Si les consommateurs espéraient une réduction des tarifs des carburants, il n’en a rien été. Les prix de l’essence et du diesel sont restés inchangés à Rs 66,20 et Rs 63,95 le litre respectivement. Le Petroleum Pricing Committee a annoncé cette décision le mercredi 18 septembre 2024 en fin d’après-midi. Des observateurs économiques expliquent qu’avant d’envisager une baisse, plusieurs facteurs doivent être pris en compte.
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Révision de la structure tarifaire
Ibrahim Malleck, économiste, souligne les défis entourant une potentielle baisse des prix des carburants, surtout dans une année électorale. « L’inflation des prix à la consommation reste un problème socio-économique majeur. Compte tenu des prix mondiaux de l’énergie et de la perte de pouvoir d’achat des Mauriciens, on aurait pu espérer une réduction des prix à la pompe pour soulager les consommateurs et les entrepreneurs », affirme-t-il.
Il met en lumière la composition de la structure tarifaire de l’essence et du diesel, où figurent diverses contributions, telles que celles dédiées à la subvention du gaz, de la farine et du riz, ainsi que des montants alloués à la Road Development Authority. « Revoir cette structure pourrait permettre à la State Trading Corporation (STC) de diminuer certaines contributions au bénéfice des consommateurs », propose-t-il.
Cependant, il avertit que cette révision pourrait affecter les recettes de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et augmenter la pression sur les finances publiques, notamment en raison des subventions croissantes dans divers secteurs. Ce qui pourrait s’avérer difficile à gérer à court terme.
Influence du sentiment public
Tahir Wahab, observateur économique, indique que la décision de réduire les prix des carburants repose sur divers facteurs, dont le sentiment public et les considérations politiques. « Un fort mécontentement de la part des consommateurs pourrait pousser le gouvernement à envisager une baisse plus rapide des prix », explique-t-il.
Il insiste également sur l’impact potentiel de la baisse continue des prix mondiaux du pétrole, qui pourrait amener le Petroleum Pricing Committee (PPC) à réévaluer sa stratégie. « Si l’économie montre des signes de ralentissement ou si l’inflation reste élevée, le gouvernement pourra se voir contraint de revoir les prix à la pompe à la baisse pour soutenir les ménages et les entreprises », dit-il.
Réduction des taxes
L’économiste Swadicq Nuthay met en exergue la complexité de la taxation des carburants à Maurice. « Les carburants sont soumis à plusieurs taxes : le droit d’accise, les prélèvements pour subventionner des produits essentiels comme le gaz, le riz et la farine, ainsi que la TVA », explique-t-il.
Il souligne que malheureusement, rien n’est gratuit : « Comme l’a si bien dit l’économiste réputé Milton Friedman : ‘There’s no such thing as a free lunch’. » Il précise que les services publics et l’État-providence ont un coût qui doit être supporté par les impôts.
Ainsi, poursuit-il, tous les services fournis par le gouvernement, tels que le transport gratuit, les services de santé et les pensions, doivent être financés par les recettes fiscales. Selon lui, réduire les taxes sur les carburants entraînerait nécessairement un manque à gagner qui devrait être comblé par d’autres sources, comme une augmentation de la TVA ou d’autres impôts. « Chaque option présente des défis et des répercussions économiques qui lui sont propres », dit-il.
Amélioration des infrastructures de stockage
L’économiste Manisha Dookhony soutient qu’une baisse des prix des carburants pourrait générer un « feel-good factor », surtout à l’approche des élections générales. Toutefois, elle précise que pour réduire durablement les prix, Maurice doit améliorer ses infrastructures de stockage de carburant. « La capacité actuelle de stockage est limitée. Une capacité accrue permettrait de réaliser des économies d’échelle, ce qui pourrait faire baisser les coûts », dit-elle.
Impact d’une baisse des prix sur les consommateurs et sur l’économie
Amélioration du pouvoir d’achat
Selon Ibrahim Malleck, une baisse des prix de l’énergie pourrait directement améliorer le pouvoir d’achat des consommateurs. « Les prix de l'énergie influencent à la fois les coûts de transport et les coûts de production, ce qui se répercute sur les prix des biens de consommation », explique-t-il. Il précise qu’une réduction des prix à la pompe, si elle est correctement transmise aux consommateurs, offrirait un soulagement temporaire en augmentant leur pouvoir d’achat.
