À l’origine de l’altercation entre le caporal Choolun et des jeunes motocyclistes à Goodlands le 9 septembre dernier : une course illégale des motos modifiées. Le Défi Plus lève un coin de voile sur cette pratique qui consiste à trafiquer les deux-roues afin de les rendre plus puissants ou tout simplement pour faire davantage de bruit.
Deux motocyclettes ont été saisies par la police suivant cet incident. Il s’agit de deux moto de la marque Suzuki de 124 centimètres cubes (cc). Bien que neuves – l’une enregistrée en octobre 2017 et l’autre en avril 2018 - toutes deux ont connu des modifications, notamment au niveau des freins et du guidon, du moins de ce qui est visible. La modification des motocyclettes en elle-même n’est pas une pratique nouvelle. Les motos qui participent à des courses sur circuit connaissent elles aussi des modifications. Cependant, elles restent « contrôlées et restreintes ». C’est ce qu’indique Fawiz Alladutt, président de B1 Racing Team.
Celui-ci explique que les motocyclettes sont modifiées aussi bien pour les courses de rallye que pour les courses illégales. Il concède toutefois que, pour les courses illégales, c’est un peu plus « freestyle », car les propriétaires, dans la majorité des cas des jeunes, ont tendance à faire du n’importe quoi. « Ce n’est pas le fait de modifier quelques parties de la moto pour la rendre plus puissante. Le problème surgit lorsqu’ils n’effectuent pas les modifications nécessaires pour supporter le surplus de puissance généré, comme par exemple les freins, les fourches, le châssis, etc. Kan li pa balanse, lerla mem zot riske derape ek tape », souligne-t-il.
Fawiz Alladutt considère que, dans une course, la moto à elle seule ne suffit pas. « Vous pouvez avoir la meilleure des motos et ne pas savoir la piloter », fait ressortir Fawiz Alladutt. Or, ceux qui sont impliqués dans les courses illégales se concentrent justement sur les différentes parties de la motocyclette qui avancent avec une plus grande puissance. « Zot pa pou investi dan sekirite me zot pu konsantre plis lor kote moter ». Sans compter qu’ils privilégient les lignes droites : plus faciles, plus rapides et moins coûteuses que de participer à un rallye. En effet, en sus des frais de participation, les pilotes doivent aussi être bien équipés.
« Entre la combinaison, les boots, le casque intégral, les gants, etc, cela constitue des frais non négligeables. Alor ki pou lekours ilegal, se plito savat, sort, pa met elmet ou alor enn karay, se tou », déplore notre interlocuteur.
Les modifications apportées
Plusieurs parties d’une motocyclette sont sujettes à des modifications. Le Défi Plus vous propose celles qui sont les plus souvent modifiées :
- Pots d’échappement. Les jeunes se retrouvent avec deux choix : primo, remplacer le pot d’échappement d’origine par un autre conçu spécialement pour les courses ; secundo, modifier le pot d’échappement d’origine. Cette pratique consiste à enlever les différents composants se trouvant à l’intérieur du pot d’échappement et les remplacer par une autre pièce. Résultat : un gain additionnel de puissance entre 10 % et 15 % et… plus de bruit !
- Carburateur. Troquer le carburateur d’origine pour un autre avec une plus grande capacité. Ce qui permet d’aspirer l’air et brûler l’essence plus rapidement et donc développer plus de puissance. Là encore, cela permet à la motocyclette d’augmenter les « revolutions per minute » (rpm) et de développer une puissance additionnelle de 10 %.
- Cylindre. Deux composants peuvent être sujets à des modifications. D’une part, le piston d’origine peut être troqué pour un autre plus grand. On parle là de 50, 100 ou encore 200. Il faut pour cela augmenter aussi le diamètre du cylindre. Communément aussi appelé « rebore », cet exercice peut se faire chez un « tourneur ». D’autre part, le cylindre peut être remplacé complètement. Il existe aussi des « kit de compétition ».
- Moteur. Certains magasins proposent des moteurs complets, développant une plus grande puissance et pouvant être accommodés sur une motocyclette d’un plus petit châssis. C’est le cas notamment pour les motocyclettes de la marque Mondiale qui, à l’origine, sont de 70cc. Or, il existe des moteurs pouvant grimper jusqu’à 160cc qui peuvent être installés sur la même moto.
