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Recherche animale : vies de singes

Les singes mauriciens perturbent l’équilibre écologique, mais leur contribution dans la recherche biomédicale est indéniable. Ce dimanche, la firme Bioculture experte en « Monkey Business » depuis 39 ans, nous plonge dans la vie de ces animaux en captivité avant qu’ils prennent l’avion pour les États-Unis.

À Maurice, le Macaca fascicularis est l’unique espèce de singe présente. Importée d’Indonésie par les anciens navigateurs, elle prospère en formant des groupes appelés « harems » dans nos forêts. Bien que souvent considérés comme des « nuisibles », ces singes posant des défis en matière d’agriculture et de biodiversité (voir en page 17), ils jouent, cependant, un rôle crucial en tant que ressources dans la recherche biomédicale, contribuant significativement aux progrès de la science afin d’améliorer la santé humaine.

Le jeudi 28 mars 2024, Le Dimanche/L’Hebdo a découvert l’un des sites d’élevage de la société Bioculture, située à Rivière-des-Anguilles. C’était à l’occasion d’une conférence de presse organisée par le groupe sur les activités d’élevage en captivité et la préparation des singes mauriciens destinés à la recherche médicale aux États-Unis. 

Ainsi, nous embarquons à bord d’une fourgonnette en direction de l’un des sites d’élevage de Bioculture. Sur place, guidés par les experts de l’entreprise, nous observons de loin les singes mauriciens élevés en captivité. Dans des cages aux couleurs vives, les bébés singes s’affairent à la recherche de fruits fraîchement distribués par les soigneurs, sous le regard attentif de leurs parents… et du nôtre. Cette scène animée offre un spectacle fascinant… et touchant lorsque nous pensons à leur sacrifice ultime, en laboratoire, pour nous soigner, nous les humains.

Nous visitons par la suite un autre site où les singes sont prêts à partir aux États-Unis. Ils dégustent du beurre de cacahuète avec leur doigt. Accompagnés de la fondatrice de Bioculture, Mary-Ann Griffiths, nous parcourons les allées de ce village de singes.

Chaque groupe dans sa cage

Mary-Ann Griffiths nous explique que Bioculture maintient ces animaux en groupes distincts, et chaque groupe est logé dans sa propre cage. « Nous nous assurons de répliquer au mieux les éléments les plus proches d’un environnement naturel pour ces singes », souligne-t-elle. Elle précise que lorsque les singes arrivent sur les sites de Bioculture, ils sont soumis à une série d’examens, de tests, de traitements et de vaccinations. Une quarantaine est mise en place, pour une durée d’au moins six mois, incluant une surveillance constante pour s’assurer que l’adaptation des singes à l’environnement de la cage, à la nourriture et aux exercices d’habituation se déroule correctement. 

« Nous avons une équipe qui commence à les habituer aux interactions avec l’humain dès leur arrivée », dit Mary-Ann Griffiths. Comment cela se fait ? « Notre équipe habitue les singes à prendre de la nourriture de leur main pour progressivement surmonter leur aversion naturelle envers les humains », répond-elle. De nombreuses étapes techniques sont nécessaires avant de pouvoir constituer un groupe où une hiérarchie est établie, et qui devient stable et calme, voire un groupe qui « clique ».

Nourris de fruits, légumes et granulés

Les singes, nous dit-elle, sont nourris à leur arrivée non seulement de légumes et de fruits frais, mais aussi de granulés (pellets). « Nous les habituons progressivement à consommer davantage de granulés spécialement formulés, qui contiennent tout ce dont ils ont besoin pour une nutrition complète. » Mary-Ann Griffiths indique que les fruits et légumes sont un complément et servent à donner de la variété.

Les « Harem Groups » expliqués

Qu’est-ce que les « Harem groups » ? Ils comprennent typiquement deux mâles et environ 25 femelles. Ils restent dans le même groupe autant que possible pendant toute leur vie reproductive. Les bébés naissent en cage et grandissent dans le même groupe social jusqu’à l’âge d’un an au minimum, fait savoir la fondatrice de Bioculture. 

