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Violence et indiscipline - Didier Mootoo, recteur : «L’école ne peut régler ce problème seule»

Le manque grandissant de discipline se manifeste également en dehors de l’enceinte scolaire.
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Depuis la rentrée scolaire, plusieurs vidéos circulent sur la toile. On y voit des jeunes faisant preuve d’indiscipline, d’incivilité et de violence. Les gares se transforment en rings où ils s’affrontent sans se soucier du qu’en-dira-t-on. Comment expliquer cette dérive de la jeunesse ? Le point sur la situation.

Des établissements scolaires font face à une crise de discipline grandissante, qui se manifeste également en dehors de l’enceinte scolaire. Les incidents de violence, d’intimidation et de comportements indisciplinés se multiplient, révélant un malaise plus profond au sein de la société.

Il est tout aussi important d’adapter la législation pour permettre aux forces de l’ordre d’intervenir»

Inculquer la discipline

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Raffick Soobadar, recteur  responsable du Collège Labourdonnais.

Le recteur Raffick Soobadar, responsable du Collège Labourdonnais, insiste sur l’importance de la discipline au sein de l’école. Selon lui, un manque de rigueur dans les établissements scolaires est un terrain fertile pour des comportements déviants, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des salles de classe. « Si l’école ne se concentre pas sur la discipline, si les parents ne prennent pas leurs responsabilités vis-à-vis de leurs enfants, alors il est impossible d’atteindre des résultats positifs. L’école doit aussi inculquer des valeurs morales », indique-t-il.

Il appelle à une responsabilisation accrue des parents, soulignant que les enseignants ne peuvent pas assumer seuls la tâche de redresser des comportements perturbateurs. La présence de la police dans les écoles, avec un effet dissuasif, pourrait également contribuer à inverser la tendance. « Introduire des valeurs humaines dans le système éducatif est primordial. Il est tout aussi important d’adapter la législation pour permettre aux forces de l’ordre d’intervenir, même face à des élèves mineurs, afin de prévenir l’escalade de la violence », ajoute-t-il.

Le recteur aborde également la question de l’éducation mixte, estimant que l’introduction de classes regroupant garçons et filles dès la Grade 7 pourrait encourager une meilleure interaction. Cela contribuerait aussi à réduire les tensions. « Il faut éviter que l’école ou d’autres lieux comme les gares deviennent un terrain où l’on cherche à montrer sa supériorité, à se mesurer aux autres », conclut-il.

Société malade

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Didier Moutou, recteur  du Collège Bhujoharry.

Le recteur Didier Moutou, du Collège Bhujoharry, n’hésite pas à mettre en lumière l’évolution de la violence au sein de la société et ses répercussions sur les jeunes. Selon lui, la violence ne se manifeste pas seulement par des actes physiques, mais aussi par des comportements de harcèlement et d’intimidation. « Il y a une véritable crise de valeurs. Ce phénomène n’est pas récent, il est sous-jacent depuis longtemps. Les jeunes sont de plus en plus confrontés à des modèles violents, notamment à travers les jeux vidéo, les films et même les comportements des adultes », fait-il ressortir. 

Il constate que la violence est devenue une réponse automatique à des frustrations, et que ce phénomène ne cesse de se propager dans toutes les strates de la société, des écoles aux familles. « Les parents et les enseignants doivent prendre conscience de l’urgence de la situation. L’école ne peut régler ce problème seule. Les valeurs humaines doivent être enseignées dès le plus jeune âge. Nous devons retrouver le sens de la solidarité, de l’empathie et du respect », ajoute-t-il.

Un phénomène présent aussi au primaire

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Vinod Seegum, négociateur pour la Government Teachers Union.

Vinod Seegum, négociateur pour la Government Teachers Union, se concentre sur les causes profondes de l’indiscipline. Selon lui, ce phénomène commence dès le primaire, où des cas de violence et de harcèlement sont de plus en plus fréquents. « Nous avons assisté à un relâchement général en matière de valeurs humaines dans les écoles. Ce qui se passe dans le secondaire se transpose dans le primaire. Le système éducatif est trop centré sur la performance académique, au détriment des comportements sociaux et de la gestion de la discipline », déplore-t-il.

