Un Budget clientéliste 

Il était largement anticipé que le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, présente un Budget visant à séduire le plus grand nombre d’électeurs possible, en particulier la masse silencieuse capable d’influencer le résultat des élections. Cependant, l’exercice a été mené avec subtilité. Le Grand Argentier l’a orchestré sous la bannière : « Investir dans un avenir meilleur pour chaque Mauricien. » Ouais, ouais, bien sûr, investir... Investir dans les votes surtout ! 

Cet exercice de clientélisme a été soigneusement planifié. Le ministre des Finances a jonglé avec les subventions et les allocations comme s’il distribuait des friandises à une fête foraine. On aurait presque dit que le gouvernement avait organisé une grande kermesse lors de laquelle chaque citoyen était invité à se servir dans la hotte du trésor public. 

Le gouvernement a cherché à toucher un large public en réduisant le prix du gaz ménager de 12 kilos, déjà subventionné, le faisant passer de Rs 240 à Rs 190. En d’autres mots, il a voulu que chaque ménage bénéficie de cette mesure qui profite également aux petits restaurants, aux snacks, ainsi qu’aux marchands de « roti », de « dholl pouri » et autres « gato sale ». Était-ce pour que chaque ménage se sente béni par une sorte de grâce gouvernementale ? Un geste presque divin, n’est-ce pas ? 

Le gouvernement a également visé les familles en proposant des allocations pour les enfants, les femmes enceintes et les mères. La question est de savoir si cette approche axée sur le foyer sera suffisante pour générer un sentiment positif susceptible de se traduire par des votes en sa faveur aux prochaines élections générales. 

Les gens les moins favorisés et ceux de la classe moyenne ont également été ciblés. L’allocation CSG de pas moins de 500 000 employés percevant moins de Rs 50 000 par mois a été, à nouveau, augmentée. Parmi figurent les 110 000 bénéficiaires du Revenu minimum garanti qui recevront Rs 20 000 par mois au lieu de Rs 18 500. 

Les ménages gagnant moins de Rs 20 000 par mois bénéficieront, eux, d’une Allocation d’égalité des chances de Rs 2 000 par mois. Quant aux parents, ils recevront tous une Allocation scolaire de Rs 2 000 par mois pour chaque enfant âgé de trois à 10 ans. Mesure qui concerne 80 000 familles. Le gouvernement semble ainsi convaincu que ceux concernés lui seront reconnaissants d’avoir rehaussé leur niveau de vie et qu’ils s’en souviendront dans l’isoloir, au moment du vote. 

Le troisième groupe ciblé est celui des bénéficiaires des prestations sociales, notamment les personnes âgées, qui sont environ 300 000. La pension de vieillesse (à partir de l’âge de 60 ans) et la pension d’invalidité de base passeront à Rs 14 000 en juillet 2024 et à Rs 15 000 en janvier 2025. De plus, une allocation mensuelle supplémentaire de Rs 3 000 a été introduite à l’intention d’environ 5 000 enfants en situation de handicap âgés de moins de 18 ans. 

Depuis les élections de 2014, il est largement dit que cette partie de la population a majoritairement soutenu le gouvernement, qui a continuellement augmenté ces prestations qui s’élevaient initialement à Rs 3 623. Cela signifie-t-il pour autant que leur fidélité envers le MSM est garantie ? 

Reste à voir comment l’alliance PTr-MMM-ND compte renverser cette tendance. Le séjour gratuit « once-in-a-lifetime » à l’île de la Réunion que Navin Ramgoolam avait promis aux personnes âgées risque de ne pas suffire. L’alliance de l’opposition a tout intérêt à proposer un package plus attrayant que celui du gouvernement. 

Le quatrième groupe ciblé dans le Budget est celui des nouveaux électeurs, en particulier les jeunes âgés de 18 à 25 ans. Ils bénéficieront d’un forfait Internet mensuel gratuit et d’un prêt à taux zéro de la Banque de développement pour l’achat d’équipements informatiques. Quant aux collégiennes des Grades 6 à 13, elles recevront gratuitement des serviettes hygiéniques. 

À eux seuls, ces jeunes représentent environ 100 000 votes. Une question se pose : ces « Digital Natives » ou « Screenagers » seront-ils séduits par ces cadeaux ? Ou alors sont-ils davantage préoccupés par leur avenir, leurs études supérieures et le manque de perspectives à Maurice ? 

Dans ce jeu de dupes qu’est la politique, où chaque geste est un coup de poker électoral, le gouvernement distribue des cadeaux à tout-va, espérant ainsi attirer des votes supplémentaires pour remplir sa hotte électorale. Mais l’alliance PTr-MMM-ND ne restera sûrement pas les bras croisés. Elle concoctera sans doute sa propre stratégie pour contrer les tactiques de séduction de son adversaire. Le public applaudira-t-il cette démonstration de générosité ? Ou alors sifflera-t-il cette pièce de théâtre bien rodée ? La réponse ne tardera pas à se faire entendre.