Le ministère de l’Égalité des genres, du Développement de l’enfant et du Bien-être de la famille amorce une transformation majeure du cadre législatif concernant le processus d’adoption.
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Des révisions majeures des lois régissant les droits des enfants, en particulier les processus d’adoption, sont prévues cette année, selon nos informations. L’objectif est de garantir un avenir plus stable aux enfants vulnérables tout en répondant aux attentes des familles prêtes à les accueillir.
La ministre de l’Égalité des genres et du Bien-être de la Famille, Arianne Navarre-Marie, a affirmé que toutes les mesures nécessaires seront prises pour que le projet de loi sur l’adoption soit présenté et débattu à l’Assemblée nationale dans les plus brefs délais, afin de simplifier les procédures d’adoption. « De nombreux parents souhaitent adopter des enfants, mais se heurtent à plusieurs obstacles. Ce sera bientôt de l’histoire ancienne, car le State Law Office peaufine le projet de loi », affirme-t-elle.
Les obstacles administratifs, qui sont légion, devraient être simplifiés dans le cadre de cette nouvelle législation. Les familles candidates à l’adoption, qui doivent naviguer dans un labyrinthe de formalités et de délais interminables, pourraient bientôt voir leur parcours grandement allégé. En effet, selon les règlements actuels, si des parents mauriciens veulent adopter un enfant mauricien, ils doivent passer directement par le judiciaire.
Le National Adoption Council de Maurice, établi en vertu du National Adoption Council Act de 1987, est chargé d’enquêter sur toutes les demandes d’adoption de citoyens mauriciens par des non-citoyens, avant que toute demande ne soit faite au juge en chambre. Le Conseil coordonne également avec les agences officielles à l’étranger impliquées dans l’adoption et le bien-être des enfants. En outre, l’Adoption Unit du ministère de tutelle joue un rôle central dans la gestion des adoptions nationales et internationales, conformément aux dispositions de la Convention de La Haye de 1993.
Depuis son retour en tant que ministre du Bien-être de la famille, Arianne Navarre-Marie a engagé des consultations sur cette situation préoccupante. D’autant qu’en raison des limites du système actuel, les enfants passent souvent des années dans des ‘shelters’. « La place d’un enfant se trouve dans une famille, qu’elle soit sa famille biologique ou une famille d’accueil. Le ‘shelter’ devrait être une voie de transition. Nous devons trouver des alternatives plus humaines et mieux adaptées aux besoins des enfants », martèle la ministre Navarre-Marie.
Familles d’accueil
Elle annonce également un changement de paradigme en faveur des familles d’accueil : « J’ai toujours eu une préférence pour les familles d’accueil au lieu des ‘shelters’. » Cette approche, largement adoptée dans d’autres pays, vise à offrir un environnement familial stable et aimant aux enfants en attente d’une adoption ou d’une réintégration dans leur famille biologique.
Contrairement aux « shelters », souvent perçus comme des solutions transitoires mais impersonnelles, les familles d’accueil permettent aux enfants de bénéficier d’un cadre de vie plus proche de la normalité. Toutefois, la mise en place de ce système exige un soutien accru de l’État, notamment sous forme d’incitations financières et d’un accompagnement psychologique pour les familles accueillantes. « Il nous faudra trouver la formule appropriée pour encourager les familles d’accueil », soutient Arianne Navarre-Marie.
La réforme prévue entend également moderniser le cadre légal autour de l’adoption et de l’accueil familial. Les procédures d’évaluation des familles, le suivi des enfants et les mécanismes de soutien devront être repensés pour assurer une transition harmonieuse entre les « shelters » et les familles d’accueil. Les professionnels du secteur saluent cette initiative, tout en appelant à une exécution rapide et efficace des changements annoncés. « Cette réforme pourrait être un tournant historique pour les droits des enfants à Maurice, à condition qu’elle soit accompagnée des moyens nécessaires », fait-on comprendre au ministère. La collaboration des familles d’accueil, des ONG et des professionnels de la protection de l’enfance sera nécessaire. « Le processus doit être souple tout en respectant des paramètres essentiels, notamment le traitement accordé aux enfants. Un enfant de 12 ans ne peut être traité comme un enfant de moins de 3 ans. Il faut être vigilant, car il y a des adoptions d’enfants mauriciens par des locaux, mais également des adoptions par des couples étrangers », insiste Edley Maurer, de l’ONG Safire.
