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Pluies torrentielles : polémique autour du traitement réservé aux salariés du privé

À Nouvelle-France, la circulation s’est avérée difficile en raison des fortes pluies.

Une gestion chaotique des pluies torrentielles, mercredi, a déclenché une polémique sur le traitement inégal entre les employés du public et du privé. Retour sur une matinée confuse, marquée par des décisions tardives et un appel à réformer les protocoles existants.

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La journée de mercredi a été marquée par une forte confusion, à la suite de l’émission d’un avis de pluies torrentielles diffusé tôt dans la matinée par la météo. Si les fonctionnaires ont été autorisés à regagner leur domicile dès le début de la matinée, les travailleurs du secteur privé, eux, ont dû attendre une décision officielle du Bureau du Premier ministre, intervenue seulement à 10 h 40. Sur les routes, la situation s’est rapidement dégradée, provoquant de longs embouteillages et une désorganisation généralisée.

Le premier signal d’alerte a été émis à 4 h 40 du matin par le National Disaster Risk Reduction and Management Centre (NDRRMC) / National Emergency Operations Command (NEOC), relayant un communiqué des services météorologiques de Maurice : un avertissement de fortes pluies valable jusqu’à 16 heures. À 8 heures, la situation s’est aggravée : l’avis est requalifié en avertissement de pluies torrentielles, la météo précisant que « des averses d’intensité modérée à forte » persistent sur le plateau central et dans les régions Sud et Est, avec un risque accru d’inondations.

Dans la foulée, le ministre de la Fonction publique, Raj Pentiah, annonce que les fonctionnaires peuvent retourner chez eux. Cette déclaration, faite hors d’un cadre institutionnel formel, suscite rapidement l’incompréhension. Plusieurs sources gouvernementales affirment que la décision aurait dû être annoncée par les instances appropriées. Nombre de fonctionnaires, déjà en route pour leur lieu de travail ou coincés dans les embouteillages, découvrent la nouvelle en direct, tandis que les employés du privé poursuivent leur trajet, sans directive officielle les concernant.

À 10 heures, le ministre du Travail, Reza Uteem, tente d’apporter des précisions. Il rappelle, sur Radio Plus, que selon la loi actuelle, le protocole en cas de pluies torrentielles veut que le gouvernement puisse seulement se prononcer sur la situation des fonctionnaires, tandis que le sort des employés du secteur privé repose sur la discrétion de chaque entreprise. Il reconnaît néanmoins une incohérence de fond et appelle à une révision des protocoles en vigueur : « Il est bon de revoir le protocole […] pour que, lorsqu’un certain seuil est atteint, les travailleurs du privé et du public soient logés à la même enseigne. »

Reza Uteem précise qu’« il y a déjà des consultations en cours, car il faut prendre une décision. Nous sommes dans une situation où les travailleurs du secteur public peuvent rentrer chez eux avec leur famille, alors que ceux du secteur privé ne le peuvent pas. Nous comprenons qu’il y a des enjeux économiques lorsqu’on ferme une usine ou une entreprise. Mais il serait bon de revoir le protocole. Nous examinons à quel moment il devrait être obligatoire pour les entreprises privées de permettre à leurs employés de rentrer chez eux, comme c’est le cas en période de cyclone : en alerte de classe II, le travail continue, mais en classe III, tout le monde rentre chez soi. Pour les pluies torrentielles, le protocole devrait également prévoir qu’à partir d’un certain seuil, tant les employés du secteur public que ceux du privé puissent regagner leur domicile. Bien sûr, une dérogation devra s’appliquer aux secteurs essentiels, tels que les hôpitaux ou la police. »

Plus surprenante a été la réaction du ministre de l’Intégration sociale et de la Sécurité sociale, Ashok Subron, dirigeant de Rezistans ek Alternativ, l’un des quatre composants de l’alliance gouvernementale, qui a publiquement dénoncé sur Facebook, durant la matinée, une « discrimination » entre les secteurs public et privé : « La vie de chaque travailleur a la même valeur. Discrimination non ! » a-t-il écrit, en référence au manifeste électoral de l’Alliance du Changement, qui prévoit une révision de la législation pour protéger tous les travailleurs, quel que soit leur statut, face aux catastrophes climatiques.

