La vice-présidente du Comité des Nations unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, déplore les amendements « cosmétiques » aux amendements à la Protection from Domestic Violence Act et souligne les lacunes qui n’ont pas été prises en compte.
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La Protection from Domestic Violence Act (PDVA) sera amendée cette année pour la quatrième fois depuis son entrée en vigueur en 1997. Qu’est-ce que les amendements proposés vous inspirent ?
J’estime qu’Aurore Perraud, ministre de l’Égalité des genres, a raté une belle occasion de revoir cette loi.
« Maurice a toujours eu une politique à double face vis-à-vis de l’Afrique du Sud blanche ».
Qu’est qui vous pose problème spécifiquement ? L’objectif législatif même, tel qu’il est énoncé dans l’Explanatory Memorandum, n’est pas clair. La définition de la violence domestique n’est pas celle que nous recommandons aux Nations unies. Il y aussi une nouvelle définition de ‘spouse’ qui est ‘a person of the opposite sex’. C’est un recul honteux par rapport à la loi de 1997. C’est de la discrimination directe sur la base de l’orientation sexuelle d’une personne. J’aimerais savoir s’il y a eu quelque consultation / débat à ce sujet ? On veut aussi donner des responsabilités additionnelles aux Enforcement Officers. C’est un non-sens, même si je reconnais qu’ils font un travail remarquable avec les moyens limités dont ils disposent.
Et les amendements concernant la responsabilité de la police… Carrément grotesque. L’article 11A (4) (a) (i) stipule l’obligation de la police de rapporter un cas de violence familiale à l’hôpital ou à une institution médicale, mais pas nécessairement de porter une assistance médicale à la victime. C’est au policier de déterminer si une victime a besoin d’une assistance médicale urgente. Les duties and powers of Police Officers sont très ambigües. La décision d’arrestation incombe à la police que s’il y a blessure physique ou si l’officier has reason to suspect that a person has failed to comply with any domestic violence order. Pour moi, c’est clair, on est en train de banaliser la violence.
Quid du viol conjugal ? Le viol conjugal n’est toujours pas considéré comme un délit. La soumission d’une épouse au désir de son conjoint, au nom du sacro-saint, mais l’archaïque ‘devoir conjugal’ demeure. C’est une grosse lacune, étant une violation des droits des femmes. Cet aspect doit être abordé par le Code pénal.
Il faut quand même reconnaître que la ministre Aurore Perraud est guidée par de bonnes intentions ?
Il est certes important de revoir les lois régulièrement. Mais dans le cas présent, je maintiens que cette loi aura des effets négatifs. Plutôt que d’avancer, on fait un pas en arrière. On est en train de la promouvoir comme un outil de protection pour les femmes, mais c’est l’effet contraire qui se produira. Ce n’est même pas une loi quick fix (solution miracle). L’idéal aurait été d’avoir une loi contre les violences faites aux femmes. La ministre devrait s’entourer de gens capables de la conseiller sur un sujet aussi important.
Vous a-t-elle approchée / consultée en votre capacité de vice-présidente du Comité des Nations unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (Cedaw) ?
Pas du tout. Quand Aurore Perraud a été nommée ministre, en bon patriote et siégeant au Cedaw depuis 14 ans, je lui ai rendu une visite de courtoisie, proposant bien évidemment mon aide comme je l’avais fait à ses prédécesseurs. Elle n’a jamais fait appel à moi. Avec ce qui se passe actuellement, on risque d’être la risée à l’échelle internationale et au Cedaw, notamment concernant les couples homosexuels et le viol conjugal.
Amère ?
Pas du tout. Je suis une professionnelle, mais je déplore une occasion ratée par la ministre d’améliorer l’application d’une loi qui n’est pas si mauvaise que cela.
« Une loi pas si mauvaise » qui subit quand même sa quatrième série d’amendements…
Une refonte de cette loi aurait été idéale. La ministre ignore manifestement les recommandations pertinentes du Cedaw faites en 2011 et qui sont, entre autres, d’intensifier les efforts pour créer des foyers d’hébergement supplémentaires ; de mettre en place des mécanismes efficaces de suivi et d’évaluation pour assurer l’efficacité des mesures prises contre la violence ; de redoubler d’efforts en vue de combattre l’impunité des auteurs d’infractions liées à la violence ; d’adopter des mesures législatives et administratives pour assurer une protection efficace aux femmes; de prendre des mesures législatives nécessaires pour ériger en délit pénal la violence au foyer et redoubler d’efforts, afin d’incriminer le viol conjugal et l’intégrer dans le projet de loi sur les délits sexuels.
Quelles sont les lacunes importantes que vous avez notées dans les amendements proposés ?
Déjà, j’estime que les amendements ont été rédigés par des personnes qui n’ont pas conscience des lois et normes internationales. Je déplore l’approche ‘fragmentaire’, le manque de cohérence et les procédures complexes. Je ne vois rien sur l’amélioration des services de soutien aux victimes ; pas de protocole nécessaire à l’application entière et effective de la loi ; pas de dispositions particulières imposant une formation de tous les agents de l’État. Il n’y aussi aucune disposition pour interdire la médiation qui se pratique toujours, aucune disposition pour encourager une procédure rapide car si la procédure judiciaire dure trop longtemps, la plaignante risque de retirer sa plainte. Il n’y a aucune amélioration de la procédure complexe qui exige la présence de la victime à plusieurs reprises alors qu’elle aurait pu se faire représenter par l’Enforcement officer, aucune disposition pour un mécanisme de suivi tel que recommandé par le Cedaw...
Il n’est pas trop tard de contribuer au projet de loi à ce stade, en sachant que la ministre pourrait proposer d’autres amendements à l’heure du vote ?
Je ne vais pas m’imposer. J’aiderai volontiers, si on fait appel à moi. Elle ne peut ne pas savoir que Maurice a une experte en la matière et qui siège au Cedaw depuis 2003. Je suis tout à fait disposée à aider, mais pas question de m’imposer.
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