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Pouvoir d’achat : la baisse de l’inflation menacée par la cherté du carburant et la guerre au Proche Orient

Amit Bakhirta, Bhavish Jugurnath, Kugan Parapen et Suttyhudeo Tengur

Le taux d’inflation a connu une baisse continue depuis le début de l’année, passant de 11,1 % en janvier à 9 % en septembre dernier. Cependant, avec la récente augmentation des prix du carburant et l’intensification du conflit entre le Hamas et Israël, se profile-t-il un renversement de la tendance ? Quelles sont les prévisions pour la fin de l’année ? Le point.

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Le taux d’inflation en 2022 s’est élevé à 10,8 %, selon les données de Statistics Mauritius. Cependant, les prévisions pour l’année 2023 indiquent une tendance à la baisse, avec un taux d’inflation anticipé de 7,2 %. Cette réduction du taux d’inflation pourrait avoir un impact significatif sur l’économie mauricienne, offrant un certain soulagement aux consommateurs et aux entreprises. Mais la récente hausse des prix du carburant vient déjà jouer aux trouble-fêtes. D’ailleurs, depuis que le prix du diesel a monté à deux reprises en l’espace d’une semaine, les prix de certains produits de consommation ont été déjà revus à la hausse.

Pour le président de l’Association de la Protection de l’Environnement et des Consommateurs (Apec), Suttyhudeo Tengur, la récente augmentation du prix de l’essence va certainement augmenter le taux d’inflation. « Le transport coûtera plus cher. Les consommateurs devront dépenser davantage pour leurs produits », dit-il. 

Ce n’est pas l’économiste Kugan Parapen qui dira le contraire. « La récente hausse du prix du carburant, du diesel, fera grimper certains prix. Et cela va forcément impacter le taux d’inflation à la hausse. On risque d’en ressentir l’impact sur les prochains mois », prévient-il.  L’économiste Bhavish Jugurnath abonde dans le même sens. « Les prix du pétrole ont un impact direct sur l’inflation. La hausse des prix du carburant accroît le coût du transport, et par conséquent, aggrave l’inflation en augmentant le prix final que les consommateurs doivent payer pour tous les produits », explique-t-il.

Amit Bakhirta, CEO d’Anneau, ajoute que le fait que la roupie se soit encore affaiblie le mercredi 18 octobre à Rs 44,50 (contre l’USD),  cela ajoute ainsi une pression supplémentaire sur l’environnement inflationniste.

Impact de la guerre Hamas/Israël

À l’heure actuelle, déclare Kugan Parapen, le prix du pétrole sur le marché international s’échange autour de 90 dollars le baril. Ce chiffre représente une hausse d’environ 6 % par rapport au début de la semaine dernière. Selon lui, la guerre entre le Hamas et Israël risque de s’intensifier. « Cependant, tant que ce conflit reste confiné dans le territoire palestinien/israélien, l’impact sur le reste du monde en termes économiques ne devrait pas être significatif. En revanche, si d’autres pays, dont l’Iran, devaient s’impliquer dans le conflit, cela pourrait avoir un impact conséquent sur le prix du pétrole et du fret »,  explique-t-il.

D’autre part, Suttyhudeo Tengur soutient que le coût du fret augmentera également en raison des préoccupations concernant la sécurité maritime dans le golfe, car l’Iran et d’autres États arabes sont prêts à se joindre au conflit.

Bhavish Jugurnath affirme que l’impact du conflit sur les prix de l’essence demeure incertain, car une augmentation significative nécessiterait une expansion du conflit au Moyen-Orient plus large. Il souligne qu’une transition saisonnière de la période estivale animée aux mois d’automne relativement calmes a réduit la demande d’essence, ce qui pourrait contribuer à empêcher une augmentation des prix à la pompe en cas de hausse prolongée des prix du pétrole. « Cependant, avec l’incertitude actuelle et une hausse à court terme des prix de l’essence, on peut s’attendre à une augmentation des prix du fret prochainement, mais cela pourrait se stabiliser dans les prochains mois à mesure que la demande baisse après la saison festive », poursuit-t-il. Pour sa part, Amit Bakhirta affirme : « À ce stade, nous pensons toujours qu’il s’agit de ce que nous appelons un ‘non-événement’ ».

