
La cheffe de file de l'extrême droite française Marine Le Pen voit ses chances de se présenter à la présidentielle de 2027 sérieusement compromises, après avoir été condamnée lundi à cinq ans d'inéligibilité, avec effet immédiat, pour détournement de fonds publics.
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Mme Le Pen, 56 ans, a également été condamnée à une peine d'emprisonnement de quatre ans, dont deux ferme aménagés sous bracelet électronique.
Elle apparaissait comme une favorite pour cette élection après trois tentatives infructueuses. Un sondage publié dimanche donnait la figure de proue du Rassemblement National (RN) largement en tête du premier tour d'un prochain scrutin présidentiel, avec 34% à 37% des intentions de vote.
La quinquagénaire a quitté la salle d'audience dès l'annonce de son inéligibilité immédiate, avant même le prononcé du détail de sa peine.
"Il s'agit de veiller à ce que les élus comme tous les justiciables ne bénéficient pas d'un régime de faveur", a déclaré la présidente du tribunal, Bénédicte de Perthuis.
Cette décision a suscité des réactions immédiates du Kremlin, soutien du RN, qui a déploré une "violation des normes démocratiques", et du Premier ministre nationaliste hongrois Viktor Orban, qui a écrit sur X: "Je suis Marine!".
Le patron de l'extrême droite néerlandaise Geert Wilders s'est dit "choqué" par cette condamnation "incroyablement sévère", et le vice-Premier ministre italien Matteo Salvini a fustigé une "déclaration de guerre de Bruxelles".
"C'est la démocratie française qui est exécutée", a affirmé pour sa part sur X le président du RN Jordan Bardella, qui représente à 29 ans l'avenir et la principale alternative du parti pour 2027.
- L'alternative Bardella -
Huit autres eurodéputés du parti, dont le vice-président de la formation Louis Aliot qui a dénoncé "une tache indélébile dans l'histoire de notre démocratie", ont également été reconnus coupables pour avoir fait "prendre en charge par le Parlement européen des personnes qui travaillaient en réalité pour le parti".
Le RN a été condamné à une peine de 2 millions d'euros, dont un million ferme, et une confiscation d'1 million d'euros saisis pendant l'instruction.
Cette décision rebat les cartes au sein de l'extrême droite française à deux ans d'un scrutin majeur.
Même si Marine Le Pen fait appel, son inéligibilité ne sera pas suspendue. Vu les délais habituels de la justice, un second procès pourrait ne pas se tenir avant au moins un an, soit une décision au mieux à l'automne 2026, à quelques mois de la présidentielle.
Sa marche vers l'élection est donc compliquée. "Ça fait une préparation à la présidentielle particulière, quand même", selon un membre de sa garde rapprochée.
Elle espérait enfin récolter en 2027 les fruits d'une grosse décennie passée à polir l'image du parti fondé sous le nom de Front National (devenu Rassemblement national en 2018) par son père Jean-Marie Le Pen, condamné pour propos racistes et antisémites, et décédé le 7 janvier.
Le RN constitue aujourd'hui la première force à l'Assemblée nationale, capable de faire tomber à tout moment le gouvernement.
Si la lutte contre l'immigration reste au cœur de son programme et "la menace islamiste" l'antienne de ses discours, Mme Le Pen a notamment renoncé à sortir de l'euro.
- "Au cœur du système" -
L'ambitieux Jordan Bardella bénéficie d'une large cote de sympathie, supérieure, même, à celle de sa mentor selon un récent sondage.
Certains adversaires politiques du RN craignent qu'une telle décision judiciaire soit incomprise d'une large partie de l'opinion, et qu'elle ne fasse in fine le jeu du parti d'extrême droite.
A Hénin-Beaumont (nord), fief de Marine Le Pen, les habitants rencontrés par l'AFP ont dénoncé une décision "politique". "C'est vachement nul (...) Je trouve pas ça logique qu'elle soit punie pour ça", déclare ainsi Stacy Taquet, 28 ans, en recherche d'emploi.
"C'est honteux parce qu'elle avait sa place" et "elle ne pourra pas se présenter, renchérit Karine Groulez, aide-soignante de 56 ans. "Ils ne veulent pas qu'elle soit présidente et puis c'est tout".
Pendant huit semaines à l'automne dernier, neuf anciens eurodéputés FN - dont Marine Le Pen - ont comparu avec 12 personnes soupçonnées d'avoir bénéficié d'emplois fictifs (recel), le trésorier et les experts-comptables du parti (complicité).
Tout au long du procès, Mme Le Pen n'a cessé de clamer son innocence.
Le tribunal a estimé qu'elle était "au cœur de ce système". "Que les choses soient claires", a affirmé la présidente: "Personne n'est jugé pour avoir fait de la politique, c'est pas le sujet. La question, c'était de savoir si les contrats (des emplois jugés fictifs, ndlr) ont reçu une exécution ou pas".
© Agence France-Presse

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