Le sevrage se fait à partir de 12 mois au minimum, alors qu’un bébé Macaca fascicularis est sevré à partir d’environ huit mois dans la nature. Bien souvent, la mère est déjà en gestation à nouveau et elle ne souhaite plus porter le bébé existant. Le bébé reste néanmoins dans le groupe social, ajoute Mary-Ann Griffiths. Après le sevrage, les jeunes singes continuent de grandir en groupes sociaux jusqu’à l’âge d’exportation, qui est de 24 mois au minimum, mais cela peut s’étendre à 3-4 ans selon la demande du client faisant appel à Bioculture.

L’étape de préparation à l’exportation

À l’étape de préparation à l’exportation, les singes mauriciens sont placés dans des zones de conditionnement pour les préparer mentalement et physiquement au voyage. Ensuite, ils sont exportés dans des conteneurs conformes aux réglementations de l’IATA, tout comme les animaux domestiques ou autres lorsqu’ils sont transportés par avion dans une soute dédiée, à température contrôlée. 

Comment Bioculture s’assure-t-elle de minimiser le stress des singes pendant leur transport ? 

« Les conteneurs de transport utilisés pour l’exportation respectent ou surpassent les normes IATA afin de réduire au minimum le stress des animaux. Les conteneurs sont également équipés d’eau, de granulés et de fruits et légumes pour toute la durée du voyage. Ils sont réapprovisionnés lors de l’escale technique de l’avion », termine-t-elle, à la fin de notre visite.


Capture des singes en forêt 

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Le Training and Sustainability Manager, Nada Padayachy.

Le processus du « trapping » (capture) des Macaca fascicularis en forêt se fait par les propres employés de Bioculture, indique Nada Padayachy, Training and Sustainability Manager à Bioculture. Ces derniers ont suivi une formation sur la logistique, ainsi que sur le respect de l’animal et de son bien-être. « En forêt, nous effectuons nos opérations uniquement sur les terrains sur lesquels nous avons l’autorisation d’opérer », précise-t-il. 

Une évaluation du terrain est tout d’abord effectuée avant de placer les trappes. Les trappes activées sont vérifiées dans un délai de 24 heures, ajoute-t-il. Les singes capturés sont ensuite transférés dans des cages de transport adaptées et conduits au site de capture. 

Y a-t-il un contrôle très strict des autorités ? « Bien sûr. C’est fait par le ministère de l’Agro-industrie, surtout le département du National Parks and Conservation Service (NPCS) et la Livestock and Veterinary Division (LVD). » 

Le NPCS, poursuit-il, délivre les permis individuels pour les employés engagés dans l’activité de « trapping ». Cette unité exige également des rapports mensuels, voire plus régulièrement, notamment sur le nombre d’animaux capturés, le genre, le poids, mais aussi le nombre de pièges en opération, ainsi que leur géolocalisation. « Les officiers viennent aussi faire des vérifications non annoncées sur les sites de Bioculture et sur le stock des animaux. » 

Qu’en est-il des doléances des habitants importunés par les singes en liberté s’approchant de leur jardins et maisons ? « Le NPCS dirige vers nous, ainsi que vers les autres opérateurs, les doléances du public par rapport aux singes », dit le Training and Sustainability Manager. 

La LVD suit tout le processus avant l’exportation des singes pour s’assurer de leur bonne santé et de leur bien-être. « Avant chaque exportation, ils font aussi un audit approfondi de nos procédures annuellement. »


Prise en charge du singe capturé

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Le « Veg store » où sont entreposés les fruits et légumes destinés aux singes.

Comme tout animal, le singe capturé, ainsi que ceux nés en captivité, sont soumis à une supervision rigoureuse par l’équipe vétérinaire et Animal Welfare/Behaviour, explique le Dr Sam Naraina Poulle, Group Veterinary Director chez Bioculture. « Même nos agents de sécurité sont formés pour faire de la détection après les heures de travail, les week-ends et les jours fériés », explique-t-il. 