Tahir Wahab abonde dans son sens. « Une réduction des prix des carburants réduirait directement les coûts de transport, ce qui pourrait bénéficier aux ménages et aux entreprises. Cela pourrait augmenter les revenus disponibles des consommateurs », soutient-il.
Avis partagé par Manisha Dookhony. « Une baisse des prix des carburants aurait permis de réduire ceux des commodités pour permettre aux Mauriciens de bénéficier d’une hausse de leur pouvoir d’achat », dit-elle.
Atténuer les pressions inflationnistes
Ibrahim Malleck fait ressortir qu’avec les prochaines augmentations salariales (à partir de septembre et ce avec effet rétroactif à compter de juillet), ainsi que le paiement du 13e mois en décembre, l’augmentation de la masse monétaire exercera une pression sur l’inflation. « Une baisse des prix à la pompe aurait pu aider à atténuer ces pressions inflationnistes, d’autant plus que nous ne voyons pas de stratégie claire pour contrôler la dépréciation de la roupie, ce qui alimente encore davantage nos taux d’inflation locaux », explique l’économiste.
Tahir Wahab partage cette analyse, soulignant que la réduction des coûts de transport, résultant d’une baisse des prix des carburants, aiderait à réduire les pressions inflationnistes. « Cela est particulièrement crucial dans un contexte économique où les inquiétudes liées au coût de la vie sont omniprésentes », ajoute-t-il.
Augmenter la croissance économique
Tahir Wahab estime qu’une réduction des prix des carburants pourrait avoir des effets positifs sur l’économie en réduisant les coûts opérationnels des entreprises. « Une baisse des coûts de production permettrait aux entreprises de réduire les prix des biens et services, ce qui stimulerait la demande et encouragerait l’activité économique », affirme-t-il.
Conséquences d’une incertitude sur le marché mondial
Ibrahim Malleck indique que les prix mondiaux du pétrole se situent à un niveau bas, soit entre USD 70 et 72 le baril. Selon lui, face à la baisse des prix de l’énergie ces six derniers mois et à la réduction du déficit du Price Stabilisation Account (PSA) de la STC, qui est passé de Rs 4,2 milliards à Rs 3,8 milliards, on aurait pu s’attendre à une baisse des prix à la pompe.
Or, poursuit-il, les incertitudes géopolitiques au Moyen-Orient et en Ukraine, combinées à la diminution des stocks de pétrole brut, laissent présager une hausse potentielle des prix mondiaux à l’approche de 2025. « À moins que cette tendance ne soit compensée par le ralentissement économique en Chine et par la croissance modérée dans les principaux pays de l’OCDE », avance-t-il.
Manisha Dookhony partage les mêmes informations. Selon elle, bien que les prix des carburants sur le marché mondial aient baissé, ils suivent une tendance stable en ce moment. « En même temps, le niveau d’incertitude sur le marché international reste élevé en raison des conflits persistants au Moyen-Orient et en Ukraine », soutient-elle.
Tahir Wahab rappelle qu’en mai 2022, les prix des carburants avaient été augmentés à Maurice lorsque le baril de pétrole atteignait USD 108. Aujourd’hui, en septembre 2024, avec un baril à USD 74, et au vu de la tendance à la baisse des prix mondiaux du pétrole, il aurait été raisonnable pour Maurice d’envisager une réduction des prix de l’essence et du diesel.
« Avec la baisse des prix mondiaux, Maurice aurait pu non seulement alléger le fardeau des consommateurs, mais aussi freiner une inflation galopante », explique-t-il. Il juge que le maintien des prix à la pompe est une occasion manquée de soulager les consommateurs et de stimuler l’économie.
« La parole est à vous » : des internautes s’expriment
Un post, publié sous la rubrique « La parole est à vous » sur la page Defimedia.info et intitulé « Carburants : quelles sont vos propositions pour une meilleure structure des prix ? », a généré de nombreuses réactions et recommandations de la part des internautes. Voici quelques suggestions qui se sont démarquées.
