructives de développement, d'encourager des travaux de recherche, de coopérer entre eux et quand les circonstances s'y prêteront, avec les organismes internationaux spécialisés, en vue d'atteindre effectivement les buts sociaux, économiques et scientifiques énoncés au présent Article ;
e) de communiquer régulièrement au secrétaire général, à titre d'information, sous réserve des exigences de la sécurité et de considérations d'ordre constitutionnel, des renseignements statistiques et autres de nature technique relatifs aux conditions économiques, sociales et de l'instruction dans les territoires dont ils sont respectivement responsables, autres que ceux auxquels s'appliquent les Chapitres XII et XIII.
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