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Productivité portuaire - Tensions à la CHCL : la gestion de Gassen Dorsamy contestée

Une crise semble couver à la Cargo Handling Corporation Limited.
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  • La Port-Louis Maritime Employees Association a envoyé une lettre au PMO vendredi

La tension monte entre la Port-Louis Maritime Employees Association (PLMEA) et la direction de la Cargo Handling Corporation Limited (CHCL). Un conflit oppose les syndicats au directeur général Gassen Dorsamy concernant les performances portuaires et les orientations futures de l’organisation. Cette situation conflictuelle, qui a conduit à l’envoi d’une correspondance au Bureau du Premier ministre (PMO) vendredi matin, menace le fonctionnement optimal du port, pilier crucial de l’économie mauricienne.

De retour aux commandes après un premier mandat de 2012 à 2017 et une expérience à Madagascar, où il a dirigé la modernisation du port de Tamatave, Gassen Dorsamy dirige maintenant la CHCL aux côtés du capitaine Jean Hubert Noël, nommé directeur adjoint. Leur mission : moderniser les infrastructures et optimiser la logistique portuaire dans un contexte d’intensification des échanges maritimes mondiaux. Cependant, selon des sources internes, son retour aurait instauré un climat de crainte, marqué par des décisions controversées.

La tension se serait particulièrement cristallisée autour de la question syndicale. D’après nos sources, le directeur général considérerait les syndicats comme un frein à la productivité. « Il s’est mis en tête que si les performances stagnent, c’est la faute des syndicats. Tout indique qu’il souhaite contourner ces derniers pour négocier directement avec les travailleurs », explique notre source. Une position qui se traduit notamment par la réduction drastique des autorisations de « time off » accordées aux représentants syndicaux, passant de quatre à une seule fois par mois. 

« Les travailleurs de la CHCL, déjà confrontés à un manque criant d’équipements et de personnel, dénoncent un décalage entre les attentes de la direction et les moyens à leur disposition. Mettre de l’ordre là où il y a du désordre, c’est nécessaire, mais cela ne doit pas se faire en pointant uniquement du doigt les syndicats ou les employés », fait valoir une source interne. 

Sollicité, Gerard Bertrand, négociateur de la PLMEA, dénonce les pressions exercées par la nouvelle direction de la CHCL. Il réfute l’argument des salaires « exagérés » avancé pour justifier la faible productivité, pointant plutôt du doigt les carences en équipements et en planification. « Le véritable problème réside dans un manque de planification et d’équipements au port, qui sont les véritables causes des faibles performances », avance-t-il. 

Chiffres à l’appui, il rappelle que la productivité moyenne du port est passée de 19 conteneurs par heure sous la précédente direction de Dorsamy à 21 conteneurs actuellement, avec une amélioration similaire pour le transbordement (voir graphiques).

« La priorité devrait être l’acquisition de nouveaux équipements et une meilleure organisation opérationnelle », insiste Gerard Bertrand, soulignant particulièrement l’absence d'un Terminal Operations Manager compétent. Il critique vivement l’accent mis sur les salaires des travailleurs plutôt que sur l’amélioration des infrastructures.

Appelant à une refonte des priorités, le syndicaliste plaide pour une approche plus collaborative intégrant les travailleurs et leurs représentants afin de surmonter les problèmes actuels, dont les défis structurels, et renforcer la productivité du port. « Nous nous étions engagés en août 2023 à atteindre 25 conteneurs par heure et par grue. Mais cet objectif nécessite une amélioration de ‘l’operation set-up’ », explique-t-il. 

Gerard Bertrand suggère également un rôle accru pour le capitaine Jean-Hubert Noël, ancien Senior Terminal Manager à la CHCL. « Il a été formé par le port de Hambourg, qui avait un ‘management contract’, en 1999 avec Port-Louis », rappelle-t-il. Pour le négociateur syndical, « Gassen Dorsamy n’a pas sa place au sein de la CHCL. Il n’apportera rien de bon au port ».

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La performance de la CHCL au niveau du mouvement de conteneurs et du transbordement.

Gassen Dorsamy : « La discipline provoque quelques mécontentements »

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Selon Gassen Dorsamy, « 95 % des employés sont satisfaits ».

Gassen Dorsamy, directeur général de la CHCL, a été sollicité pour une déclaration. « La PLMEA a fait savoir, lors de nos réunions, qu’elle coopérera avec la direction. J’ai été en contact avec les cinq syndicats et ils ont promis de collaborer pour l’avancement de la CHCL. J’ai également parlé avec les employés, et ces derniers souhaitent collaborer », indique-t-il. 

Est-il au courant que certaines de ses décisions provoquent des « mécontents » ? « Quelle décision ne provoquerait pas de mécontentement ? La première chose que j’ai imposée, c’est la discipline. Aret dimounn dezert travay. Sirtou bann sindikalis ki pa travay ditou. Enn zourne zot pa travay. Kan mo disiplinn zot ki zot dir sa », rétorque Gassen Dorsamy. Il insiste sur le fait qu’il a instauré « une discipline au sein de l’organisme » depuis son retour. « Ce qui provoque, automatiquement, quelques mécontents. Mais la grande majorité des employés, soit 95 %, sont satisfaits », affirme-t-il.

Réagissant aux propos de Gassen Dorsamy, le négociateur de la PLMEA réplique : « La PLMEA n’a jamais été contre la discipline. Gassen Dorsamy emploie le terme ‘discipline’ pour embrouiller le public. »

Crainte d’un « règlement de comptes »

Gerard Bertrand a été interrogé sur le retour de la directrice générale de la Mauritius Ports Authority (MPA), Aruna Bunwaree-Ramsaha. Cette dernière, victime de pressions politiques dans le passé, avait été suspendue de ses fonctions. Il dit craindre qu’elle « règle ses comptes avec les salariés qu’elle identifierait comme complices de sa suspension dans le passé ». Une situation, souligne-t-il, qui serait « néfaste » pour les relations industrielles. 

Gros plan sur la lettre envoyée au Bureau du Premier ministre

Le Dimanche/L’Hebdo a pris connaissance de la correspondance envoyée au Bureau du Premier ministre, vendredi, qui soulève plusieurs préoccupations des employés de la CHCL. La lettre met en lumière les griefs suivants :

Une pression excessive exercée sur les travailleurs pour qu’ils accomplissent des tâches en dehors de ce qui est stipulé dans l’accord collectif ;

Un non-respect de la gestion des effectifs, obligeant les employés à se conformer à des décisions imposées ;

Des allégations de harcèlement dont seraient victimes certains employés, notamment les opérateurs RTG et d’autres manipulant des équipements lourds, mettant en danger la sécurité sur le lieu de travail ;

L’obligation pour tout employé de justifier son absence pour raison de maladie par un certificat délivré par le Medical Inspection Room de la CHCL ou un médecin agréé par l’organisme ;

La direction contournerait la PLMEA en engageant directement des discussions avec les employés concernant leurs conditions de travail.

 

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