Prishi Seetaloo : « Pena okenn striktir. Karbiran se enn lakav Ali Baba pou gouvernnman. »
Steeve Jandoo : « Tro bokou Tax lor lesans ek diezel. Zot pe gagn par miliar. Donn par isi, tir par laba. Ki deroule sa. »
Bibi AiSha : « Rendre plus clair pour tout le monde… Pourquoi et comment les prix changent. Réduire les taxes sur les carburants. »
M. Shaffick Hamuth : « Si nou pou donn propozision gratis, be bann Advisor ki pe gagn gro lapey ki pou fer ? »
Yousouf Su : « Prix la pou changer très bientôt, sûrement la veille grand jour-là, pour la bouche doux. »
Nowshad Ally Homar : « Privilège carburant éthanol comme en France. »
Weïd : « Carburants cadeau pour les 35 à 60 ans. Mais ce n’est pas possible. Tous les autres ont eu quelque chose de Chacha, sauf ceux de cette tranche d’âge. »
Vinoba Bhunjun : « Govt. bizin bes lesans, tir sibsid lor bann prodwi ek fer lasante ek ledikasion peyan. Lerla ena pou trouv sa korek. »
Benjamin Juste : « Pli inportan Moris bizin posed so prop navir pou amenn karbiran. Vi ki bizin lwe bato, sa pe kout mari ser. »
Jayen Chellum, secrétaire général de l’ACIM : « Le prix de l’essence aurait dû passer au-dessous des Rs 55 le litre »
Le maintien des prix du carburant n’est pas une décision prise au hasard ou en raison du déficit du Price Stabilisation Account (PSA) de la State Trading Corporation. C’est ce qu’avance Jayen Chellum, secrétaire général de l’Association des consommateurs de l’Ile Maurice (ACIM). Selon lui, les prix ont été maintenus afin que le gouvernement puisse annoncer une baisse à l’approche des élections générales. Il s’exprimait devant la presse le vendredi 20 septembre.
« Le plus grand gagnant de cette situation est le gouvernement lui-même », a-t-il déclaré. Il a fait observer que le prix du pétrole a baissé de 17 % sur le marché mondial. « D’autre part, le fret est en baisse et la roupie est stable par rapport au dollar », a-t-il ajouté. En tenant compte de ces facteurs, il a estimé qu’une baisse des prix de l’essence et du diesel aurait dû être appliquée à Maurice. Or, le Petroluem Price Committee (PPC) a maintenu les prix de l’essence et du diesel à Rs 66,20 et Rs 63,95 le litre respectivement. « Il est scandaleux que le gouvernement ait résisté à une baisse des prix », a-t-il poursuivi. Pour lui, une chose est claire : « Les explications du PPC pour maintenir les prix ne sont pas crédibles et ne tiennent pas la route. » Jayen Chellum estime que le prix de l’essence aurait dû passer au-dessous de Rs 55 le litre et celui du diesel au-dessous de Rs 54 le litre. Selon lui, avant les élections générales, le gouvernement puise dans la poche des consommateurs pour ensuite redistribuer cet argent à l’approche des élections.
Jayen Chellum a également demandé à la Mauritius Broadcasting Corporation d’organiser un débat avec les parties prenantes afin d’informer la population. Il a indiqué que l’ACIM pourrait entreprendre des actions symboliques contre la décision du PPC d'ici à la semaine prochaine. « Il se peut que nous manifestions devant l’Assemblée nationale avec pas plus de onze personnes », a-t-il ajouté.
Pénurie de produits alimentaires
Sur le plan international, Jayen Chellum est d’avis que la guerre entre l’Ukraine et la Russie risque de s’aggraver dans un futur proche. « Il règne une incertitude, et il se pourrait que la situation dégénère, menant même à une troisième guerre mondiale », a-t-il évoqué. Étant donné que ces deux pays sont de grands producteurs de produits alimentaires, il craint qu’une pénurie de certains produits importés se fasse ressentir à Maurice. Selon lui, le gouvernement mauricien a un rôle diplomatique à jouer à ce niveau. Il a suggéré qu’il est nécessaire de trouver de nouveaux marchés d’approvisionnement dans la région. « Il faudra aussi augmenter la capacité de stockage des produits importés », a-t-il conclu.
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