Il plaide pour une refonte de l’approche éducative : enseigner des valeurs humaines devrait être aussi important que l’acquisition de connaissances. Il suggère des espaces spécifiques dans le programme scolaire, comme les assemblées du matin, pour inculquer le respect, la politesse et la coopération. Selon lui, le rôle de l’enseignant doit être renforcé. Son autorité, qui s’est affaiblie avec le temps, doit être restaurée pour garantir un environnement scolaire sain.

Soondress Sawmynaden, ancien recteur et syndicaliste : « La violence est le reflet d’un manque de discipline dans la société et l’école »

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La violence omniprésente dans la société est devenue une source d’inquiétude majeure, selon Soondress Sawmynaden, ancien recteur et syndicaliste. Ce dernier estime que cette violence, qui se manifeste sous diverses formes – agressions, viols, vols, et consommation de drogues – touche de plus en plus la jeunesse. Pour lui, elle est symptomatique d’un malaise plus profond dans la société. 

« L’école est le miroir de la société. Ces derniers temps, les actes de violence sont devenus presque quotidiens. La société se dégrade à cause de l’absence de discipline, un problème qui trouve son origine dès le milieu scolaire », dit-il.

Pour lui, le cœur du problème réside dans un système éducatif qui ne parvient pas à offrir aux jeunes les repères nécessaires pour se structurer. « Les jeunes se sentent de plus en plus abandonnés, pour diverses raisons. Les parents sont très occupés et n’ont plus le temps de dialoguer avec leurs enfants, ce qui fragilise la cohésion familiale. Les jeunes finissent par se replier sur eux-mêmes, leurs seuls compagnons devenant leurs téléphones portables, ce qui les expose à des dangers multiples », fait-il comprendre. 

Il pointe également un autre facteur aggravant : l’indiscipline croissante dans les écoles, qu’il attribue à une pénurie d’enseignants et à l’incapacité de ceux présents à offrir une attention individualisée aux élèves.

Rajen Suntoo, sociologue : « L’absence de cadre familial se répercute dans le comportement »

rajenLe sociologue pose la question suivante : « Est-ce que les familles encadrent leurs enfants comme il se doit ? Quelle est la culture familiale à la maison ? Est-ce qu’il y a une discipline établie ou bien les enfants sont-ils laissés à eux-mêmes, reproduisant à l’extérieur les comportements qu’ils apprennent ou voient à la maison ? ».

Pour lui, lorsqu’un parent néglige son rôle, c’est souvent là qu’on finit par observer des situations problématiques. Certains parents ne se préoccupent même pas de savoir ce que leurs enfants font à l’école, à quelle heure ils rentrent ou sortent de chez eux, fait-il ressortir.

L’indiscipline et la violence ne se manifestent pas à l’école, mais plutôt sur la rue, le chemin ou dans les bus. Selon lui, c’est là que réside toute la problématique : l’absence de cadre familial se répercute dans le comportement des enfants à l’extérieur.

Les parents pointés du doigt

Deux enseignantes, l’une d’un établissement secondaire et l’autre d’une école primaire, estiment que la responsabilité des problèmes incombe aux parents. « On dit que l’éducation commence à la maison. Or, dans beaucoup de cas, on constate que des parents se dédouanent de leurs responsabilités envers leurs enfants, reportant toute la charge sur l’école », affirme Z.J., enseignante de Grade 5.

Elle ajoute que certains enfants adoptent des attitudes agressives, voire violentes, à l’école et parmi, il y en a qui présentent même des troubles d’apprentissage. Elle confie : « Lorsqu’on convoque les parents à l’école pour discuter du comportement de leurs enfants, certains ne se présentent pas, tandis que d’autres viennent, mais ignorent les remarques faites. Il est évident qu’il y a un certain laisser-aller de leur part ».

Sharon, une enseignante du secondaire, abonde dans le même sens. « J’ai eu des cas où j’ai dû convoquer des parents parce que leurs enfants étaient des fauteurs de troubles et se montraient violents envers les autres. Au lieu de réprimander leurs enfants, ils m’ont pris à partie, ce qui est choquant. Ils sont supposés ramener leurs enfants à l’ordre, mais ils s’en prennent plutôt aux enseignants. Cela a un impact sur l’autorité de ces derniers », indique-t-elle.

  • salon

     

 

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