Cette sortie inhabituelle d’un membre de l’Exécutif contre une situation imputable à son propre gouvernement a été interprétée par plusieurs observateurs comme le signe d’un désaccord au sein de la coalition. C’est à 10 h 40 que le Bureau du Premier ministre publie un communiqué officiel. Le National Crisis Committee, réuni en urgence, confirme que les pluies ont déjà atteint plus de 100 mm dans certaines régions, et qu’une dégradation sévère est attendue entre 14 heures et 16 heures. En conséquence, tous les travailleurs du secteur privé sont autorisés à rentrer chez eux dans les plus brefs délais, une décision étendue aux établissements bancaires.

Les services d’urgence (pompiers et policiers), sont placés en alerte maximale. Les transports publics restent opérationnels pendant trois heures supplémentaires pour faciliter le retour des employés.

Business Mauritius a réagi en appelant ses membres à appliquer les consignes des Heavy Rainfall Committees internes, tout en saluant les recommandations du ministre du Travail. Pradeep Dursun, Chief Operating Officer de l’organisation patronale, a souligné la nécessité d’une meilleure coordination à l’avenir, notamment sur le plan de la communication et de la diffusion des instructions officielles.

Dans une nouvelle publication, au courant de l’après-midi, Ashok Subron a salué la décision du Premier ministre, tout en maintenant sa ligne critique : « Aster nou ena pou sanz lalwa kouma nou Manifes dir, pou aret tou diskriminasion dan lavenir. Lavi travayer/lepep avan profi ! » C’est finalement à 15 h 15 que la station météorologique de Vacoas annonce la levée de l’avertissement de pluies torrentielles, mettant un terme à une matinée plutôt mouvementée.

Dev Ramano : « On ne peut pas discriminer, le danger est le même »

L’absence de cadre légal spécifique face aux intempéries suscite des préoccupations. Me Dev Ramano plaide pour une loi claire, garantissant la sécurité des travailleurs et une égalité de traitement entre les employés du public et du privé en situation de risque.

Le Workers’ Rights Act de 2019, qui encadre les droits et obligations des employeurs et des employés, ne prévoit rien concernant les intempéries, selon Me Dev Ramano. Cette loi impose une obligation générale de garantir un environnement de travail sûr. L’avocat estime qu’il ne doit pas y avoir de « disparité de traitement » en cas d’avis de fortes pluies ou de pluies torrentielles entre les employés du secteur public et ceux du secteur privé.
« Si le ministère de la Fonction publique juge qu’il y a un danger et autorise les fonctionnaires à rentrer chez eux, le risque est le même pour les employés du secteur privé. On ne peut pas discriminer. Nous avons vu les conséquences des inondations et d’autres catastrophes. Il n’y a qu’une seule station météorologique à Maurice, et ses prévisions s’appliquent à tous. »

Me Ramano rappelle que l’Occupational Safety and Health Act de 2005 interdit aux employeurs d’exposer leurs employés à des risques. En cas de danger, comme une inondation, ils ont l’obligation de protéger leur personnel. « Si aucun transport en commun n’est disponible, l’employeur ne peut exiger qu’un employé se rende au travail sans lui fournir un moyen de transport », plaide l’avocat. Si l’employeur insiste malgré le risque ? Me Dev Ramano précise que la justice devra trancher en cas de vice de procédure. « La Cour est très attentive à ces situations », dit-il.

Faute de protocole national ou de congé de catastrophe prévu par la loi, certaines entreprises ont mis en place des politiques internes (télétravail, congés exceptionnels). Mais cela reste facultatif. Pour l’avocat, une telle décision ne devrait pas relever de la seule volonté de l’employeur : « Le flou juridique ou l’attente d’une décision officielle peuvent avoir des conséquences. »

Dev Ramano rappelle que des membres du gouvernement ont promis, en campagne électorale, de corriger cette disparité. « Le gouvernement doit clarifier la situation et adopter une loi adaptée. Il en va de la sécurité des citoyens. »

 

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