- Filtre à air. Modifier le filtre à air pour permettre un plus grand volume d’air de traverser afin de brûler plus rapidement l’essence et, subséquemment, obtenir plus de puissance.
- Pignon. Augmenter le diamètre d’un pignon, plus connu comme « sprocket », permet d’être plus rapide au démarrage. Le diminuer, en revanche, donne plus de rendement sur les longues distances.
- Jante. Les jantes dites « cosmic » ou en aluminium sont remplacées par celles à rayons. Beaucoup plus légères, elles permettent d’aller encore plus vite.
- Carénages. Désignant l’ensemble des pièces qui couvrent une moto, dans un but à la fois esthétique et utilitaire, les carénages sont enlevés pour alléger la motocyclette.
Circuit : l’emplacement et les frais déterminants
Le ministre des Infrastructures publiques a récemment, une fois de plus, évoqué son souhait de venir avec un circuit pour les amateurs de vitesse. Or, l’avènement d’un circuit permettra de réduire les courses illégales, sans pour autant y mettre un frein. Tel est l’avis de Fawiz Alladutt de B1 Racing Team. « Certains vont peut-être y aller de temps à autre. Mais étant donné que l’accès sera très probablement payant, cela peut constituer un élément dissuasif. Ils retourneront alors sur les autoroutes », dit-il. L’emplacement du circuit serait aussi déterminant. « Il faut que ce soit à un endroit qui soit facilement accessible. Il faut peut-être considérer les endroits où ont lieu le plus souvent les courses illégales lors du choix de l’emplacement », suggère-t-il.
Mécaniciens : des tarifs entre Rs 2 000 et Rs 20 000
Les mécaniciens constituent un maillon important dans la modification des motos. En effet, pour des modifications importantes, les jeunes se tournent généralement vers des mécaniciens, dont certains se sont même fait un nom dans le « tuning ». Selon le président de B1 Racing Team, les mécaniciens qui acceptent de modifier ces engins sont motivés par deux éléments. « Il y a d’abord l’aspect financier. Du moment que le client paie, le mécanicien accepte et il en est satisfait », déclare Fawiz Alladutt. Celui-ci avance que les tarifs vont de pair avec l’ampleur du travail à effectuer sur la moto. « Généralement, il faut compter entre Rs 2000 et Rs 20 000 », souligne-t-il. Il y a ensuite la réputation. En effet, une moto modifiée et qui remporte des succès aux courses, les autres participants vont certainement aussi chercher à avoir la « bonne adresse ». « Cela fait ainsi les affaires du mécanicien », soutient-il.
Modifier une moto, combien cela coûte ?
Il faut compter au minimum environ Rs 10 000 pour des ‘modifications de base’. Ce chiffre peut, cependant, rapidement prendre l’ascenseur. Il n’y a alors aucune limite. Néanmoins, il faut prévoir un budget initial de :
- Moteur : à partir de Rs 25 000
- Cylindre : à partir de Rs 12 000
- Pot d’échappement : Rs 3 000 pour un pot d’échappement modifié ou à partir de Rs 8 000 pour un pot d’échappement du type « racing ».
- Carburateur : Entre Rs 1 500 et Rs 2 000 (Chine) ou à partir de Rs 8 000 (Japon/Italie)
- Sprocket : à partir de Rs 200
- Filtre à air : à partir de Rs 500
Que dit la loi ?
Les nuisances sonores sont régies par la Road Traffic (Construction and Use of Vehicles) Regulations de 2010. Pour les pots d’échappement précisément, la police applique la section 83 (3) – Use of silencer - laquelle stipule :
No person shall :
(a) fit on the exhaust pipe of a motor vehicle any extension or other device likely to cause excessive or unusual noise ; or
(b) alter the silencer in such a way that the noise caused by the escape of the exhaust gases is made greater by the alteration.
Les contrevenants risquent une amende ne dépassant pas Rs 10 000.