Il estime que « la loi sur l’adoption doit prendre en considération les différentes phases de développement de l’enfant ». Edley Maurer parle également de l’importance de l’accord de l’enfant : « Il est crucial que l’enfant puisse exprimer son avis par rapport à son placement dans une famille d’accueil, car cela favorise son bien-être et son épanouissement. »
Adoption par « legitimation »
Selon les statistiques disponibles au ministère de l’Égalité des genres et du Bien-être de la famille, seulement 3 enfants étrangers ont été adoptés, sur une demande de 7, par des parents mauriciens en 2024. Tandis que le nombre d’enfants adoptés par « legitimation » se chiffre à 2 uniquement.
Le rapport Vellien en 2015 : les « shelters » surpeuplés
L’ancienne ministre Aurore Perraud a toujours été contre les « shelters ». Peu après sa prise de fonction en 2014, elle avait visité les « shelters » à travers le pays. En 2015, le magistrat Denis Vellien avait présidé un Fact-Finding Committee (FFC) afin de faire la lumière sur la situation prévalant dans les divers « shelters » à travers le pays. Le FFC avait conclu que bon nombre était surpeuplé et en manque de personnel. « On n’en serait pas là si le rapport Vellien avait été appliqué », déplore Aurore Perraud. L’ancienne ministre rappelle que l’un de ses projets était de revisiter le concept des familles d’accueil, ou de mettre en place un « mentoring » dans les endroits les plus exposés, entre autres.
Rita Venkatasawmy, ex-Ombudsperson for Children : « Une responsabilité qui exige formation et engagement »
« Il ne suffit pas d’être une famille pour accueillir un enfant. C’est une responsabilité qui exige formation et engagement », affirme Rita Venkatasawmy, l’ex-Ombudsperson for Children.
Depuis toujours, cette militante pour les droits des enfants prône l’importance des petites unités familiales comme alternative aux structures institutionnelles. Mais elle tient à préciser que cette solution « n’est pas une formule magique ».
Pour Rita Venkatasawmy, le placement des enfants dans des familles d’accueil exige une réflexion approfondie. « Il faut que les familles d’accueil soient sérieuses, bien formées et engagées. Encadrer un enfant n’est pas une tâche simple, surtout quand les enfants sont confrontés à des difficultés », explique-t-elle. Elle insiste sur l’importance d’un suivi rigoureux.
« Un bon monitoring est indispensable pour s’assurer que l’enfant se développe dans un environnement sain et bienveillant », dit-elle.
L’ex-Ombudsperson for Children estime qu’au-delà de la volonté d’aider, les familles doivent recevoir une formation spécifique pour comprendre les besoins des enfants qu’elles accueillent. « Il est très important que les familles soient bien préparées et pleinement engagées dans leur rôle. Ce n’est pas suffisant d’avoir de bonnes intentions ; il faut des compétences et une compréhension des enjeux », soutient-elle.
« Les enfants n’ont pas leur place dans une institution »
« Les enfants n’ont pas leur place dans une institution », affirme le bureau de l’Ombudsperson for Children, sollicité pour une déclaration. Une plus grande flexibilité dans le processus d’adoption serait une « avancée majeure », souligne-t-on. L’adoption, selon le bureau, permet à un enfant de grandir au sein d’une famille, un droit fondamental trop souvent bafoué.
Actuellement, de nombreux enfants vivent dans des institutions jusqu’à l’âge de 18 ans : « L’adoption offre la possibilité pour un enfant d’intégrer une famille. Les shelters doivent être considérés comme des lieux de transition. » On insiste toutefois sur la nécessité d’encadrer cette réforme par des paramètres clairs. Notamment à travers la mise en place d’une base de données des enfants adoptables afin de rendre le processus plus transparent et efficace. Cette initiative permettrait de faciliter les adoptions tout en assurant un meilleur suivi des enfants concernés.
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