Les bandes sonores de Vimen Leaks ont résonné comme une onde de choc dans le pays depuis le 9 juin dernier. Coup dur pour le « feel good factor » qu’ont tenté d’instaurer les autorités au sein de la population et la communauté des affaires une semaine plus tôt avec le Budget 2023-24. Le climat des affaires peut-il être mis en péril par la crise au sein de l’institution policière ? Le point.
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La force policière est pointée du doigt pour l’excès de zèle de certains officiers qui ont tenté d’élucider des dossiers complexes via des méthodes controversées. Elle est également critiquée pour sa nonchalance dans certaines affaires ayant une portée nationale, ce qui la place de nouveau sous les feux des projecteurs.
Quelques extraits des bandes sonores liées à Vimen Leaks mises au grand jour le 9 juin dernier et contenant des allégations contre certains policiers éclaboussent la police. Or, cette institution a pour principale mission « d’assurer la sécurité des personnes et le maintien de l’ordre public ». D’ailleurs, la confiance de la police aux yeux de la population est en chute libre. Preuve en est avec un sondage effectué par Afrobarometer et rendu public l’année dernière. Cette étude révélait que 67 % des sondés estiment que « certains » policiers sont corrompus, tandis que selon 67 %, certains des policiers sont impliqués dans la corruption.
Reste à savoir si les allégations dans l’affaire Vimen Sabapati incriminant les maillons de la force policière sont susceptibles de porter préjudice aux investissements et au climat des affaires à Maurice. L’ancien ministre des Services financiers, Sudhir Seesungkur, explique que le climat des affaires est constitué de plusieurs éléments, dont le fonctionnement des institutions. « La police est une institution clé qui apporte la stabilité, l’ordre et la paix dans le pays. Ce sont des conditions primordiales pour le développement économique. En l’absence de ces facteurs, les étrangers seront découragés de venir à Maurice, qui, faut-il le faire ressortir, dépend grandement des investissements directs étrangers », indique-t-il. Les Investissements directs étrangers (IDE) sont passés de Rs 18.5 milliards en 2021 à Rs 27.7 milliards l’année suivante.
L’effritement de confiance dans les institutions est bien réel.
Pour sa part, un économiste remet en question les répercussions de l’investissement en se demandant pourquoi les conglomérats locaux choisissent de se diversifier à l’étranger plutôt qu’à Maurice. Il se demande également ce qui motive cette décision et pour quoi, inversement, les investisseurs étrangers optent pour Maurice. Il se demande si nous sommes suffisamment attrayants pour les investisseurs étrangers.
Pour un signal fort
Pour autant, les allégations d’agissements au sein de la force policière sont à prendre avec des pincettes selon Sudhir Seesungkur. D’ailleurs, pour lui, l’argument d’allégations ne peut être le bouclier d’un politicien. Ce dernier a le devoir d’envoyer un signal fort lorsque l’occasion se présente pour blanchir l’image ternie de la police. « Le bon fonctionnement des institutions influence le climat des affaires. Nous ne pouvons sous-estimer l’étendue que peuvent prendre les Vimen Leaks. Cette affaire risque d’entraîner une crise de confiance au sein de la population, provoquant parallèlement une situation chaotique », dit-il.
Et quid des répercussions au sein de la communauté des affaires ? De son côté, un observateur argumente qu’il s’agit d’un événement passager qui n’aura pas d’effet néfaste. « L’État a su séduire le secteur privé avec l’introduction d’un système de taxe progressif et des mesures visant à faciliter les affaires. De plus, la Private Notice Question concernant les Vimen Leaks qui a été posée à l’Assemblée Nationale le 12 juin n’a pas produit les résultats attendus. Le gouvernement semble savoir comment gérer ces situations embarrassantes. Pour preuve, on ne parle plus des tortures effectuées par la police dont les vidéos avaient choqué plus d’un ou encore de l’arrestation surprenante de Sherry Singh », indique-t-il.
Ce qui fait dire à Siv Potayya, avocat chez Wortels Lexus, que Maurice est un pays spectaculaire avec des événements très « pimentés » « où toujours le surlendemain, il y a un événement médiatique qui vient couvrir l’ancien et remet les Mauriciens au sommeil ».
Force policière et vent contraire
L’inaction au plus haut niveau face aux vidéos de tortures impliquant diffusées l’année dernière, ainsi que les images des caméras CCTV montrant l’accident impliquant des policiers à la station-service de Wooton en 2019, ont gravement entaché la réputation de la police dans le pays. Cependant, Siv Potayya prend une position différente quant à l’impact potentiel des Vimen Leaks. Il estime que cette affaire est isolée par rapport à l’économie.
« D’autres pays à travers le monde font également face à la crise dans la police. Les investissements étrangers à Maurice sont principalement dirigés vers des projets immobiliers. La drogue est peut-être présente dans le pays d’origine de certains investisseurs qui optent pour Maurice à des fins d’investissements. Cependant, nous devons faire attention et tout faire pour protéger nos enfants contre le fléau de la drogue », fait-il ressortir.
Néanmoins, l’effritement de confiance dans les différentes institutions considérées comme majeures dans le pays est réel, affirme Sudhir Seesungkur. Le leader de l’Opposition, Xavier-Luc Duval, avait, pour sa part, suggéré une réforme complète de la police lors de son intervention au Parlement le 5 juin dernier. Et pour Siv Potayya, ce sont les gens à la tête des institutions politiques qui doivent s’en charger afin de mettre fin à cette cacophonie qui règne dans le pays.
Un phénomène courant à l’échelle mondiale
Les observateurs politiques et économiques soulignent cependant que la corruption au sein de la force policière et des institutions publiques est une réalité même dans des pays avancés. « Même dans de grandes démocraties comme les États-Unis, il existe des cas bien plus graves. En Italie, il y a une collusion entre les mafias de la drogue et la police. En France, les bavures policières sont bien connues », mentionne Bernard Saminaden. Cependant, il souligne que ces cas n’empêchent pas ces pays de poursuivre leurs activités normalement.
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