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Service public - CWA: une privatisation qui fait des vagues

Après la publication du rapport de la Banque mondiale, en mai, les démarches seront enclenchées.
Le débat autour la privatisation de la Central Water Authority ne date pas d’hier. Si pour Ivan Collendavelloo elle serait inévitable pour répondre aux attentes des consommateurs, tous ne sont, toutefois, pas du même avis. Alors, la privatisation est-elle l’unique solution pour relancer l’institution qui prend l’eau ? 20 % de la population ne bénéficie pas d’un service adéquat de distribution d’eau. Et 99 % de l’eau de pluie se perd dans la mer. Pour changer la donne, il n’y a pas 36 solutions. « La privatisation de la Central Water Authority (CWA) est inévitable », soutient le ministre de l’Énergie et des Services publics, Ivan Collendavelloo. Le projet de privatiser l’institution n’est pas nouveau. Il s’agirait du seul moyen pour relancer la CWA qui s’est, à maintes reprises, retrouvée sous les feux des projecteurs. Certains acteurs du secteur proposent la restructuration de l’organisme. Mais Ivan Collendavelloo n’est pas de cet avis. Un tel exercice, soutient-il, n’aura pas de retombées positives. Il estime que solliciter l’expertise des étrangers coûtera beaucoup d’argent et s’avérera une perte de temps. Le compte à rebours de la privatisation de la CWA est alors lancé. Les démarches seront enclenchées après la publication du rapport de la Banque mondiale, attendu en mai. Ce document établira la manière dont la privatisation prendra effet.

Bouffée d’air frais

Prem Saddul, géomorphologue et ancien directeur de la CWA, est d’avis qu’une privatisation « partielle » serait une bouffée d’air frais pour l’organisme. Il précise qu’un partenariat stratégique serait la meilleure solution. « Il injecterait le capital mais apporterait aussi son savoir-faire. Il y aurait définitivement une hausse des tarifs, mais cela provoquerait aussi un changement de mentalité. à Maurice, les gens n’utilisent pas l’eau comme il faut. D’ailleurs, si la CWA va vers une privatisation, cela doit être une win-win situation. De plus, les partenaires stratégiques apporteront sans doute des changements. » Il ajoute qu’il y a plusieurs facteurs, dont la situation financière et la structuration de l’institution, qui justifient la nécessité de recourir à la privatisation. Prem Saddul affirme que la donne changera et la CWA sortira gagnante sur plusieurs aspects. « L’eau à Maurice coûte moins cher que dans d’autres pays africains. à titre d’exemple, le litre d’eau traitée se vend à cinq sous et le mètre cube à Rs 4,50. Avec des tuyaux qui existent depuis plus de 80 ans, ce sont plus de 40 % d’eau traitée qui se perdent. Ce qui ne rapporte rien à la CWA (Non Revenue Water). » Selon le géomorphologue, les gouvernements qui se sont succédés n’ont pas injecté suffisamment d’argent dans de nouvelles technologies pour améliorer la situation. « Si nous sommes arrivés à un point où nous devons opter pour la privatisation, c’est bien à cause de cela. D’ailleurs, la Banque mondiale avait soumis un rapport à ce sujet en 2008. Une équipe singapourienne en avait remis un autre sur le problème de NRW. » Or, souligne-t-il, à la CWA, c’était business as usual et il n’y a rien eu de nouveau pour redresser la situation. Harry Baulluck porte, lui, un tout autre regard sur la question. Ce dernier a été président exécutif de la CWA de 1996 à 2000. Il a aussi assumé le poste de General Manager de l’institution de 2006 à 2010. Il se dit contre la privatisation pour la bonne et simple raison que celle-ci ne serait aucunement dans l’intérêt des consommateurs. « Le gouvernement devrait travailler avant tout pour le bien-être de la population. De ce fait, toutes les mesures prises doivent être en accord avec cet objectif. »

Les consommateurs pénalisés

Sauf que, argue-t-il, la privatisation de la CWA est contraire à cet objectif. « C’est un fait que le secteur privé vise essentiellement à maximiser ses profits. Du coup, les tarifs pour la distribution de l’eau seront certainement revus à la hausse. Et c’est le consommateur qui sera pénalisé. » D’autant plus, précise-t-il, que rien ne peut garantir que le service privé sera de meilleure qualité. « Il existe bien des sociétés privées qui n’excellent pas en termes de qualité. Donc, il est insensé de mettre sa main au feu sur ce point. Par ailleurs, il existe des pays, tels que l’Ouganda, le Sénégal ou la Côte d’Ivoire, qui ont cru qu’une privatisation améliorerait la distribution de l’eau. Ces derniers ont été bien vite désillusionnés, le prix étant hors de la portée du petit peuple », souligne Harry Baulluck. Ce dernir concède, néanmoins, que la situation à la CWA doit absolument changer. « Il y a de nombreux moyens, autres que la privatisation, pour relancer ce secteur. Le gouvernement doit y investir davantage pour que la situation bouge. Au lieu de le privatiser, il convient de demander l’aide d’experts dans le domaine de la distribution d’eau. Ces derniers pourront aider le gouvernement à atteindre son objectif », fait-il valoir.

Jayen Chellum, porte-parole de l’ACIM: «Le gouvernement doit conserver un droit de regard»

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Yousouf Ismaël, directeur de la CWA: «La sous-traitance est une option à considérer»

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/div> « La privatisation ne signifie pas forcément la liquidation des biens de la CWA. Il faut comprendre que c’est un moyen de combler nos lacunes. C’est le consommateur qui en sortira gagnant », affirme Yousouf Ismaël. Le directeur de la CWA explique « qu’il y a eu, pendant de nombreuses années, un manque d’investissement dans le domaine de la distribution de l’eau. Cela est, en effet, une des causes des manquements constatés dans le secteur. Nous n’avons d’autre choix que de trouver une solution pour le relancer. La sous-traitance de nos points faibles reste une option à considérer. On a besoin du soutien d’experts dans le domaine pour trouver des mesures afin de pallier les manquements. » Yousouf Ismaël soutient que la CWA a besoin de partenaires ciblés pour faciliter la transition. Toutefois, il concède que le gouvernement doit garder le contrôle. « La distribution de l’eau demeure une affaire publique. Au point où nous en sommes, il faut d’abord se concentrer sur l’amélioration de nos services », conclut-il.

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