Alors que les élections approchent, une annonce fait la une de l’actualité : le prêt immobilier sans intérêt. Bien que séduisant sur le papier, cette promesse est perçue par de nombreux observateurs comme un geste avant tout électoraliste. Nos intervenants s’interrogent sur la faisabilité et l’impact de cette mesure.
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Stratégie politique
Jayen Chellum, secrétaire général de l’Association des consommateurs de l’île Maurice (ACIM), est particulièrement critique à l’égard du prêt immobilier sans intérêt. Selon lui, il s’agit d’un « cadeau préélectoral » qui fait partie d’un cycle récurrent avant chaque scrutin. « Je note que ces annonces sont faites systématiquement depuis un certain temps, mais elles ne se concrétisent que rarement une fois les élections passées. Ce qui montre que c’est plus une stratégie politique qu’un engagement sincère envers la population », estime Jayen Chellum.
Le secrétaire général de l’ACIM met en garde contre les multiples promesses que font les partis en période électorale. « La population doit bien réfléchir à ces annonces préélectorales », lance notre interlocuteur.
Proposition floue et imprécise
Suttyhudeo Tengur de l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs exprime également des doutes concernant cette mesure. « Cette annonce manque cruellement de détails. Plusieurs questions restent sans réponse : qui pourra effectivement bénéficier de ces prêts sans intérêt ? Qu’en est-il des personnes possédant des terres à bail et celles qui ont déjà un terrain à leur nom ? Quelles seront les modalités de remboursement ? », demande-t-il.
Il pointe du doigt l’absence de critères clairs, notamment concernant les projets de construction. Il s’interroge sur les conditions pour bénéficier de ces prêts. « Cette absence de détails rend la promesse difficile à évaluer. Cette déclaration en vrac est sans critères clairs et sans transparence sur le mécanisme de remboursement. La mesure semble plus politique qu’économique. »
Poids économique pour les générations futures
Claude Cannabady de la Consumers' Eye Association s’inquiète quant à lui des conséquences à long terme de cette promesse sur l’économie mauricienne. Il trouve « désolant » que de telles promesses soient faites sans réflexion approfondie sur les répercussions économiques.
« La dette que contractera l’État pour financer ces prêts sera un fardeau pour les générations futures. Maurice importe environ 80 à 85 % de ses besoins, ce qui rend la situation économique déjà fragile. Il faut une réflexion plus sérieuse et une planification à long terme pour assurer la stabilité financière du pays, au lieu d’accumuler des dettes supplémentaires qui devront être remboursées par les jeunes générations », lance-t-il.
Il déplore également que rien ne soit fait pour accroître la productivité ou stimuler la croissance. Il insiste sur la nécessité de réfléchir à la manière dont ces promesses électorales seront financées. « Ces annonces font partie d’une course aux cadeaux électoraux, sans prise en compte des conséquences économiques. » Il plaide pour un Blue Print sur l’économie.
Aspect sociologique
Jocelyn Chan Low, historien et observateur, aborde la question sous un angle différent. Il voit dans cette mesure une tentative de répondre à un problème sociétal croissant à Maurice : la fuite des jeunes talents vers l’étranger. Pour lui, offrir des prêts immobiliers sans intérêt pourrait inciter les jeunes à rester dans le pays et à y bâtir leur avenir.
« Le modèle traditionnel, selon lequel les jeunes économisaient pour acheter un terrain et se marier, est en train de disparaître. Encourager les jeunes à construire leur maison pourrait avoir un effet bénéfique sur le taux de natalité et de mariage. Ce sont des indicateurs importants pour la stabilité démographique du pays », précise notre interlocuteur.
Toutefois, il reconnaît que cette promesse a un « fort caractère électoraliste », destiné à séduire une population jeune en quête de stabilité financière. « Les parents, qui espèrent souvent voir leurs enfants acquérir une maison, pourraient également être sensibles à cette mesure. Cette promesse pourrait bien influencer l’issue des élections, même si elle reste limitée dans son application », dit Jocelyn Chan Low.
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