Pourquoi cette surveillance constante ? C’est ce monitoring 24/7 qui permet à son équipe de détecter tout animal nécessitant des soins vétérinaires et d’intervenir promptement, répond-il. 

Concernant les animaux capturés, le Dr Sam Naraina Poulle indique que les cages et les accessoires sont conçus pour offrir un maximum de barrières visuelles car le contact visuel est stressant pour un primate. Pour l’eau, le débit est maintenu constamment pour signaler aux animaux leur nouvelle source. « Ils sont aussi habitués progressivement à leur nouvelle forme de nourriture en granulés. » 

Quand ils sont malades, ils vont à l’hôpital ? Le Group Veterinary Director sourit et révèle que tous les sites de Bioculture disposent de leur propre hôpital équipé pour gérer les divers cas nécessitant des soins intensifs. Ces hôpitaux comprennent plusieurs Wards où les vétérinaires peuvent isoler les cas potentiellement contagieux des autres. 

Quelles sont les pathologies courantes ? Cela varie selon la catégorie et l’âge des animaux présents sur le site, dit-il. Par exemple, chez les singes reproducteurs, les problèmes sont souvent gynécologiques, tandis que chez les jeunes, ce sont plutôt des problèmes intestinaux. « Tout comme chez les humains. » 

Que se passerait-il si les singes n’étaient plus utilisés pour la recherche ? « La médecine vétérinaire a été créée par l’homme pour aider les animaux. Toutefois, pas n’importe quels animaux, mais ceux qui sont utiles aux humains (pour l’alimentation, la compagnie, le transport, la recherche, les loisirs) », affirme le Dr Sam Naraina Poulle. 

Pour lui, « d’un point de vue philosophique, la question ne se pose pas. Nous sommes là pour garantir le bien-être physique et psychologique de l’animal, quels que soient son destin ou son utilité ». En outre, il souligne que tous les médicaments vétérinaires doivent également être testés sur les animaux au préalable. « La même logique s’applique à l’utilisation des animaux pour ces besoins. » 

Et si cette pratique était interdite ? Les êtres chers, humain comme animal, en souffriraient, faute de médicaments et de traitements, estime le Dr Sam Naraina Poulle. 

Soins médicaux aux singes : toute une armada de vétérinaires 

En cas de maladies, Bioculture dispose d’une équipe complète de 12 vétérinaires travaillant à temps plein, ainsi que d’environ 50 techniciens, tous formés pour intervenir professionnellement en cas de besoin. « Nous avons une équipe vétérinaire de garde tous les jours, prête à intervenir en urgence. Les cas hospitalisés sont examinés quotidiennement par le vétérinaire responsable du site », explique le Dr Sam Naraina Poulle. 
Des caméras de surveillance sont installées dans les unités de soins pour suivre à distance le comportement et l’évolution des singes patients. « Les cas sont examinés collectivement et nous adoptons la meilleure stratégie de traitement. »

La vie de n’importe quel singe se résume à :

  • Être hébergé dans un enclos adapté à son espèce avec la possibilité d’exprimer les comportements propres à l’espèce.
  • Être hébergé dans un environnement qui est conforme et va même au-delà des normes de dimensions prescrites internationalement.
  • Être hébergé dans un environnement nettoyé et désinfecté, en sachant que le singe marche sur les mêmes mains qui vont prendre la nourriture.
  • Avoir un repas quotidien complet (granulés) fabriqué selon une recette prescrite pour les primates de ce genre.
  • Avoir quotidiennement un surplus de fruits et légumes de saison pour les besoins instinctifs de consommer du naturel.
  • Bénéficier d’une supervision vétérinaire accrue 24/7.
  • Être traité avec un esprit de compassion et responsabilité.
  • Les singes adultes destinés à la reproduction sont regroupés selon leurs comportements naturels pour maintenir une organisation similaire à celle qu’ils auraient dans la nature. 

 

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