Le souhait exprimé par le Premier ministre d’amender la Rodrigues Regional Assembly Act, suite à une requête du chef commissaire Serge Clair, relance le débat sur la réforme électorale.
Certes, le concept de représentativité constitue un élément fondamental dans toute démocratie digne de ce nom. Mais c’est le facteur de stabilité qui représente le garant du progrès et du développement. Il ne faut cependant pas se leurrer : il n’existe aucun système électoral au monde qui reflète les vœux de l'électorat de manière absolue. Mais cela n'a jamais constitué un handicap majeur au bon fonctionnement de l'administration d'un pays. D'ailleurs, même le dispositif de First past the post, aussi imparfait soit-il, n’a pas été remis en cause lors d’un référendum en Grande-Bretagne en mai 2011.
Le citoyen lambda est, manifestement, bien plus préoccupé par son pouvoir d'achat, son emploi, sa sécurité et celle de sa famille. S’il est vrai que la proportionnelle (PR) constitue un outil convenable pour tenter de corriger les aberrations du scrutin direct, la prudence doit impérativement être de mise lorsqu'il s'agit de son application car elle pourrait bouleverser de manière significative les résultats démocratiques sortis des urnes. Ainsi, dans le cas de Rodrigues, une démocratie avec un nombre restreint de députés (12 selon le FPTP), l’on a vu comment, après le scrutin de février 2012, une majorité confortable de 4 sièges en faveur de l’OPR avait été réduite à un seul après l’attribution des sièges à la PR (6+3 députés).
À Maurice, les projets de réforme électorale présentés par différents partis politiques proposent l'injection d'une dose de PR (environ 20 députés, selon le cas) au système actuel. Et ce, alors que le taux de représentativité – nombre d'habitants par député – est parmi les plus faibles au monde. Dans son rapport, le Pr Carcassonne avait effectué le même constat et n’avait, par conséquent, pas recommandé l'augmentation du nombre actuel de députés. D’autant qu’à un moment où de nombreux pays effectuent des coupes budgétaires drastiques, l'augmentation, à Maurice, du nombre de députés qui sont, pour la plupart du temps, en vacances, mais jouissant des rémunérations et bénéfices faramineux, ne ferait qu’ajouter l’insulte à l’injure.
Évidemment, la démocratie n'a pas de prix. Mais pour de nombreux observateurs, le problème de représentativité doit être résolu uniquement à l'intérieur du dispositif actuel. Mais là aussi à condition que les députés nommés à partir du Party List ne viennent bouleverser de manière significative les résultats exprimés dans les urnes. Cependant, la récente prise de position de SAJ sur la proportionnelle à Rodrigues – système qu'il a d'ailleurs qualifié de « komeraz » – et sa réponse à la PNQ de mardi dernier risquent de changer significativement la donne dans le dossier de la réforme électorale dans son ensemble.
Pourtant, dans le cadre de la consolidation de la démocratie, notre pays est confronté à des problématiques bien plus pressantes et importantes. Il y a d'abord le financement des partis politiques – une des sources majeures de la corruption à Maurice –, un code de conduite à l'intention des partis et candidats, la consolidation des pouvoirs de l’ESC, mais aussi le redécoupage des circonscriptions afin que soit respecté le « population quota » préconisé par la section 39(3) de la Constitution. C'est effectivement le manque flagrant de volonté politique de la part de nos gouvernants successifs qui a conduit à une situation de stagnation dans laquelle des circonscriptions d'environ 80 000 habitants (nos 5 et 14) sont représentées par le même nombre de députés que celles ne faisant même pas 50% de ce nombre (nos 2 et 3).
Même le verdict fort éclairé du juge Seetulsingh en septembre 2000 sur le Best Loser System (BSL) n'a, semble-t-il, jamais été pris au sérieux par nos gouvernants (tous bords confondus). Cela, alors que le gouvernement MSM-MMM de 2000 à 2005 disposait de la majorité requise pour apporter les amendements constitutionnels nécessaires. Et il va sans dire que si ce jugement était mis en pratique, le recours au comité des Nations unies sur les droits humains n'aurait jamais existé. Même le repêchage de Michael Sik Yuen en mai 2010 dans les conditions que l'on sait n'a, manifestement, interpellé personne.
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