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Pleins feux sur l’efficacité des commissions d’enquête

Amédée Darga, Sam Lauthan, Lovania Pertab et Penny Hack.

Les gouvernements font souvent appel à des commissions d’enquête, pour faire la lumière sur des allégations de scandales ou sur une situation préoccupante. Toutefois, la mise en œuvre des recommandations est souvent pointée du doigt. 

Le recours à des commissions d’enquête finit par devenir un cercle vicieux. C’est l’avis de l’ancien ministre et Managing Director de la firme Straconsult, Amédée Darga. Il fait ressortir que les rapports des commissions d’enquête recommandent que les institutions autorisées prennent le relais pour des enquêtes plus approfondies. 

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« Le point que je souhaite soulever à propos des commissions d’enquête c’est qu’elles n’auraient pas de raison d’être si les institutions comme la force policière, la Financial Intelligence Unit et l’Independent commission against corruption faisaient bien leur travail », indique Amédée Darga. 

Selon lui, lorsqu’un gouvernement annonce une commission d’enquête, il montre l’incapacité de certaines institutions à bien faire leur travail. Au final, les commissions d’enquête soumettent leur rapport à ces mêmes institutions, ajoute-t-il. « On est tout simplement en train de tourner en rond », fait-il observer. 

« C’est le cas avec le rapport de la commission d’enquête sur la vente des actions de Britam Kenya. La commission a fait part de ses conclusions, mais comme elle n’est pas autorisée à procéder à des poursuites, elle a communiqué son rapport à d’autres institutions. »

Enquête sur la drogue

L’efficacité d’une commission d’enquête dépend de la mise en œuvre des mesures recommandées et de la vitesse d’exécution. C’est l’avis de Sam Lauthan, qui a été assesseur de la commission d’enquête sur la drogue à Maurice. Ainsi dans le cas de cette commission, il laisse entendre qu’il n’a pas obtenu pleine satisfaction. 

« Nous avons fait pas moins de 450 recommandations. Il est important de s’assurer que les mesures soient mises en place dans leur intégralité », avance-t-il. Il est catégorique. Si les autorités avaient mis en application les recommandations, il y aurait eu des améliorations concernant la situation de la drogue à Maurice. 

Bien qu’il dit saluer les récents efforts de la force policière qui a effectué des saisies de drogue record, il est d’avis que la situation de la drogue sur le terrain est toujours inquiétante. « La saisie de drogue d’une valeur de Rs 3,6 milliards, cette année, est louable, mais peut-on chiffrer la quantité de drogue qui entre au pays », s’interroge-t-il. 

Un autre élément qui montre la négligence des autorités mauriciennes a trait à la National Coast Guard. La commission avait recommandé que ce département soit mieux équipé. « Mais ce n’est pas le cas. Le naufrage du MV Wakashio a mis en lumière les faiblesses de la National Coast Guard. »

C’est la même chose en ce qu’il s’agit de la situation dans le milieu carcéral. Bien que la commission ait consacré un volet important à la pénétration de la drogue dans les prisons, la situation serait toujours aussi préoccupante. « Je viens d’apprendre qu’une personne que je connais a été trouvée morte en prison. Il y aurait eu, à côté de lui, une seringue et des comprimés. Ce qui montre que la drogue est toujours présente dans le milieu carcéral. Nous avions aussi fait ressortir dans le rapport que certains préposés de la prison sont à la solde de caïds. »

Transparency Mauritius

« L’impression qui se dégage concernant les commissions d’enquête, c’est que les coupables ne sont jamais punis », avance, pour sa part, la présidente de Transparency Mauritius, Lovania Pertab. 
« Selon moi, il s’agit d’une des plus grandes faiblesses des commissions d’enquête. Il y a également un manque de transparence criant concernant la mise en œuvre des recommandations », fait-elle ressortir. 
Pour rendre les commissions d’enquête plus efficaces, il est impératif que le cadre légal soit consolidé. 

Elle estime qu’on ne peut pas s’obstiner à instituer des commissions d’enquête qui vont se contenter de faire des observations et recommander que d’autres autorités enquêtent. 
« C’est comme le chien qui mord sa propre queue. S’il y a davantage de commissions d’enquête, c’est qu’il y a de plus en plus de scandales qui minent le pays. Et les institutions qui sont censées opérer comme des chiens de garde ont perdu cette capacité », poursuit-elle.

Coût d’une commission d’enquête

Selon les rapports annuels de l’Accountant General, il faut un budget de Rs 4 millions pour financer une commission d’enquête. Cependant, dans plusieurs cas, les rémunérations exigées par le président d’une commission d’enquête ainsi que ses assesseurs peuvent être largement supérieures. 

C’était le cas pour la commission d’enquête sur la drogue, présidée par Paul Lam Shang Leen. Ce dernier avait perçu Rs 8 millions et ses deux assesseurs : Sam Lauthan et le Dr Ravin Kumar Domun avaient reçu Rs 2 millions chacun.

Penny Hack, avocat : «L’efficacité d’une commission d’enquête est presque zéro et les recommandations arrivent souvent bien trop tard»

Lorsqu’un pays a recours à une commission d’enquête est-ce une indication que les institutions qui sont censées être des chiens de garde sont en train de faillir dans leurs tâches ?
Instituée par le président de la République, la commission d’enquête n’est pas réservée qu’aux institutions publiques. Elle peut être aussi instituée afin d’enquêter sur la conduite d’un fonctionnaire, sur la gestion d’une institution publique, sur toute question relative à la fonction publique, sur toute question d’intérêt public et sur toute question ayant trait au bien-être public. 

Si le nombre de commissions d’enquête était une vraie indication de la faillite de nos institutions, on aurait une bonne centaine par année. Ces enquêtes sont plutôt des outils politiques pour faire diversion.   

Quelle est votre appréciation de l’efficacité des commissions d’enquête, compte tenu de la mise en application des recommandations ?
L’efficacité en général a été presque zéro et les recommandations arrivent souvent bien trop tard. N’oublions pas aussi les contestations, révisions judiciaires, etc. qui s’en suivent automatiquement. 

Pensez-vous que certains amendements seraient les bienvenus pour améliorer l’efficacité d’une commission d’enquête ?
L’efficacité d’une commission d’enquête réside dans les qualités et l’indépendance de la personne qui instituent la commission, les qualités et l’indépendance des personnes au sein de la commission et des paramètres de l’enquête sans motivations politiques.  

 

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