Le taux d’inflation attendu cette année

  • 2022 : 10,8 %
  • 2023 (prévision) : 7,2 %

Source : Statistics Mauritius

Évolution de l’inflation globale cette année

  • Janvier : 11,1 % 
  • Février : 11,3 % 
  • Mars : 11,1 % 
  • Avril : 10,9 % 
  • Mai : 10,6 % 
  • Juin : 10,5 % 
  • Juillet : 10 %
  • Août : 9,6 %
  • Septembre : 9 %

Source : Statistics Mauritius

Prévisions du taux d’inflation en 2023 

  • Bhavish Jugurnath : « Je m’attends à ce que le taux d’inflation annuel à Maurice soit supérieur à 10,4 % en raison de la flambée des prix des matières premières, de la dépréciation passée de la roupie et de la reprise de la demande locale. »
  • Suttyhudeo Tengur : « Si les prix du pétrole augmentent de 10 %, la croissance économique mondiale diminuera de 0,15 % et l’inflation mondiale augmentera de 0,4 %. Maurice ne sera pas épargné. On s’attend à ce que le taux d’inflation atteigne plus de 5 %. »
  • Amit Bakhirta : « L’inflation globale devrait se situer au-dessus de +7,6 % en excluant la possibilité de problèmes géopolitiques majeurs liés aux matières premières au cours du dernier trimestre de l’année. »
  • Kugan Parapen : « Dans le contexte actuel, on s’attend à ce que le taux d’inflation se stabilise et éventuellement ré-accélère. »

Questions à ….Eric Ng, économiste : «Je vois se dessiner à l’horizon une hausse du prix de l’essence» 

ericQuel sera l’impact de la récente hausse du prix du carburant sur le taux d’inflation ?
Il est évident que la récente hausse du prix du carburant fera augmenter le taux d’inflation. Tout au plus, l’inflation ne maintiendra pas sa tendance à la baisse observée ces derniers mois.

Avec l’intensification de la guerre entre le Hamas et Israël, quelles seront les conséquences sur le prix du pétrole, le coût du fret et éventuellement sur les prix pratiqués à Maurice ?
Si le conflit se limite à la guerre entre le Hamas et Israël, il ne devrait pas y avoir de grosses conséquences sur le prix du pétrole ni sur le coût du fret. Car Gaza n’est pas un producteur de pétrole et n’influence pas le trafic maritime dans cette région du monde. En revanche, si l’Iran s’invite dans ce conflit, le prix du pétrole augmentera brutalement, et un choc pétrolier sera même possible. Quoi qu’il en soit, la State Trading Corporation se trouve dans une position très inconfortable. Je vois se dessiner à l’horizon une hausse du prix de l’essence, ce que le gouvernement ne pourra pas éviter avec sa politique de subvention.

Quelle est votre prévision concernant le taux d’inflation à Maurice d’ici la fin de l’année ?
Avant l’éclatement du conflit entre le Hamas et Israël et avant l’augmentation drastique du prix du mazout, on prévoyait une Headline Inflation de 7 % en 2023. Maintenant, il est certain qu’elle frôlera les 8 %. De toute façon, la Banque de Maurice a déjà perdu la bataille de l’inflation, n’ayant pas les moyens de relever davantage le taux d’intérêt pour défendre la roupie, ni des devises suffisantes pour réaliser un objectif de taux de change dans le moyen terme. Toute baisse éventuelle de l’inflation ne sera due qu’à un effet de base statistique favorable, et non à sa politique monétaire qui défie le bon sens.

 

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