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Vijaya Sumputh: Une pragmatique aux idées claires

Vijaya Sumputh
Elle est faite pour les défis. Diriger le Cardiac Centre en est un. Il lui commande d’être à la fois pragmatique et souple, mais ferme et directe. Entre résistances et polémiques, Vijaya Sumputh garde la tête froide. « J’ai un contrat de deux ans, et une obligation de résultat. Le reste est accessoire ». [blockquote]Elle-même l’avoue : « Je ne suis pas grande de taille, mais j’ai appris à affronter les obstacles. Sans doute un héritage de ma mère ». [/blockquote] Chez les Sumputh, originaires de New Grove mais émigrés à Curepipe, ils sont quatre enfants, dont trois sœurs, élevés dans la discipline et le respect des valeurs morales. Le père, Veediaye Kumar, est planteur et la mère Soomatee, femme au foyer. La famille, raconte-t-elle, ne voulait pas que ses filles ne soient que des épouses soumises. Aussi seront-elles inscrites dans les collèges de Lorette, depuis le primaire, où parfois, elles iront même dans le confessionnal. « Mes parents tenaient absolument à ce que nous soyons tolérants à l’égard des autres confessions », explique Vijaya. Au sortir du secondaire, elle part pour Londres étudier la médecine mais la perspective de voir du sang l’en éloigne. Elle choisira alors le droit, à l’Université de Wolverhampton, et passe l’examen du barreau au Lincoln’s Inn. Elle décide de rester dans les brumes londoniennes durant 14 ans, où elle pratique son métier et donne des cours de droit à la London School of Law. En 1999, elle cède à l’appel de ses parents et rentre définitivement.

Intimidée par SAJ

Sous le toit familial à Curepipe, en 1999, elle se sent interpellée par la politique. « J’ai toujours aimé la chose politique car c’est l’administration d’un pays, son destin et celle de sa population. C’était mon devoir de rendre à Maurice ce qu’elle m’avait donné ». Elle ne tarde pas à se fixer un objectif. Ce sera le MSM. Pourquoi le parti Soleil ? « À cause de ce que sir Anerood Jugnauth a fait pour le pays dans les années 80. Il avait redonné l’espoir aux Mauriciens et grâce à son leadership éclairé et l’essor économique du pays, les journalistes internationaux venaient à Maurice pour comprendre notre miracle économique », raconte Vijaya. Accompagnée de Ravi Yerrigadoo et Nando Bodha, elle se rend au Sun Trust pour demander son adhésion au MSM. « Quand j’ai vu sir Anerood, j’ai été intimidée, c’était comme un rêve. ‘I was blessed’. Lui se réjouissait qu’une jeune professionnelle souhaite se joindre à son parti. Mais par-dessus tout, je me suis rendue compte que ses valeurs en politique et ses ambitions pour Maurice rejoignaient les miennes.» C’est tout naturellement qu’aux législatives de 2000, Vijaya se retrouve dans la circonscription de Rose-Belle-Vieux Grand Port, où Pravind Jugnauth est candidat. « C’est une région où j’ai de nombreux parents et des amis. Puis, j’ai la communication facile, et un peu de vocabulaire en bhojpuri ». Après la victoire de l’alliance MSM-MMM, Vijaya est nommée au sein de quelques corps para-étatiques. Elle sera notamment la Vice-Chairperson du Horse Gaming Board et membre de la Law Reform Commission. Aux élections de 2005, l’alliance MSM-MMM perd le pouvoir. Vijaya s’éloigne alors du champ politique pour mieux se consacrer à son métier d’avocat. Comme elle est membre d’organisations africaines regroupant des professionnels, elle se retrouve à Bruxelles pour une session de travail, en collaboration avec l’Union européenne. Elle fera partie d’une délégation mixte chargée de l’observation des élections en Suède. De 2005 à 2015, elle parcourt l’Afrique, du Maghreb jusqu’en Afrique du Sud, en passant par la Mauritanie, l’Algérie, le Congo et la Namibie, entre autres. Ce périple africain fera naître chez elle l’intime conviction que l’Afrique est le continent du futur, où tout le monde se retrouvera. « J’ai compris qu’il suffisait que nous autres Mauriciens reconnaissions le fait que nous sommes aussi des Africains.» À son étude, Vijaya est l’avocate dont les portes restent ouvertes aux petites gens. « Parfois, il arrivait que je ne reçoive pas l’intégralité de mes honoraires. D’autres fois, on m’offrait des chocolats, des livres, des statuettes divines. Mais je comprenais toujours les difficultés de certains clients. » C’est durant cette période qu’elle se lie d’amitié avec deux éminents avocats-politiciens, Ivan Collendavelloo et Anil Gayan. « J’ai beaucoup d’admiration pour eux, tant sur le plan professionnel que politique. »

Intransigeante sur la liste d’attente

En 2014, lorsqu’Ivan Collendavelloo crée le Muvman Liberater, en désaccord profond avec le rapprochement des mauves avec les rouges, Vijaya Sumputh voit en l’ex-cacique mauve un « politicien courageux et sincère ». « Ce n’était pas chose facile de rompre avec un parti auquel vous avez voué toute votre vie », dit-elle. Cette admiration l’amène à prendre sa carte du parti des dissidents mauves et la voilà qui commence à battre l’asphalte, avec Anil Gayan, Ravi Rutnah, Eddy Boisezon et Ivan Collendaveloo. « Les débuts étaient très difficiles. Dans nos premières réunions, nous étions plus nombreux que l’assistance », rigole-t-elle. Les résultats des élections de 2014 lui donnent raison. Mais comme en 2000, elle n’aura pas été investie, victime du système des alliances. Si elle se réjouit de sa nomination, en février 2015, à la direction du Cardiac Centre, elle est consciente des défis inhérents à ce poste. « Il a fallu que je sois intransigeante sur le dossier de la liste d’attente, qui a fait couler beaucoup d’encre. Le centre lui-même a besoin d’un véritable inventaire car certains équipements sont dépassés. Il faut savoir que le pays ne compte que trois chirurgiens spécialisés en maladies cardiaques, c’est insuffisant, mais d’un autre coté, on comprend que personne ne veuille s’engager dans des études aussi longues et coûteuses que la chirurgie cardiaque. Pourtant, le nombre de malades augmente, surtout parmi les femmes. Il faut trouver des réponses à cette situation car j’ai une obligation de résultats à la fin de mon contrat », explique Vijaya. Il lui faut aussi compter avec une certaine forme de résistance à ses réformes. « Il n’est plus possible que certaines personnes continuent à travailler comme avant, fait-elle ressortir. Pour moi, le malade n’a pas de couleur politique. C’est l’intérêt des patients d’où qu’ils viennent qui reste ma priorité ». Mais le tableau n’est pas si sombre, car Maurice peut toujours compter sur les chirurgiens étrangers. Chaque matin, pour affronter une nouvelle journée, avec ses incertitudes et ses émois, ses comités et ses rencontres de couloirs, Vijaya s’en remet à Dieu. « Toute ma force vient de là, cela me réconforte », assure Vijaya.
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