La police traque les motos aux pots d'échappement bruyants
Plus de 500. C’est le nombre de contraventions émises par la police pour des pots d’échappement trop bruyants de janvier à ce jour. C’est ce qu’indique un haut gradé de la police aux Casernes centrales.
Outre la police régulière, la police de l’Environnement traque les motos aux pots d’échappement bruyants. Même si le nombre de contraventions dépasse les 500, les officiers à qui cette tâche a été confiée concèdent que ce n’est pas toujours une mince affaire de mettre la main sur ces automobilistes. « C’est parfois compliqué de les arrêter lors des contrôles de routine, car très souvent, ils nous repèrent de loin et font demi-tour. Et si la police les pourchasse, en voulant nous semer, ils peuvent mettre leur vie en danger de même que celle des autres en brûlant les feux ou en remontant une route à sens unique, par exemple », indique notre interlocuteur.
Autre difficulté évoquée par celui-ci : la facilité avec laquelle il est désormais possible de modifier un pot d’échappement. « Il existe une méthode où il leur suffit de ‘plug-in’ une pièce pour que le pot d’échappement ne fasse plus de bruit assourdissant et cela se fait avec un tourne-vis ou une clé Allen », ajoute-t-il.
Alors, comment procède la police ? « Swa gagn zot lor robo ou lor parking. Ou alor, bizin roule. Kan nou trouv enn motosyklet ki pe fer tapaz plis ki la normal, nou signal li nou fer li arete. Nou fer tegn li. Remet en mars, re akselere ek confirme ki mem tapaz ca. Ena ki ena ‘back-fire’. Ca li fer ankor plis tapaz », fait ressortir un membre de la Traffic Enforcement Squad.
Outre l’aspect sonore, les policiers tiennent aussi compte de l’aspect visuel du pot d’échappement. « La dimension du trou d’air doit normalement être petite. Or, pour les pots d’échappement modifiés, c'est large. Et parfois, cela se voit que le pot d’échappement a été trafiqué avec des parties qui ont été découpées et rajoutées », dit-il.
Deux marques de motocyclettes sont privilégiées pour les modifications : la Mondiale (70 cc) et la Haojoue (100 cc).
Évoquant le ‘profile’ de ces motocyclistes, un ‘rider’ de la Traffic Branch explique qu’il s’agit essentiellement de jeunes de 16 à 30 ans. Ce phénomène, selon lui, serait aussi plus courant dans les faubourgs de la capitale, notamment Ste-Croix, Plaine-Verte, Vallée-Pitot mais aussi à Triolet, Camp-Levieux, Pailles et Goodlands.
Dr Dawood Oaris : «Les motocyclistes risquent la perte définitive de l’ouïe»
Les motocyclistes qui sont exposés aux bruits assourdissants provenant des pots d’échappement risquent la perte définitive de l’audition. Telle est la mise en garde du Dr Dawood Oaris, spécialiste en chirurgie ENT (ear, nose, throat).
D’emblée, le Dr Dawood Oaris explique que l’oreille humaine peut tolérer jusqu’à 60 décibels, ce qui correspond à une conversation. Au-delà de ces 60 décibels, le son devient nuisible à l’oreille, surtout si la personne y est exposée durant une longue période. En ce qu’il s’agit des pots d’échappement, le Dr Oaris indique que, dans le passé, des bruits jusqu’à 88 décibels étaient acceptables. « Ce chiffre est descendu, au fil des années, jusqu’à 80 décibels. Or, là encore, c’est encore trop élevé pour l’oreille », dit-il.
Selon le spécialiste, ce sont surtout ceux qui sont exposés longuement à ces bruits qui sont les plus à risque. « À commencer par les motocyclistes eux-mêmes », fait-il ressortir. Ces derniers, précise le docteur, risquent une perforation du tympan pouvant aller jusqu’à la perte définitive de l’audition. « Ce phénomène peut être accentué par le son du vent qui peut grimper jusqu’à 100 décibels si le motocycliste roule à vive allure. D’autant que si le motocycliste ne porte pas de ‘ear plugs’ ou de casque intégral pouvant atténuer le bruit du pot d’échappement », prévient le Dr Oaris.
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