Le Prosecution Commission Bill, qui sera présenté à l’Assemblée nationale ce mardi, fait polémique. Si plusieurs avocats ont critiqué la démarche du gouvernement, ministres et députés sont eux d’avis que ce projet de loi a pour but de rendre le Directeur des poursuites publiques plus redevable.
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Ceux qui sont pour
SAJ : «L’exécutif n’aura aucune influence sur la Prosecution Commission»
Le Premier ministre, sir Anerood Jugnauth (SAJ), qui a été interrogé mercredi par le leader de l’opposition, Paul Bérenger, lors de la séance de la Private Notice Question (PNQ), a expliqué que son gouvernement avait pour objectif de créer une commission indépendante. « L’exécutif n’aura aucune influence sur les travaux qui seront abattus par la Prosecution Commission et sur le DPP. »
Ravi Yerrigadoo : «Aucune visée politique»
L’unique but d’un tel projet est de rendre « accountable » un membre de l’exécutif. C’est l’avis exprimé par l’Attorney General Ravi Yerrigadoo. « Ces amendements à la Constitution ne concernent ni Pravind Jugnauth, ni Navin Ramgoolam et encore moins le DPP Me Satyajit Boolell. Le Prosecution Commission Bill n’a aucune visée politique. Cette loi vise à rendre accountable un membre de l’exécutif (le DPP), qui est, de surcroît, un fonctionnaire. »
Anil Gayan : «Aucun adversaire politique n’est visé»
Le ministre de la Santé soutient que le bureau du DPP est la seule institution du pays à ne pas être « accountable » et qu’il faut donc y remédier. « Maurice est le seul pays au monde où le DPP détient de tels pouvoirs. Aucun adversaire politique n’est visé à travers la Prosecution Commission. Nous voulons tout simplement mettre de l’ordre dans le pays. »
Ravi Rutnah : «Nous voulons un pays juste»
Le député de la circonscription Piton / Rivière-du-Rempart (No 7) est lui aussi d’avis que la création d’une telle commission aura pour objectif de rendre le DPP plus redevable concernant ses décisions de rayer ou de poursuivre une affaire. « Je peux vous dire que tous les parlementaires sont d’accord sur le principe d’une Prosecution Commission. Finalement, nous voulons un pays juste où règne le respect de l’état de droit et des droits humains. Je ne vois rien d’antidémocratique. »
Ivan Collendavelloo : «Il y a unanimité depuis 2003»
Le No 4 du gouvernement considère qu’un tel projet de loi fera l’unanimité et précise que les pouvoirs du DPP faisaient déjà débat bien avant 2003. « Une seule personne ne peut décider s’il peut entamer des poursuites ou pas. »
Ceux qui sont contre
Sir hamid Moolan : «Je suis absolument contre une telle démarche»
Le Queen’s Counsel se dit contre ce projet. Sir Hamid Moolan est d’avis que la création d’une telle commission ne sera d’aucune aide à la justice. « Ce qu’ils font en ce moment n’est pas bien. Ils sont aveuglés par la passion politique. Un gouvernement fort ne peut amender la Constitution pour des besoins personnels et voter des lois scélérates. »
Rex Stephen : «C’est une grosse aberration»
L’avocat Rex Stephen s’est aussi joint au mouvement de contestation. « Le poste de DPP est un poste constitutionnel. Il semblerait que ces amendements prévoient la création d’un organisme administratif et non judiciaire. C’est une grosse aberration. Parce que le DPP, en vertu des dispositions constitutionnelles actuelles, doit répondre à la Cour suprême. »
Antoine Domingue : «Le Bar Council devrait s’insurger contre la Prosecution Commission»
L’ancien président du Bar Council dit ne pas comprendre pourquoi le gouvernement a proposé un tel projet. « De mon point de vue, si une telle commission est appelée à voir le jour, elle devra travailler dans les deux sens. Comme celui de revoir toutes les décisions du DPP, ce qui mènera à un chaos généralisé. Tous ceux qui ont été sujets à des poursuites vont immédiatement se tourner vers la commission, provoquant une paralysie de la cour. L’état de droit, ainsi que le Law & Order, vont s’effondrer. »
Kaviraj Bokhoree : «L’heure est grave»
Pour sa part, l’avoué Kaviraj Bokhoree a lancé un appel au gouvernement pour ne pas concrétiser ce projet. « On introduit un système pervers. Un juge reste un juge, même après la retraite, car il continue de percevoir son salaire de juge. En outre, mettre trois anciens juges à la tête de la Prosecution Commission risque de pousser un magistrat appelé à présider une affaire à procéder dans un sens spécifique. »
Yatin Varma : «La rétroactivité de trois ans est une aberration»
L’ancien Attorney General entre 2010 et 2014 est, lui aussi, monté au créneau. Il s’agit, selon Yatin Varma, d’une démarche politique. « C’est un move politique pour contrôler le bureau du DPP. C’est aberrant qu’il y ait une rétroactivité de trois ans. Pourquoi une telle mesure ? »
Ce que vous devez savoir
La Prosecution Commission (PC) aura deux objectifs majeurs. Primo, déterminer si une décision du Directeur des poursuites publiques (DPP) d’instituer ou non des procédures pénales est irrationnelle, perverse, contre l’intérêt public ou simplement juridiquement erronée. Secundo, déterminer si la décision du DPP de mettre fin à des procédures pénales est justifiée.
Composition. La PC sera composée de trois anciens juges de la Cour suprême ou d’un pays du Commonwealth, soit un président et deux assesseurs. Ils seront nommés par le président de la République, sous les directives de la Judicial and Legal Services Commission (JLSC). Si la JLSC ne parvient pas à nommer quelqu’un dans un délai de 90 jours, il incombera à un Appointment Committee, présidé par le président de la République, avec le Premier ministre et le leader de l’opposition comme membres, de faire le nécessaire. Les trois anciens juges auront un mandat de cinq ans, non renouvelable.
Rétroactivité. La PC pourra revoir les décisions du DPP remontant jusqu’à 36 mois avant l’entrée en vigueur de la loi. Toute révision des décisions prises devra être faite, au plus tard, le 30 septembre 2017.
Prérogatives :
- Faire des recommandations au DPP afin d’expédier les cas au criminel pour réduire les délais systémiques.
- Demander au DPP de remettre un rapport sur son travail quand la PC le souhaite.
- Ordonner au DPP de lancer, de relancer ou de mettre fin à des procédures pénales contre une personne.
Fonctionnement :
- La PC se réunira au moins une fois par mois.
- Les décisions seront prises au vote, chaque membre ayant droit à un vote.
- Le DPP devra être présent à chacune de ces réunions, mais n’aura pas droit de vote.
- En cas de conflit d’intérêts d’un des membres, celui-ci devra se retirer et ne pas participer aux délibérations.
- La PC disposera de 21 jours pour étudier toute demande de révision d’une décision du DPP.
- Toute demande de révision devra être faite dans un délai de 21 jours suivant la décision du DPP.
Les obligations du DPP
- Le DPP devra remettre un rapport trimestriel à la commission dans un délai de sept jours après la fin de chaque trimestre.
- Le DPP aura toutefois à fournir un rapport sur toutes ses décisions pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, au plus tard le 30 juin 2017.
- Le DPP devra fournir à la commission toute information qu’elle exige.
- Les rapports remis à la commission par le DPP pourront être déposés à l’Assemblée nationale dans un délai de trois mois après leur soumission.
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