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Services de renseignements : les opérations du NSS de nouveau sur le tapis

Le National Security Service (NSS) se retrouve sous les feux des projecteurs après l’incident survenu à la rue Desforges, à Port-Louis, durant la semaine. Un policier, membre de cette unité, a eu une altercation avec le commerçant Javed Gaffoor, après avoir pris des photos, et il s’est fait agresser. 

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Dans sa plainte, le policier affirme que le commerçant lui a reproché d’être sur les lieux pour surveiller l’ancien Premier ministre Navin Ramgoolam. « Gard NIU twa, to vinn vey Ramgoolam isi », lui a-t-il dit. Depuis cet incident, les missions politiques du NSS sont remises en question dans divers milieux.

Les missions politiques de la NSS est un sujet tabou, difficilement abordé aux Casernes centrales. On apprend, cependant, que les « details of duty » diffèrent dépendant du Premier ministre au pouvoir. Dev Jokhoo, ancien directeur des services de renseignements pendant plusieurs années, nous explique sa façon de procéder alors : « Je prenais souvent les devants. Je crois en la méthode proactive, au lieu d’attendre des ordres. » L’ancien directeur révèle qu’il commanditait des sondages de sa propre initiative, par exemple lors des périodes pré-budgétaires. Ensuite, il soumettait le rapport au Premier ministre. 

Commentant l’incident de la rue Desforges, il estime que la gestion doit être revue pour améliorer le mode d’opération : « Bizin konn dir Non, mem kan zafer la pa bon ou pa fer plezir laho. » Il parle également d’une formation inadéquate pour les éléments du NSS. Ceux-ci ont pour consigne d’être le plus discret possible et de ne pas se faire remarquer. Or, le policier s’est vite fait repérer par le commerçant par sa façon de se comporter. 

Depuis, de nombreuses questions sont posées. Les éléments du NSS ont-ils le droit de photographier, d’enregistrer des images, entres autres ? Le policier était-il en fonction ou se rendait-il dans une librairie au moment de l’incident ?  

Au siège du NSS, dont les locaux se trouvent à l’intérieur des Casernes centrales, plusieurs desks recueillent des informations sur le terrain concernant des groupes issus de différentes religions et cultures. Les renseignements sur eux sont ensuite analysés. On compte ainsi le Muslim Desk, le Hindu Desk, le Creole Desk et le Chinese Desk. Les limiers sont régis par la Police Act. Leur priorité est la sécurité du pays. L’ordre public demeure une priorité, mais la surveillance des citoyens constitue un délit, sauf s’ils représentent un danger contre l’État. Le NSS est aussi responsable pour couvrir les conférences de presse de différents groupements. 

Droit à la vie privée

Un homme de loi explique que tout individu détient le droit d’avoir une vie privée, selon les droits de l’homme. Notre interlocuteur explique qu’il faut savoir quelle était l’intention du photographe. Mais comme agent du NSS, il n’a pas le droit de prendre des photos sans le consentement de la personne visée. « Se enn atint a lavi prive sa dimoun la », dit-il. 

Les éléments du NSS n’ont pas uniquement pour tâche de rapporter les déclarations des syndicalistes ou des politiciens lors des rassemblements publics ou privés, mais doivent aussi signaler la présence des personnes de marque. 

Le recrutement des « nouvelles têtes » sans expérience est pointé du doigt, après le dérapage survenu durant la semaine. « NSS pe koule akoz ban ki pena lexperians, pe met proteze politik laba. » Quels bénéfices obtient-on lorsqu’on est affecté au NSS ? Pas grand-chose, nous répond un constable. Il évoque les allocations de voiture, qui relèvent du Prime Minister’s Office (PMO). 

Des vidéos comme preuve

Les responsables réclament souvent des photos, ainsi que des vidéos, pour prouver la véracité des informations rapportées par les agents. Même si le NSS dispose de facilités pour mettre quelqu’un sur écoute  téléphonique, il compte aussi sur des taupes au sein des organisations, incluant les partis politiques. Des journalistes sont souvent sollicités pour contribuer à cet exercice. Les photos sont uniquement prises sur les instructions des supérieurs, nous confient nos sources proches du NSS. Des opérations effectuées avec des équipements sophistiqués : des Mac, des caméras Go-Pro ou encore des cellulaires dernier cri.

Certains officiers ont subi des « brossaz la tet » après des couacs suite aux rapports soumis. à l’instar d’un cas, en  2017, où trois ministres - Gayan, Collendavelloo et Sinatambou - avaient été malmenés par des habitants, lors d’une campagne d’explication dans le cadre du projet Metro Express pour justifier le délogement des habitants.

Le NSS est chargé également de recueillir les informations lors des rassemblements ou autres activités politiques. Surtout les réunions tenues par les partis de l’opposition. Des rapports sont ensuite expédiés à leurs supérieurs, qui refilent les données au PMO. Il y a un prix à payer, surtout lorsqu’une importante information n’a pas été recueillie par les agents. Un agent basé dans la capitale nous confie, qu’avec l’aval de ses supérieurs, « enn top news gagn ziska Rs 100 000, ek ban ti linformater gagn Rs 500 ».   

Après chaque changement de régime, les informations compilées sont systématiquement détruites. De plus, les officiers du NSS font leurs valises pour laisser la place aux hommes proches du nouveau pouvoir. Mais ce changement intervient uniquement après qu’on s’est assuré que tous les enregistrements, informations et rapports, rédigés surtout sur la politique, sont « détruits ». 

Au sein du NSS, la direction explique que les photos prises sur le terrain n’ont pas un caractère d’obligation : « On n’est pas des espions, mais on se fie plutôt à des ‘amis’. À titre d’exemple, à l’issue d’un bureau politique, on s’informe sur ce qui s’est déroulé, en se basant sur les affirmations des participants eux-mêmes. Nos sources au sein de l’unité, souvent perçues comme des ‘lèche-botte’, des ‘pookies’ ou encore des ‘balances’, affirment qu’elles ont accompli un travail noble pour la sécurité de l’État. »

Un ancien directeur du service : «Peut-être un excès de zèle»

« Il s’agit peut-être d’un excès de zèle de la part du policier du NSS, qui s’est permis de photographier Javed Gaffoor sans son consentement. » Propos d’un des anciens directeurs du NSS, qui a travaillé avec l’actuel gouvernement. Ce haut gradé de la police explique que les policiers de cette unité sont tenus d’agir avec la plus grande discrétion, sans pour autant être extrémiste. Pour lui, le policier aurait simplement agi selon des ordres reçus d’un supérieur. « Mo pa krwar Premier ministre kinn dir fer sa. Bizin ban ofisie siperyer dan NSS kin dir sa gard la fer sa », a conclu cet assistant commissaire de police. 

Concernant  la surveillance des citoyens, l’ancien directeur affirme que cette pratique peut être envisagée uniquement en cas de menace à la sécurité intérieure ou pour contrer des activités illégales.

 

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