Ils sont des citoyens lambda mais ils ont une chose en commun : leur religion. En ce mois sacré du Ramadan, ils jeûnent car c’est l’un des cinq piliers de l’Islam. Pourtant, tout n’est pas toujours facile. Entre le boulot pour gagner son pain, les études pour une vie meilleure et les incontournables travaux ménagers, ces trois personnes vivent à fond leur spiritualité. Incursion dans leur train-train quotidien.
Nazahah ou la Superwoman
Il est 3 heures du matin quand l’alarme retentit. Malgré le sommeil et la fatigue, Nazahah Sahebally sort du lit immédiatement. Dès lors, débute une course contre la montre. Cette mère d’une famille recomposée de quatre enfants, âgés entre 15 et 22 ans, doit préparer le ‘sehri’ avant de se rendre au travail.
Receveuse à la compagnie United Bus Service, la quadragénaire vit à Vallée-des-Prêtres où elle a rencontré son époux, lui aussi receveur, il y a sept ans. Déjà, en jour normal, elle est sur tous les fronts mais en cette période sacrée, elle doit donner encore plus d’elle-même pour sa famille. « A mon réveil, je prépare des ‘rotis’ et des ‘caris’ avec l’aide de ma belle-mère », dit Nazahah Sahebally.
Après la cuisson, la famille Sahebally se réunit pour le ‘sehri’ avant l’heure des prières. Ce n’est pas tout. « Avant de partir travailler, je dois aussi préparer à manger pour le dîner et laver les vêtements que j’ai mis à tremper la veille. » C’est à 6h15 que la quadragénaire prend son service au dépôt de Cassis pour le trajet quotidien Port-Louis/Curepipe et vice-versa. « Être receveuse n’est pas un métier de tout repos et encore moins pendant le Ramadan, confie-t-elle, mais Dieu me donne toujours le courage d’aller jusqu’au bout. »
Vu qu’elle termine le travail à 19 heures, c’est avec ses collègues qu’elle rompt le jeûne. C’est très souvent dans un autobus à la gare de Curepipe d’où elle fait le dernier trajet à Port-Louis à 18 heures. « Nous sommes bien traités par la compagnie qui nous donne de quoi faire l’‘iftar », ajoute-t-elle. « Entre collègues, nous préparons de la nourriture et nous avons même du thé chaud qui est le bienvenu dans le froid de Curepipe. » Puis Nazahah Sahebally rentre à la maison avec son époux.
Qu’en est-il des enfants ? « Ma belle-mère leur prépare de quoi rompre le jeûne. » De retour à la maison, sa journée n’est pas finie. Entre le dîner, les tâches ménagères et les prières, Nazahah Sahebally trouve difficilement du temps pour elle. Cependant, le secret de cette Supermum, c’est la planification.
Jeûner et travailler n’est pas toujours évident. « Il faut de la persévérance mais j’ai l’habitude car je jeûne chaque lundi et jeudi à l’exemple du prophète Muhammad (pssl) ».
Plus de concentration sur les études
Alisha Cassim, 21 ans, de Terre-Rouge et étudiante à l’Université de Maurice, est en pleine période d’examens. Pourtant, elle jeûne, car il est hors de question de sacrifier la religion. Ainsi, son défi est de concilier ses études et sa spiritualité. Tous les jours, elle se réveille à l’aube pour le ‘sehri’. Après les prières du matin, elle se met à ses cahiers et ses notes. « Puisque je suis déjà debout, j’en profite pour réviser et cela m’aide beaucoup », explique celle qui étudie l’Applied Computing.
Ces jours-ci, il n’y a pas de cours mais lorsqu’Alisha Cassim est à la maison, pas question de se reposer sur ses lauriers. « Durant le Ramadan, il n’y a pas beaucoup de distractions et je peux davantage me concentrer sur mes études. Pour moi, un jour de jeûne est une journée normale à part le fait de ne pas manger et boire. » Quand il y a des examens, elle se rend au campus de Réduit mais, une fois terminés, Alisha Cassim ne s’attarde pas à l’université. Elle rentre chez elle pour prier. Cependant, elle concède que le jeûne est plus facile cette année, car il fait frais et les journées sont plus courtes.
Si elle prend à cœur la religion, c’est parce qu’elle sait que Dieu la récompensera pour ce « sacrifice ». « Le jeûne adoucit l’âme et nous permet de comprendre la souffrance de ceux qui n’ont pas à manger au quotidien, souligne-t-elle. Pour bon nombre d’entre nous, tout est simple : nous avons une maison, le confort et la technologie et il est bon de se rappeler qu’il y a des personnes qui vivent dans la précarité. J’ai aussi une pensée spéciale pour ceux qui font des métiers durs. »
Celle qui jeûne depuis l’âge de dix ans trouve aussi le temps d’aider sa mère dans la cuisine pour concocter des gâteaux et dans la préparation de l’‘iftar’. Néanmoins, elle essaie de se coucher tôt. « Car le plus dur du jeûne, c’est le réveil très matinal. »
Carême et travail, pas toujours facile !
Métier difficile en temps normal, la maçonnerie l’est davantage durant le mois du Ramadan. Malgré cela, le maçon s’acquitte de son devoir religieux. C’est ce que nous explique Aktar Ramjan, 37 ans et résidant à Surinam, qui exerce ce métier depuis l’âge de 17 ans. Pour lui, pas question de s’arrêter malgré les contraintes. « Allier le boulot et le carême est très pénible mais ce n’est pas cela qui ébranle la foi. Dieu donne toujours le courage de persévérer », affirme Aktar Ramjan. Il explique que son travail nécessite beaucoup d’efforts physiques en plus d’être la plupart du temps sous un soleil ardent. « Le grand défi, c’est de ne pas boire pour calmer la soif même si on transpire à grosses gouttes. »
Ce père de famille commence sa journée tôt comme tous les musulmans qui se lèvent pour le ‘sehri’. Après la prière, Aktar Ramjan se rend au chantier. « Au lieu de commencer à 8 heures, mes collègues et moi, nous débutons le travail en avance et cela nous permet de terminer plus tôt. » A la place des pauses déjeuner-thé-cigarettes, il prend 30 minutes pour aller à la mosquée pour la prière de la mi-journée. Vers 15 heures, Aktar Ramjan rentre à la maison. « Je prends une douche avant de faire une petite sieste. » Puis, il va chercher ses enfants à l’école. Ensuite, il aide son épouse à préparer l’‘iftar’. « Elle est aussi en carême et, seule, elle ne peut tout faire. Il faut des gâteaux et autres pour rompre le jeûne et il y a aussi le dîner à préparer. Je lui donne un petit coup de main pour faire avancer les choses », explique-t-il.
La soirée se termine par les prières du soir. Aktar Ramjan précise que souvent épuisé par la fatigue des journées passées au soleil, il préfère aller dormir tôt. Les dix derniers jours du Ramadan, il partira en retraite à la mosquée. « C’est un mois sacré et on doit donner le tout pour le tout », souligne-t-il. Aktar Ramjan salue ses collègues qui ne sont pas de foi musulmane. « Ils respectent cette période et ils ne mangent ni ne fument devant ceux qui sont en carême. »
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